Dans ce monde, il y a bien des choses abstraites, des choses trop dures à expliquer, qui ne seront jamais très claires. Comme le pourquoi il avait décidé de créer un lien avec toi, de te parler et de garder contact entre vous. Et si tu ne pouvais pas complètement comprendre ce qu’il voulait dire, de par tes expériences, tu avais une petite idée. Bien que l’idée de l’avoir mis à l’aise te paraissait saugrenue. L’idée que tu l’intéresses encore plus. Même s’il te faisait un clin d’œil pour appuyer ses propos, tu restais toujours dans l’incompréhension. Tu es persuadé que ta présence est inconfortable, que ta personne est ennuyeuse et désagréable. Tu ne méritais pas d’avoir le regard comparé à celui d’un seigneur comme Sasori. Tu ne pouvais pas rendre curieux…

C’était inconcevable.

« Je n’ai rien d’intéressant. »

Un murmure. Une vérité à tes yeux.
Mais la discussion ne continuera pas.

Enfin posés dans la chambre, enfin tranquille, enfin un peu de calme… Même si, tu avais osé brisé le silence entre vous pour proposer un thé. Malheureusement, il ne comptait pas en prendre de suite alors… Que pouvais-tu dire maintenant ? Tu y réfléchis, mais rien ne te vient en tête. Heureusement pour toi, Ryoji ne te laissait pas te perdre trop longtemps dans tes pensées. Il plantait son regard dans le tien, se penchait lentement avant de saisir ton bras délicatement.

« J’ai naturellement le teint très pâle. »

Qu’importe, ton avis n’importait pas vraiment, il te tirait vers le lit, t’incitant à t’installer confortablement alors que lui allait chauffer de l’eau. S’il t’avait conseillé de t’allonger, sur le coup, tu n’en avais tout simplement pas envie. Non, tu t’étais contenté de t’asseoir, utilisant le mur comme dossier. Et tu le regardais, tu l’observais de tes yeux dorés. Il te demandait si tu voulais prendre un bain chaud, faire de nouveau une sieste. Il te disait qu’il ne serait jamais loin, que tu avais juste à te reposer. Il veillait sur toi, sur ta santé, il faisait attention à toi, ton bien-être, comment tu te sentais.

C’était étrange.
Pourquoi les gens se préoccupent de ça ?
Pourquoi ils se préoccupent de toi ?

« Je prendrais mon bain après… Tout comme je n’ai pas besoin d’une nouvelle sieste, cela pourrait perturber ma nuit.»

Alors que voulais-tu faire ? Tu n’as envie de rien… Tu ne souhaitais rien… Si ce n’est une chose.
Une seule.

« Je préfère profiter pleinement de ta présence… Cela me suffit amplement. »

Même si tu n’arrivais pas à lui offrir de belles conversations, que tu risquais sans doute de le mettre mal à l’aise, de sortir une bêtise à un moment ou à un autre. Tu risquais de le rendre triste, de le mettre en colère… Néanmoins, pour l’instant, il disait que tu ne l’importunais pas. Il t’avait rassuré là-dessus alors… Alors ça devrait être bon, non ?

Tu étais comparé à un fantôme une fois de plus, à cause de ton teint trop pâle, de ton regard qui manque bien souvent d’éclat. Tu as l’air mort… Peut-être qu’une part de toi l’est tout simplement. C’était embêtant s’il n’aimait pas les fantômes, s’il en avait peur… Quelle serait sa réaction s’il voyait ton véritable visage ? Le visage d’un soldat, le visage d’une arme… L’idée ne te plaît pas vraiment et, au plus profond de toi, tu espères qu’il n’aura jamais à voir cette facette. Qu’il restera ignorant, dans cette douce insouciance. Sinon il sera trop effrayé et il va te laisser… Tout comme Yuan l’avait fait. Tu n’as pas envie de voir sur Ryoji, un regard de colère, mélangé à de la haine, de la tristesse… Tu ne veux pas qu’il ait une expression aussi complexe, tu ne veux pas imaginer sa silhouette s’éloigner te disant qu’il ne pouvait plus te supporter. Même si tu n’as pas conscience de tout cela.

Tu ne te rends pas compte que tu commences à t’attacher.
Que petit à petit, certaines personnes comblent un peu trop ta solitude.

Lui particulièrement…

« Je n’ai aucune raison d’être déçu. Et même s’il y avait une raison pour que je le sois, je ne le serais sans doute pas. Je n’ai pas d’attentes à ton égard, alors tu n’as pas à t’en faire pour cela. »

Il te remettait ensuite la tasse de thé entre les mains, et alors que tu sentais ta peau se réchauffer, ton regard ne le quittait pas. Ton attention était portée sur lui, sur ses mots, ses questions… Si au début, tu fus surpris de l’entendre te proposer de jouer du violon… Tu fus encore plus étonné par sa demande concernant tes progrès. Des progrès… Depuis ce jour où tu avais assassiné ses oreilles, tu n’avais plus touché de violon, ni même d’instrument de musique. Tu n’en avais jamais eu l’occasion après tout, mais surtout… Sans professeur, tu n’aurais jamais pris le risque de t’entraîner à jouer. C’est bien trop délicat après tout. Ah, quand tu y penses, vous aviez fait un échange équitable ce jour-là.

