Aimer… C’est éprouver… Éprouver de l’amour, de l’affection, une passion… Aimer, c’est compliquer… C’est quelque chose dont tu t’es privé. C’est quelque chose que tu as bien du mal à expliquer. Parce que ça ne fait pas partie de ton éducation… Ça ne fait pas partie de ce que tu as retenu dans ton enfance. C’est terrifiant. C’est lié aux émotions. C’est lié à ces sentiments que tu ne voulais pas montrer. Ces sentiments que tu voulais jeter…. C’est lié au bonheur… Celui que tu comprends à peine. Celui que tu cherches… Tu n’avais jamais parlé du fait d’apprécier une personne… Tu ne disais presque à personne que tu apprécies le thé blanc, la musique… Simplement observer les gens… Non. Tu es secret.

Ne devrais-tu pas le rester ?

Pourquoi faire des efforts ? Pourquoi vouloir répondre à ce regard si sincère ? Pourquoi te torturer de cette manière ? Était-ce si douloureux pour toi ? Tu lui avais dit de façon si honnête que tu aimais sa musique. Tu lui avais montré de façon si pure que tu aimes le thé. Mais parler de ce que tu penses d’une personne, de sa compagnie… C’était différent. C’était plus difficile. C’était une épreuve un peu trop grande… Tu manquais de courage. Tu avais trop peur. Pourtant, tu as essayé ? Même si les mots ont eu du mal à sortir. Que tu te les arrachés de la gorge. Même si tu t’es caché…. Tu as essayé d’y réfléchir. De lui répondre de la façon, la plus sincère possible… Tu t’étais posé sur tes souvenirs. Sur ces choses rares que tu apprécies. Tu as fait une comparaison et si tu avais bien du mal à t’expliquer…

Ce que tu cherchais à dire n’était pas si compliqué à deviner.

Tu sens ses mains saisir les tiennes. Tu avais un peu résisté au début… Puis tu as senti sa tendresse. Sa douceur. Tu l’as laissé faire… Tu l’as laissé retirer ton masque. Dévoiler ton visage. Le visage d’un jeune homme perdu… Un peu embarrassé. Qui avait du mal à parler. Ton regard se posait timidement dans les siens. Tu l’écoutais te dire que tu ne devrais pas te cacher. Pas pour exprimer quelque chose de sincère. Tu baisses la tête. Pourrais-tu lui dire ? Pourrais-tu expliquer pourquoi agissais-tu ainsi ? Alors que même toi, tu ne comprenais pas vraiment… Comme si tout était hors de contrôle…

« E-Et si je préfère me cacher ?»

Tu sentais encore ses mains.
Tu n’avais aucune force.
Aucune résistance.

« Je… Je ne suis pas doué pour ça… J’ai du mal à apprécier les choses… Savoir que j’aime la musique et le thé blanc… Ce fut… Compliqué… J’ai mis du temps avant de le réaliser. Avant de me le dire… Je ne peux donc pas te comparer avec beaucoup de trucs… Mon avis n’est pas vraiment construit… Et flou en plus… »

Un soupir. Le temps d’un soupir. D’un souffle entre tes lèvres, avant que Ryoji ne te surprenne. Une fois encore… Tu le vois se rapprocher. Ton teint se colorant de nouveau. Ton cœur battant plus vite, comme s’il n’avait pas le droit à un moment de répit. Puis… Tu sens ses lèvres se déposer contre ta joue. Un geste qui fut rapide. Particulièrement doux. Qui t’avait figé le temps de quelques secondes tandis que le jeune homme se redressait.

« Hein ? »

Les températures étaient encore montées… Étrangement… Tout dans ta tête s’embrouillait. C’était peut-être la première fois que quelqu’un faisait ça… Que quelqu’un soit aussi proche de toi. Tu aurais pu te perdre dans tes pensées, mais dans sa question te maintenant sur l’instant présent.

« Et bien… Je vais avoir du mal à m’endormir maintenant en effet… Mais, ne t’en fais pas, je sais m’occuper. S-Si tu veux aller te coucher, tu le peux. Ne te prive pas… Ce n’était pas prévu que je m’endorme désolé… »

Ah... Tu n’osais plus le regarder… Tu voudrais encore te cacher… Tu retenais tes mains… Tu retenais tes pensées… Tu essayais de te concentrer. De garder ton calme. Les informations avaient du mal à s’assimiler pas vrai ?