Le jour de votre rencontre.

Lui t’apprenait à jouer du violon, toi, tu l’entraînais à mieux se battre au corps-à-corps. N’était-ce pas l’occasion de continuer à tenir parole ? Ah… Malheureusement, tu as conscience de l’environnement dans lequel vous êtes.

« Je n’ai plus touché à un violon depuis la dernière fois… Je ne peux donc pas avoir fait de progrès… Cependant… Tu sais Ryoji… Nous sommes dans une auberge, ce serait irrespectueux. »

Mais tu aurais bien aimé qu’il t’apprenne à jouer de nouveau, ne serait-ce qu’une note… Tout comme tu aimerais l’entendre, entendre sa musique, le laisser te bercer. Alors, que faire ? Une petite idée te vient en tête.

«Et bien pourquoi ne pas aller dans un endroit plus tranquille dans la journée de demain. Ainsi, tu pourras jouer et… Et m’aider à progresser un petit peu. De plus, nous ne dérangerons personne. »

Cependant, un petit problème survenait.

« Ah, mais… Je préférerais continuer notre échange équitable… Malheureusement vu mon état… En soit je pourrais t’entraîner, mais j’ai promis à mes soldats de rester tranquille alors… »

Tu pourrais toujours lui donner un enseignement la prochaine fois non ? Ce ne serait pas très grave… Et bien… Pour toi si… Parce que tu ne sais pas si tu le reverras. Lui comme toi, vous pouviez mourir demain, l’avenir est bien trop incertain… Tu préférais lui rendre la pareille sur l’instant, ne pas laisser les choses traînées, avoir des regrets.

« Un entraînement verbal est toujours plausible, je pourrais me contenter de faire des critiques et de te donner des instructions cependant... »

Ah, ton regard est bien plus sérieux.
C’est le lieutenant qui parle.

« Je ne trouve pas cela très efficace, il vaut mieux une démonstration et échanger des coups à deux permet de mieux apprendre... »

Tu réfléchis quelques secondes.

« Peut-être que… Exceptionnellement, je peux t’apprendre autre chose. Je n’ai pas beaucoup de connaissances, mais, s’il y a quelque chose que je peux t’enseigner, je le ferais. Même si je ne sais guère ce qui t’intéresse. »

Ton domaine d’expertise est l’art du combat. En-dehors de cela… Que pouvais-tu lui offrir ?

Ryoji a un côté immature, un côté enfantin, un cœur probablement plus égoïste que tu ne le croies. Tu savais désormais qu’il n’éprouvait que peu d’intérêt pour l’humanité, probablement qu’en te demandant si tu voulais qu’il joue du violon, il n’avait pas une seule seconde penser au lieu, à l’heure, et aux personnes que vous pouviez déranger. La musique est agréable, mais cela reste bruyant, ça peut être gênant voire même irritant. Mais toi, tu penses à ce genre de choses, tu les soulèves, après tout, tu ne veux être une nuisance pour personne.

Même si, une part de toi croit que tu l’es,
Que tu le seras toujours.

Tu pouvais néanmoins essayer de comprendre le point de vue de Ryoji, semblerait-il qu’il eût des mauvaises expériences. Des enfants qui crient, des couples qui font trop de bruit… Tu savais de quoi il parlait et il était naturel qu’il se dise que lui aussi pouvait se permettre ce genre de choses. Que lui aussi avait le droit d’oublier un peu les autres. De faire simplement ce qu’il veut, ce qui lui plaît. Néanmoins, il avait compris que tu étais différent, que tu ne pensais pas pareil. Tu te soucies de ce genre de banalités et… Pour être honnête, si tu avais l’occasion de profiter de sa musique, autant attendre le moment le plus propice, le moment où tu pourras juste te laisser bercer par les notes sans penser à autre chose.

Juste tous les deux...

«Parfois, les gens oublient qu’ils peuvent déranger et que tous les murs ne sont pas parfaitement isolés… »

Ton regard s’adoucit en pensant à la prochaine journée, néanmoins, il fallait d’abord se concentrer sur l’instant présent. Et notamment sur la question de votre échange équitable. Rien de surprenant à ce que tu te prennes un peu la tête inutilement. Mais tu voulais lui offrir quelque chose, tu voulais lui rendre la pareille. Tu ne voulais pas manquer l’occasion… Cependant, cela semblait l’inquiéter. Il ne souhaitait pas que tu te surmènes, il te l’interdisait même… C’était un mot assez fort tout comme c’était une preuve de son inquiétude à ton égard.

« D’accord… Pas d’entraînements pour cette fois. »

Son regard est plongé dans le tien, il reste là, assis à tes côtés, à te regarder… Il ne détourne pas les yeux et avec calme, il te demande ce que tu pouvais lui apprendre. Il en profitait même pour te donner une petite information sur lui.