Un masque… C’est un masque que tu portes. Chaque seconde. À chaque instant. Parfois, c’est un démon. Parfois, c’est un soldat. Toujours, c’est celui d’une sculpture de marbre. Qui reste figée. Qui reste imperturbable. Tu te caches. À chaque fois… Et pourtant… Pourtant te voilà à te dévoiler. Te voilà incapable de résister. Le laissant saisir tes mains. Le laissant regarder ce visage. Ce visage embarrassé. Qui s’exprime lorsque tu l’entends parler. Qui rougit lorsque tu l’entends te complimenter… Ce visage qu’il dit beau… Qui à ses yeux méritait d’être montré. Ah… Lorsqu’il te disait cela, tu voulais encore plus te cacher. Mais il tenait tes mains, et tu n’avais pas la force pour le repousser. Peut-être n’en avais-tu pas l’envie aussi ? Difficile à dire.

« M-Mon visage ne mérite pas d’être montré… »

Toi beau ?
Non… Ce n’était que pour te faire plaisir.
Tu n’as rien de particulier….

Est-ce si difficile d’accepter un compliment ? Est-ce si difficile d’avouer aimer la compagnie d’une personne ? Cela semblait être le cas pour toi… Tu t’étais un peu pris la tête pour rien. Mais qu’y pouvais-tu ? Tu n’es pas comme les autres qui savent naturellement ce qu’ils aiment ou non. Tu es différent. Tu n’es pas comme eux… Tu dois prendre conscience d’abord. Réfléchir ensuite… Te poser mille questions. Te perdre dans tes pensées. T’embrouiller… Et c’est seulement après que tu arrives à dire si tu apprécies… Parfois, le délai est plus long… Ça dépend de bien des choses. Parfois, le délai est plus court… Comme à cet instant. Parce que tu avais souhaité lui répondre. Parce que tu voulais te montrer sincère. Faire un effort… Pour Ryoji… Parce que tu avais eu envie d’essayer.

Tu avais eu envie de parler.

« Je… Je dirais que... »

Envie de lui répondre.

« Tu es le premier ? Je ne pose pas vraiment ce genre de questions… Et j’y suis plutôt fermé… Mais comme tu m’as demandé, j’ai dû y réfléchir, même si cela reste compliqué… »

C’était flou pour toi… Pourtant, tu avais quand même réussi à faire parvenir un message. Et à quel prix ? Un baiser sur la joue… Était-ce une récompense qu’il t’offrait ? Était-ce une coutume à Nordhal ? Tu ne savais pas. Tu étais resté figé, comme lui. Tu te mettais à rougir. À te perdre dans des pensées inutiles… Ou au contraire, trop complexes. Tu avais du mal à regarder ce sourire. Du mal à croiser son regard de nouveau… Tu aimerais comprendre ce qui s’était passé. Pourquoi il avait fait ça. Tu n’as pas osé demandé. Tu n’as pas osé lui demander ce que tu allais comprendre un jour. Qu’est-ce qu’il voulait dire par-là.

Y avait-il vraiment une signification derrière ce geste ?

« J’aurais pu lire ou simplement… Observer ? »

Mais étrangement, l’entendre te dire qu’il allait te tenir compagnie te… Rassurais ? Est-ce que cela te plaisait ? Éprouvais-tu quelque chose à cette idée ?

« Ce n’est pas vraiment une question de politesse… Mais, si tu veux rester… Je ne compte pas te retenir… Tant que tu ne forces pas. »

Alors qu’il s’installait à ses côtés, tu posais ta main sur la tresse qu’il t’avait faite. L’enroulant autour de ton doigt. Jouant un peu avec de façon inconsciente… Tu ne savais pas quelle tête il faisait. Tu te sentais pourtant observé et… Tu étais un peu gêné. Tu n’osais pas tourner le regard, par peur de croiser le sien. De te perdre dedans et encore sentir ton cœur s’affoler…. Mais ce sont des paroles surprenantes que tu entends… C’est une question plutôt étrange. Ça force à poser tes yeux sur lui. Le temps d’un instant. Le temps de voir son air si doux et si perdu à la fois. Le temps de rougir un peu plus pour fuir ensuite.

« Oui, je connais... »

Ton regard se pose sur les flammes.
Tu te rappelais des mots que tu avais lus autrefois.

« C’est cette fameuse légende qui raconte que lorsque deux personnes sont liées par un fil rouge, ils sont destinés l’un à l’autre… Ils sont liés par un lien indestructible. Un cordon magique qui peut s’emmêler, s’étirer… Mais jamais se rompre ou se détruire. Les deux êtres sont destinés à s’aimer, peu importe la distance, le statut ou les différences de richesses qui les séparent. C’est une légende connue pour être romantique. »

Qui est bien différente de ce que tu es.
De ce que tu représentes.

« Le rouge représente tant de choses… Très contradictoires. Amour, passion, désir, colère… »

Des choses que tu ne connais pas.

« Sang... »

Que tu as vu trop souvent.