« Savoir coudre est utile dans bien des situations. »

Mais toi que sais-tu faire ? Il te fallait lui répondre… Tu baisses les yeux timidement. Tu semblais y réfléchir longuement.

Qu’est-ce que tu sais faire?
Toi l’arme ?

Tu regardais tes mains, tes gants n’avaient aucune tache rouge, pourtant, cela te paraîtrait presque normal si c’était le cas.

Oui…
Que sais-tu faire à part répandre du sang ?
À part blessé, tuer ou obéir ?

« Et bien… Je… Il est vrai que je ne sais pas faire grand-chose. »

Mais il devait bien y avoir quelque chose que tu pouvais lui enseigner pas vrai ?

…
Réfléchis.

« Je peux t’apprendre… Des techniques de tortures psychologiques ? »

Définitivement pas une bonne idée.

« Ou bien… Faire des baozis… Enfin… Je t’avais donné la recette et ici, ce n’est pas possible, il n’y a ni les ingrédients, ni les outils nécessaires... »

Réfléchis…

« Faire du thé ? Mais tu sais déjà faire... »

Concentre-toi.

« Sinon... »

Tu en profitais pour prendre une gorgée.

« Sinon… J’ai lu pas mal de livres… J’ai plutôt une bonne mémoire… Peut-être que je peux t’enseigner des choses que j’ai apprises… Enfin, ce ne sont pas des sujets très passionnants en général alors.. »

Il n’y avait rien d’autre ?

…

« Je connais quelques pas de danses traditionnelles… La discipline… L’étiquette dans la noblesse… »

Un soupir.

« Désolé…Ce n’est pas très intéressant... »

Tu n'es pas intéressant.

Que sais-tu faire ?
Toi l’arme…

Tu y réfléchissais sérieusement, tu cherchais une réponse, mais, au fur et à mesure, tu comprenais que tu ne savais pas faire grand-chose. Étonnant ? Non… Pourquoi ça le serait ? Après tout, tu as été éduqué comme ça. Éduqué pour seulement te battre. Qu’est-ce qui t’avait pris de proposer de lui enseigner autre chose ? Tu avais cru en être capable ? Cela ne te ressemble pas… Ah, tu ne pouvais t’empêcher de soupirer. Tu t’en voulais. Tu lui présentais des idées étranges, pas très passionnantes…

Tu te sens un peu idiot.
Inintéressant.
Mais cela, tu le savais déjà, non ?

Ne dis pas cela, c’est intéressant.

Lorsque ces mots résonnent dans ta tête, tu daignes lever le regard vers lui. Tu es un peu surpris de savoir qu’il aimerait que tu lui apprennes quelques pas de danses. Qu’il en serait ravi… Enfin, même s’il n’y avait pas de musique…

« Je pense réellement que mes connaissances ne t’apporteront rien… »

Parfois trop morbides, parfois trop banales, trop futiles.

« Enfin… Oui, je peux t’apprendre quelques pas. »

Et il te tend la main. Tu la regardes quelques secondes, presque hésitant, avant de la saisir délicatement. Doucement, tu le suis jusqu’à un endroit un peu plus espacé, où vous pourrez danser. Cependant, le fait qu’il ne lâchait pas ta main… Te faisait comprendre qu’il avait mal compris le style de danse auquel tu pensais. Tu avais en tête, une danse traditionnelle kanagawaise, qui se fait seule… Devrais-tu lui dire ? Le souligner ? Et si ça le mettait mal à l’aise ? Et si ça plombait l’ambiance encore ? Après… Techniquement, tu connaissais aussi la valse…

Et pourquoi pas finalement ?

« Bon et bien… Tout d’abord, il faut faire attention à la posture, il faut faire attention à garder ton dos bien droit, ne regarde pas tes pieds non plus, cela ne fera que te déconcentrer et tu feras plus d’erreurs. Il faut regarder droit devant soi, ou bien, tu peux fixer un autre point dans la pièce, c’est comme tu préfères. Retiens bien que le poids de ton corps repose sur ta jambe d’appui tandis que l’autre se doit d’être plus relâchée. Je pense que ce sont les choses les plus importantes à retenir. Après, il faut suivre le rythme de la musique, mais… Dans cette situation... »

Tu réfléchis quelques secondes.

« Je vais simplement donner le tempo à l’oral. »

Et bien maintenant, il fallait commencer…. Tu inspires légèrement. Dans ta tête, tu faisais résonner un tempo assez lent avant de le dire à voix haute, pour qu’il puisse avoir un repère oral sur ses pas. Du moins au début. Ryoji s’en sortait plutôt bien, il était moins rigide que toi, mais, c’était bien mieux ainsi et, lorsque tu sentis qu’il était bien dans le rythme, tu t’étais arrêté pour ne laisser qu’un silence.

Seuls vos pas légers résonnaient, bien que tu avais l’impression d’entendre un léger tambour.
Peut-être que ce n’était qu’une illusion…

Soudainement, Ryoji brise le silence. Tu sens doucement sa main qui se glisse au bas de ton dos. Tu rates un battement de cœur, ton souffle se coupe une seconde pris par surprise. Il veut prendre la relève, il veut être celui qui guide. Il veut un peu de musique. Et il rapproche son corps du tien… Et tu entends de plus en plus ce tambour. Tu étais un peu perturbé tout d’un coup.

« Hum… Très bien... »

Et il fredonnait. Une chanson dont tu ne comprenais pas spécialement le sens profond des paroles. Après tout, tu n’es pas doué pour ce genre de choses. Mais était-ce important ? Pas vraiment. C’était juste un moment un peu étrange. Où tu sentais ton cœur battre si fort, où tu sentais la chaleur monter, où tu crus à un moment que tu allais rater un pas. Parce que tu es trop perturbé, que cette danse te fait de l’effet.

Puis cet instant envoûtant prend fin doucement.

Il se finit tel un roman, ton corps penché délicatement alors que son visage est si proche du tien. Votre regard plongé dans celui de l’autre, vos lèvres pourraient se toucher… Il pourrait si facilement te voler un baiser….

À quoi tu penses Oz ?

Ton visage rougit un peu plus, le tambour semble désormais au creux de tes oreilles, ça frappe si fort que tu pourrais avoir mal à la tête. Heureusement, une voix te ramène à la réalité, même si tu semblais toujours confus.

« A-Alors... »

Il était temps de se réveiller, tu ne crois pas ?

« E-Et bien, tu t’en sors plutôt bien…»

Tu détournes le regard.

« Ta posture n’est pas toujours parfaite, cependant cela se corrigera avec de l’entraînement. Tu… Tu sais bien guider aussi...  Es-tu sûr que c’est la première fois que tu danses ? »

Même si lui dansait plus librement que toi.
Tu l’avais que trop bien senti.

«E-Enfin, j’espère que j’ai réussi à t’apprendre quelque chose... »

La douce valse s’arrête, comme le grand final d’un bal, mais ici, il n’y a pas d’orchestres, pas de spectateurs, pas d’autres danseurs. Non, vous êtes seuls, sans musique. Toi, simplement bercé par sa voix, le regard incapable de soutenir le sien, les lèvres trop proches des siennes. Même si dès le moment où tu t’étais exprimé, il avait repris de la distance. Sans te lâcher pour autant, comme s’il voulait garder cette tension entre vous.

Qu’il s’en délectait.

Ton hypothèse semblait s’avérer juste, en effet, Ryoji avait déjà dansé autrefois, mais, selon lui, c’était la première fois qu’il avait un charmant partenaire. Charmant ? Tu ne sais pas trop comment réagir, ni quoi en penser. Est-ce qu’il essaye simplement de te faire un compliment, est-ce qu’il fait comme Orion, à dire ce genre de choses pour tenter d’avoir une réaction spécifique de ta part ? Ou bien… Peut-être qu’il est juste honnête…

« Hum... Merci, même si j’imagine que tes autres partenaires étaient tout aussi charmants ou charmantes. »

Finalement, il se redresse, et ce, tout en te gardant contre lui, en laissant sa main dans le bas de ton dos. Ah, cette proximité te perturbe, elle fait battre un peu trop ton cœur, lorsqu’il remet en place l’une de tes mèches rebelles, lorsqu’il se penche un peu plus vers toi…

Et puis…
Il te balance son honnêteté d’un coup.

Être un peu plus libre, être moins coincé, ne plus correspondre à toutes ces étiquettes qu’on t’a imposées depuis que tu es enfant. Voilà ce qu’il te dit avec un langage bien plus familier, avec un ton franc qui finalement lui correspond bien.

« J’ai… Et bien, j’ai conscience que je danse de façon très stricte, je m’en excuse si cela t’a gêné. Je n’ai cependant pas de raisons de changer ça. Je ne danse quasiment jamais alors cela n’a pas vraiment d’importance pour moi.»

Un soupir s’échappe alors que tu sens sa main se poser sur ton épaule, te pousser gentiment vers le lit pour que tu t’y installes, que tu te reposes, que tu ne forces pas trop sur ton corps. Enfin… Si son geste avait pour intention d’être délicat, tu étais tombé sur le lit bien plus violemment que prévu, sentant tout son poids t’emporter dans sa soudaine chute. Heureusement, vous n’étiez pas tombé au sol, sinon tu aurais douillé, non là, c’était moelleux, confortable… Juste surprenant.

Oui…
La position était, dirons-nous, particulière...

C’était un peu étrange, il fallait l’avouer… De voir son corps au-dessus du tien, d’avoir tes yeux pile en face des siens. De sentir une plus grande tension qu’auparavant, une chaleur qui grandit, se propage dans tout ton être. Tu as l’impression d’être sans échappatoire, bloqué entre lui et le matelas.

« N-Ne t’en fait pas… Je ne me suis pas cogné sur quelque chose de dur alors je n’ai pas eu mal… Et toi ? »

Tu l’observes et remarques cette rougeur vivace qui le teinte. Délicatement, tu poses ta main sur son front, comme si tu cherchais à prendre sa température, que tu le croyais fiévreux.