« E-Enfin… Pardon… C’est bien cette histoire dont tu parlais ? »

Tu te demandais bien pourquoi une telle question lui était venue en tête. Peut-être que ça lui était juste venu d’un coup. Qui sait… Pas sûr que tu devrais demander...

C’est un mur que tu as construit. C’est un mur qui te protège d’autrui. De ce monde qui blesse. Ce monde cruel… Ce sont des fissures qui s’agrandissent. Au travers, on l’aperçoit, cet éclat. Cette humanité qu’il y a en toi… Ton vrai visage… Ce n’est qu’un petit aperçu. Ce n’est pas grand-chose… Et pourtant, tous ceux qui te connaissent savent que c’est un miracle. Une vision bien trop rare. Qu’uniquement lui avait pu voir. Seul Ryoji fut témoin de cette naïveté, de ce visage qui rougissait. Tu maintenais toujours un peu la distance. Tu avais bien trop peur de voir ce mur s’écrouler. Bien trop peur de découvrir qui tu es. Personne ne pourrait le détruire. C’est ce que tu te disais. C’est que tu croyais…

Mais peut-être qu’un jour ça allait arriver ?
Tu ne pourras pas fuir éternellement.
Tu devrais en prendre conscience….

« Hmm… Je pourrais un peu tout observer… Le feu, le plafond, les décorations… Je n’ai pas vraiment de problème à juste regarder ce qui m’entoure sans rien faire… Même si ça peut paraître ennuyant. »

Toi, c’est surtout parce que tu ne sais pas ce que tu pourrais faire d’autres…

« Je vois… Alors tout va bien. »

Il n’était pas comme toi… Toi, tu forces toujours trop. Surtout en combat… Combien de fois avais-tu continué à avancer, malgré ton corps blessé ? Jusqu’où étais-tu capable de te torturer ? Tu as appris à supporter la douleur. À ne pas être bloquée par elle. Ne pas en avoir peur… Tu as appris à dépasser les limites de ton corps. Souvent, tu en payais les conséquences… À cause de cela, tu effrayais… Certains soldats restent toujours terrifiés, lorsqu’ils te voient en sang, continuer ton combat sans pitié. Sans pitié pour l’ennemi. Sans pitié pour toi-même… Parfois, on te réprimande… Mais pour toi, c’est normal. C’est normal de continuer même si ton corps criait. C’est normal de tout supporter….

Même si ton cœur hurlait.

Un être destiné… Une histoire bien trop romantique pour que tu puisses la comprendre. Pour que tu puisses rêver d’une chose pareille… Rêvé de quoi ? D’amour ? Tu n’en étais pas capable… Tu ne comprends pas ce sentiment. Ce que ça fait. Tu l’observes chez les autres. Tu observes. Comme pour tout finalement. Ce rouge si passionnel, si beau de cette histoire… Tu ne pouvais que le comparer à ce que tu connaissais de mieux… Le sang. Mais peut-être devrais-tu éviter de parler de ce genre de choses ? D’avoir de telles pensées… Mais tu n’es pas romantique… Tu n’arrivais pas à être fasciné par tout ça… Tu trouvais cela intéressant. Restant indifférent… Indifférent, car tu ne comprends pas les sentiments qui y sont liés… Tu ne vois que la réalité. Ce que tu as observé.

La vie.
La mort.

« Toutes les couleurs ont des significations particulières… Néanmoins, je pense que le rouge est la plus contradictoire… »

Rouge… Fil rouge… Ryoji te pose une question bien particulière. T’étais-tu déjà demandé une telle chose ? T’étais-tu déjà dit qu’un jour, tu allais rencontrer une personne qui allait te changer ?

« Ne t’excuse pas pour ça. Et pour te répondre… Hmmm… Non… Je ne me suis jamais posé une telle question… Je ne pense pas être destiné à rencontrer une telle personne… En amour ou non… Je ne pense pas que cela puisse m’arriver… Je suis destiné à me battre. À protéger le pays… Je suis- »

Destiné à mourir seul.
Destiné à mourir pour ta patrie.
Sans laissé la volonté de ton clan flétrir.
La faire perdurer au travers des générations…

« Enfin du coup… »

Tu avais préféré te taire.

« Je ne peux pas comprendre ton point de vue... »

Tu te rappelais cependant de cette jeune fille. De ses paroles.

« Mais… Un jour, une personne m'a dit que je rencontrerais quelqu’un qui me fera courir… Quelqu’un qui finira par me faire comprendre que la vie mérite d’être vécue avec des rires, des larmes et colères… Enfin… Je n’y crois pas et c’est très bien ainsi. »

Tu ne veux même pas penser à l’idée de ressentir quoi que ce soit. Tu ne veux pas découvrir les émotions… Et pourtant… Grâce à lui, ton cœur ne battait-il pas plus vite ? N’était-ce pas ce baiser sur ta joue qui continuait de torturer ton esprit ? Ryoji semblait l’avoir compris et en entendant sa question, tu aurais bien aimé rester dans le déni. Continuer d’ignorer son regard. Mais tu étais découvert alors à quoi bon ?