« Tu vas bien ? Tu as le visage rouge. »

Il est difficile de voir une once d’inquiétude dans ton regard, cependant, ton geste en était une preuve. Tu en oubliais un peu la situation...

Il est difficile de savoir quand quelqu’un ment, quand on fait face à de l’hypocrisie, savoir si les gens portent des masques mais Ryoji… Ah Ryoji, ses yeux sont criant d’honnêteté. Autant lorsqu’il te complimente que lorsqu’il soulève ta façon de danser. Quand il te dit que tu es charmant, que ton visage est inoubliable. Mais qu’il dise que tu es assez grand pour prendre tes propres décisions ? Ironique… Tu étais mature pour ton âge et pourtant… Pourtant tu n’étais pas vraiment capable de faire tes propres choix, tu as toujours suivi la voie facile, la voie qu’on t’offrait. Ah, il ne savait pas, il ne savait juste pas à quel point tu étais indécis. A quel point tu étais enchaîné à des mots, à quel point tu te complaisais dans ce manque de liberté, par peur, par lâcheté.

Peut-être que c’était mieux ainsi.

Une part de toi veut garder cette distance, maintenir le fossé, il ne fallait pas qu’il en sache trop, il ne fallait pas que tu te rapproches trop. Et pourtant, il y avait toujours cet imprévu, ce mouvement brusque qui réduisait l’écart entre vous. Toujours un peu plus… Mais tu ne t’en rends pas encore compte, ou plutôt tu fuis la réalité, tu te concentres sur autre chose, tu essayes de ne pas y penser. Tu préférais porter ton attention à sa santé, surtout en voyant les rougeurs qui teintaient son visage. Pourtant il te dit que ça va, qu’il va bien, alors que le ton de sa voix, son expression, semblent dire autre chose.

Est-ce qu’il te mentait pour ne pas t’inquiéter ?
Ou bien est-ce qu’il se mentait à lui-même ?
Comme toi tu le fais.

La main toujours sur son front, tu l’écoutais silencieusement, essayant de déceler le vrai du faux.

« Oui… Il fait un peu chaud c’est vrai. »

Et son visage se rapproche du tien, son souffle est plus près, ses mots un murmure, un secret,  alors qu’il te confesse que son cœur bat extrêmement vite. En l’entendant dire ça, tu te demandes à quel point il bat vite alors… Avec délicatesse et presque intimité, tes doigts descendent, dessinant en même temps les traits de son visage, jusqu’à doucement, naïvement atteindre sa poitrine, ouvrant légèrement le kimono pour atteindre sa peau, pour atteindre son coeur. Et ton regard qui avait suivi tout le trajet, se concentrait sur son arrivée, là où tu sentais ses battements, la rapidité de celles-ci. Sur l’instant, tu restais encore dans ton illusion presque amusante et innocente. Tu restais dans l’ignorance. Tu ne te rendais pas compte de la situation, de cette tension que tu rendais plus forte inconsciemment.

« Il est vrai que ton coeur bat vite. Ce n’est pas vraiment un bon signe… Es-tu sûr que ça va ? »

Tes yeux retournent retrouver les siens.

« Peut-être qu’il faudrait appeler un médecin ? »

Tu t’inquiétais réellement.

« Ou est-ce à cause de la chaleur ? Je peux ouvrir un peu la fenêtre si tu veux. »

Ah  Ōzora…
Que tu pouvais être naïf.
Qu’est-ce que tu pouvais être doué pour faire le sourd, jouer l’ignorant.

La proximité se réduit, vos souffles se rapprochent, cette distance que tu tentes de maintenir se brise toujours un peu plus, par une force invisible, la force de ses mots, la force de ses gestes… Ryoji a cette capacité, parce qu’il ose, il cherche à briser cette barrière, lentement, mais sûrement. Et tu devrais l’empêcher de continuer, tu devrais le repousser, tu devrais un peu plus te rendre compte de ce qui se passe. De cette tension entre vous, de cette chaleur qui se propage dans tout ton être, de ton cœur qui accélère. Mais cela fait des années que tu fuis la réalité, des années que tu as appris à faire le sourd, à ignorer ce qui pourrait trop te perturber, ce qui pourrait un peu trop éveiller toutes ces émotions que tu as tuées, ces émotions que tu as enfermés, mise sous clé.

Reste donc naïf.
Reste donc plonger dans ta propre illusion.

Ignorant ce que tu étais en train d’engendrer, ignorant la façon dont tes gestes étaient si intimes, si sensuels alors que tu dévoilais légèrement son corps. Il serait presque difficile de croire que tu faisais cela innocemment. Si on te connaît pas, on pourrait croire que tu essayais de le faire céder à la tentation, que tu tentais de flirter, que tu avais des idées derrière la tête. Mais non. Non toi, tu ne penses pas à tout ça, au contraire. Tu t’inquiétais, purement, simplement.

Ah le pauvre Ryoji.
Tu ne l’aidais pas.

Tu sentais sur tes doigts son épiderme, ses pulsions, son cœur qui semblait battre toujours plus vite. Et il dit qu’il va bien, qu’il n’y a pas besoin de médecin, pas besoin d’ouvrir la fenêtre, alors qu’il semble chercher les mots, alors qu’il semble incapable de parler correctement, bégayant. Il était si perturbé, tu avais même pu entendre son petit soupir incontrôlé, ce petit soupir qui semblait confesser à quel point tu le mettais dans tous ses états. À quel point tu lui faisais de l’effet.

« Il est vrai qu’avec mon état actuel… »

Tu lâches un soupir en y pensant.

« Un coup de froid ne serait pas le bienvenu, ni pour toi, ni pour moi. »

Et puis ne serait-ce pas dommage de mettre un terme à cette chaleur entre vous ?

Combien de temps crois-tu pouvoir fuir la réalité ?
Rester dans ton illusion.

Sa main saisit délicatement la tienne, celle qui était toujours sur sa poitrine. Il venait la mettre sur son propre visage, sur sa joue alors que vos regards ne se quittaient pas.

Ah, ça y est ?

Il te dit qu’il ne tombe pas malade, même avec le kimono ouvert… Oui… Tu sais ce kimono que tu avais défait légèrement sans lui demander, trop concentré sur ta curiosité, ton besoin d’écouter son cœur, de le ressentir à travers ta peau.

Tu te réveilles ?

« O-Oh euh, oui pardonne-moi pour ça je n'ai pas réfléchi... »

Et un petit rire qui te charme s’échappe.
Et son visage se rapproche du tien.
Et tu commences à rougir toi aussi…

Oui, tu commences enfin à quitter ton illusion.
Ton petit cocon.

Tu ne peux plus faire le sourd.

Un murmure intime se glisse à ton oreille, un petit chatouillement, un petit frisson te parcourt alors qu’il t’avoue que cela ne lui avait pas déplu.

« Hum, c’est... »

Tu n’as pas le temps de sortir des excuses, pas le temps d’esquiver, il capture tes lèvres avant même que tu ne puisses finir ta phrase. Un nouveau baiser qu’il te prenait, et pourtant… Celui-ci était un peu différent. Était-ce parce que tu étais faible physiquement ? Était-ce parce que tu étais trop fatigué ? Il te paraît bien plus intime, bien plus sensuel. Il provoque une sensation plus perturbante. Tu devrais l’arrêter non ? Tu devrais le repousser… Ta main libre se pose sur son torse au-dessus de toi, elle cherche faiblement à le rejeter… Mais on dirait que tu fais ça purement par mécanisme, sans réelle envie.

Comme si au fond, tu voulais le laisser faire.
Te laisser enivrer par la tentation.

Quelles excuses comptes-tu sortir cette fois encore ?

Tu te laissais bercer dans l’illusion, bercer par l’ignorance, le déni. Tu tournais la réalité à ton avantage, tu faisais taire les questions importantes. Tu faisais taire tes émotions, tes désirs, tes envies. Tu aurais voulu continuer ce petit rêve, continuer d’esquiver la réalité. Mais c’est impossible. Tu devrais le savoir non ? Tu n’as pas ce pouvoir, tu ne peux pas t’enfermer ainsi pour l’éternité. Il y aura forcément quelque chose, quelqu’un pour te ramener, pour te réveiller.

Un petit geste.
Quelques mots.
Un murmure.

Tu n’as pas le temps de chercher des excuses, tu n’as pas le temps de parler. Il te dérobe un baiser, comme il aimait tant le faire. Il est toujours difficile de savoir pourquoi il fait ça, si c’est par pure envie, par un simple désir charnel, s’il souhaite te faire taire ou si tu avais fait un geste que tu n’aurais pas dû. Tu ne sais pas où tu mettre. Tu ne sais pas quoi en penser. Pourtant, tu l’avais cherché, tu lui avais tendu cette pomme, n’était-ce pas évident qu’il allait la croquer ?

Lui qui voulait te savourer...
Il l’aura eu son dessert finalement.

Ah, c’est quelque chose auquel tu prends goût toi aussi. Ce baiser, cette chaleur, cette sensation étrange qui fait battre ton cœur. Toujours un peu plus quand il quitte tes lèvres pour descendre petit à petit, presque en t’imitant quelques minutes auparavant, mais contrairement à toi, il s’arrête au cou, il s’arrête au-dessus de ton col. Un geste sensuel, surprenant, coupant une seconde ta respiration. Tu n’oses plus dire un mot, tout comme tu n’oses pas le rejeter. Tu essayes sans réellement essayer. Comme quelqu’un qui part au combat sans armes. Quelqu’un qui était finalement au fond, déjà résolu à abandonner.

Oui…
Tu devrais abandonner.
Au fond, tu voudrais t’abandonner à lui.

Mais il s’arrête, il recule son visage pour que vos regards se croisent de nouveau. Tu observes ce sourire, tu hésites à parler, à justifier ce que tu avais fait juste avant, à justifier le fait que tu ne l’avais pas repoussé. Néanmoins, tu es pris de court par sa main qui saisit la tienne, par ses lèvres qui se posent dessus avec délicatesse. Comme un chevalier qui offrirait un baiser à sa princesse bien que… La position dans laquelle vous étiez s'éloignait bien des contes.

Et puis, c’est lui qui s’excuse.
Parce qu’il est trop difficile de résister.

« Hein ? »

Tu es un peu idiot parfois. Tu ne comprends pas des choses évidentes.

« Résister ? Résister à quoi ? »

Il lâche ta main pour poser la sienne sur ta joue, avec tant de douceur… Avec… Avec tant d’affection. De l’affection vraiment ? Tu n’as pas le temps d’y réfléchir, ni même l’envie, tu te concentrais simplement sur ce que Ryoji essayait de te dire. Sur sa voix tremblante et hésitante, cette voix qui dit ton nom avec tendresse, qui cherche à t’avouer quelque chose. Mais quoi ?

… J’apprécie ton regard.

Tu restais muet quelques instants, tu ne sais pas trop comment réagir face à ça, ni même quoi dire. Tu ne saisis pas la raison de son hésitation, juste pour ça. Tu ne sais pas comment prendre ce soudain compliment. Ton regard hein… Ces yeux soulignés par un maquillage élégant, par un rouge profond… Ces yeux marqués par la fatigue, par ton ennuyeuse vie… Ces yeux que tu voyais chaque matin dans le miroir, ces yeux qui reflétaient le soldat, si vides, sans étincelles.

Les yeux d’une poupée finalement.

Tu ne comprends pas pourquoi il pouvait l’apprécier, tu ne comprends pas ce qu’il pouvait y trouver.
Il n’y a rien.
Cet or est si fade…

Délicatement, tu décales ses mèches de cheveux pour mieux observer son visage, mieux observer son regard.

« Je pense que le tien est plus appréciable. »

Tu le pensais sincèrement.

«Tes yeux ont la couleur de l’améthyste. Ils sont plus vivants, profonds et parfois... »

On dirait qu’ils regardent à travers ton âme.

Cette âme si triste, si morose, cette âme si cruelle, si froide. Ah, tu n’as jamais aimé cette sensation, parce que tu as peur. Tu as si peur qu’il découvre ton vrai visage, qu’il te voit sans ton masque, qu’il voit le démon, l’arme qui a été forgée pendant des années. Cette arme qui a rejeté, répugné et repoussé tant de gens.

Cette personne détestable que tu es.

Ah, tu détournes le regard, presque honteux, soudainement effrayé par ce qu’il pourrait voir.

Ses yeux étaient comme une pierre précieuse, un violet à la fois si doux, à la fois si vif et brillant. Il y a cet éclat à l’intérieur, un éclat qui semble s’intensifier lorsqu’il te regarde, lorsque la distance qui vous sépare, diminue, encore un peu plus. Lorsque tu décales ses mèches rebelles, lorsque tu le complimentes si honnêtement. Son visage teinté de rouge devient toujours plus expressif, plus vivant. Il contrastait tellement avec toi, avec ta pâleur, ta fatigue si visible, mais au moins, Ryoji parvenait à te rendre quelques couleurs. De par cette proximité, de par ce baiser qu’il t’avait volé, de par son sourire, sa voix qui ne cessait de t’ensorceler.

Mais tu ne parvenais pas à soutenir son regard.
Tu avais trop honte de ce qu’il pouvait voir.

Toi qui vois ton reflet devant la glace, chaque matin où tu aperçois ton manque de vie, ton incapacité à sourire. Chaque fois que tu laves le sang sur ton visage, où tu vois ton manque de remords, à quel point tu es froid, effroyable, comme si la Mort était plus proche de toi que la Vie. Tu sais à quoi tu ressembles et tu sais que ce visage n’est pas très avenant. Les gens le supportent peu, trop effrayés, aussi inquiets, tu avais vu tant d’émotions chez les autres. Aucune chez toi.

Et tu ne veux pas que Ryoji voie tout ça.
Tu ne veux pas qu’il te rejette lui aussi.

…
Tu as peur qu’il s’éloigne, qu’une fois de plus, tu refuses d’agir, qu’au bout du compte, tu le laisses partir…

Est-ce que ses yeux pouvaient voir à quel point tu étais brisé ? Que la vie t’avait blessé toi aussi, probablement pas de la même manière que lui… Mais d’une façon qui t’avait marqué jusque dans ta chair.

« Parfois... »

Tu hésites à avouer.
Tu hésites à parler ou juste nier…

« Parfois, j’ai l’impression que tu cherches à m’analyser. »

Ce n’était pas faux.
Mais ce n’était tout à fait ce que tu pensais.
Tu avais juste détourné ta pensée.
Tu l’avais masquée.

Et il pose de nouveau ses lèvres contre les tiennes, un contact bien plus rapide, comme si, en cet instant, c’était te parler, regarder tes yeux sans honte qui l’intéressait le plus. Ah oui tes yeux… Il te dit qu’ils sont beaux aussi, qu’ils ressemblent à de l’or, quelque chose de rare, qui est coûteux. Bien qu’il n’arrivait pas à déchiffrer ce qui s’y reflétait… Pourquoi une part de toi est soulagée ? Pourquoi tu es rassuré à l’idée que tu ne montres rien ?

Crois-tu vraiment que c’est la bonne façon de pensée ?

Soudainement, tu sens sa main descendre vers ton cou, un petit frisson de surprise te parcourt alors que ses mots se glissent dans ta tête. Le fait qu’il ne voulait pas arrêter ce contact visuel, qu’il voulait rester ainsi. Tu tentes de rester concentré dans la conversation, de ne pas trop te perdre dans tes pensées les plus profondes.

« Je… Je ne pense pas que mes yeux reflètent quoi que ce soit. Enfin, si tu les apprécies, j’imagine que c’est une bonne chose... »

Non, ils ne reflètent rien.
Si ce n’est son visage à lui.

Pourquoi Ryoji cherche à maintenir cette tension ? À la rendre plus grande encore ? Comment peut-il t’avouer de façon si spontanée, son envie de t’embrasser encore ?

« E-Et bien... »

Ton visage devient un peu plus rouge, tout en repensant à la chaleur qu’il t’avait offerte quelques minutes plus tôt, en repensant à ce contact physique sensuel et si étrange. Ah, tu continues de le fuir du regard, tu fais tout pour que vos yeux ne se croisent pas.

Concentre-toi.
Ne te perds pas…

« T-Tu restes un homme. »

Reste l’arme que tu es Ozora.

« Il est naturel que tu aies des désirs charnels et physiques, surtout si... »

Pour reprendre ses mots…

« Si tu me trouves charmant... »

Et donc ? Tu ne vas pas le rejeter, le repousser ? Qu’est-ce que tu attends pour le faire ? Pourquoi ton corps ne répond pas à ta pensée ? Pourquoi une part de toi cherches sans cesse à ressentir cette chaleur ?

Ses yeux cherchent à t’analyser… C’est une impression que tu avais, l’impression qu’il essayait de déceler la moindre émotion sur ton visage. Mais en fait, c’était plus simple que ça, il se contentait de t’observer, d’interpréter. Interpréter ? Ton visage ? Ton regard ? Ton expression ? Ne venait-il pas de dire de lui-même qu’il était difficile de savoir ce que tes yeux reflétaient ? Ou bien, il se donnait sa propre idée à chaque fois ? À quel point est-ce qu’il était proche de la réalité ? Un visage ne dit pas tout, un sourire peut être faux, cacher bien des choses. Même si tu ne montrais rien, tu savais mentir, tu savais parfaitement que beaucoup de personnes sont hypocrites, beaucoup de personnes se cachent derrière un masque. Tout le monde a son petit jardin, et sans doute que lui aussi, peut-être que c’était la raison pour laquelle il se contentait d’une interprétation.

Parce qu’il ne voulait pas forcer.
Parce qu’il comprend ce que c’est d’avoir des secrets.

Et toi, le plus grand de tes secrets, le plus grand de tes mensonges.
C’est ton humanité.

Ton visage qui rougit, ton cœur bat plus vite face à son honnêteté, son sourire. Tu tentes d’ignorer toutes ces petites sensations, tu tentes de rester ancrer dans ta réalité. Mais à chaque seconde à ses côtés, tu trembles, tu pousses un soupir incontrôlé, tu frissonnes à son murmure rempli de désir au creux de ton oreille, à ses mots qui résonnent dans ta tête, qui semblent te pousser au péché. Cet autre baiser… Oui cette luxure… Peux-tu y goûter ? Ah… Soudainement, il te pose une question, une question qui te paralyse.

Qu’est-ce que tu désires ?
Dis Ozora… Que désires-tu réellement ?

Au fond, tu voudrais te laisser aller. Au fond, tu voudrais juste te noyer dans cette tension, te laisser consumer par cette chaleur intense.
Pour oublier tes douleurs, oublier toutes ces questions, oublier tes problèmes, oublier tes devoirs, cette chanson que tu as apprise par cœur.
Pour faire fondre cette glace, mettre un terme à cet hiver éternel un petit instant.
Te sentir un peu vivant, un tout petit peu, ne serait-ce qu’une seconde.
Une seule seconde de plus...

« Je... »

Mais les mots ne viennent pas. Parce que ces pensées sont trop bien cachés, elles sont ignorées, mises de côtés.

La peur vient trop vite te saisir, tu es trop effrayé à l’idée de couper les fils, et tu sais que les émotions finissent toujours par se mêler au désir. Tu sais que ça pourrait faire trembler ton monde, ta petite cage dorée. Tu préfères rester un simple pantin, tu préfères rester attaché…

« Je... »

Ta respiration est perturbée.

« Je reste un homme aussi… Physiquement tout du moins… Mon corps pourrait naturellement réagir à ce genre de choses… Mais avoir des désirs ? »

Pourquoi on dirait que ta voix se brise ?
Pourquoi ce regard si indescriptible ?

« Je ne sais pas... »

L’or s’assombrit, il devient plus fade qu’il ne l’était déjà.

« Je n’ai pas besoin de savoir... »