« Je…. »

Tu poses ta main sur ton visage. La sensation gravée en toi. La chaleur. La douceur… Tout t’était resté en mémoire. Aussi éphémère, ce moment avait-il pu être.

« O-Oui... »

Tu joins tes mains. Tu fais comme lui et t’adosses contre le canapé. Tu te mets un peu plus à l’aise, tout en gardant cette élégance dans tes gestes.

« J’ai… J’ai du mal à comprendre ce que ça signifie. Pourquoi… Est-ce que c’est une coutume à Nordhal dont je n’en ai pas la connaissance ? »

Ignorant. Tu es ignorant. Mais au moins, ça t’avait permis de garder un peu d’innocence.

Un fil rouge… Si tu en possédais un, c’était sans doute autour de ton cou qu’il était. Relié à la Mort. Relié à la solitude. Ces présences qui ont toujours été si proches de toi. Ou bien alors est-ce lié à tes parents ? Non… Non. Eux, ce sont des chaînes. Des chaînes qu’ils t’ont forcées de porter. Ton destin, ne pouvait pas être lié à une autre personne. Ton destin ne pouvait pas être d’un rouge passionnel, romantique. Ta vie ne pouvait pas être teintée d’amour. D’une douce compagnie. D’une âme à laquelle tu ne seras jamais séparé. Pourquoi croirais-tu à une chose pareille ? Tu sais que tu es distant. Tu sais que tu es différent. Pouvais-tu trouver quelqu’un de ce genre, alors que tu rejettes le monde autour de toi ? Alors que tu te rejettes toi-même ? C’était bien trop improbable. Ce serait un espoir vain. Ca te ressemblerait pas…

Devrais-tu être heureux pour Ryoji ?
Lui qui a trouvé un père.
Une nouvelle figure paternelle.
Étaient-ce les Dieux qui lui avaient offert ce cadeau ?
Était-ce ce fameux fil rouge ?

« Même si je ne pense pas un jour rencontrer une telle personne… Même si je ne comprends pas ton point de vue… J’imagine que c’est une bonne chose si le destin t’a lié au seigneur de Nordhal. Même si ce n’est pas romantique… Tu sembles éprouver beaucoup d’amour pour lui. Et cela t’a été positif, même moi, je peux le comprendre...»

Et toi ? Étais-tu si mal entouré ? Nombreuses sont les personnes qui essayent de te tendre la main. Qui essayent de te faire comprendre ce que tu es. Nombreuses sont les personnes qui souhaitent t’aider. Pourtant, tu restes sourd. Tu restes derrière ton mur. Mais toutes les paroles restent. Tu n’oubliais pas facilement ce qu’on te disait. Comme si à chaque mot, on te le gravait dans ta chair. Dans ta tête. Pour qu’un jour, tu puisses les comprendre. Pour qu’un jour, tu puisses réellement les entendre. Voir leur véritable sens.

Pour qu’un jour, tu puisses voir ce qu’on t’offre.

Des pensées traversent ton esprit. Tu revois des souvenirs. Des familles qui s’embrassent, qui s’aiment. Qui s’offrent des étreintes, des baisers. Tu repenses… À celui qu’il t’avait fait. Tu avoues ton incompréhension. Le fait que ça te travaillait. Que ça ne voulait pas quitter ton esprit. Cette chaleur. Cette douceur. Ce geste plutôt intime. Ou bien te voyait-il comme un enfant ? Un petit garçon qu’on embrasserait parce qu’on le trouve mignon. Parce qu’on veut le récompenser. Parce que c’est ce que certaines personnes le font. Tu étais persuadé que ce n’était pas le cas. C’était autre chose, mais quoi ? Pour quelle raison avait-il fait ça ?

Pour quelle raison se baissait-il vers toi ?

« Ah, je vois... »

Pour quelle raison se rapprochait-il encore de toi ?

« J’ai déjà vu des gens faire ça entre eux… Mais… C’est parce qu’ils se connaissent bien. A-Alors, je me suis dit que peut-être à Nordhal, il y avait une coutume derrière… P-Parce que sinon ton geste n’aurait… Pas de sens... »

Pour quelle raison ton cœur s'affolait cette fois?

« Je… Je veux dire… Pourquoi m’apprécierais-tu ? E-Enfin… J’ai compris que tu m’appréciais, tu me l’as toi-même dit. Mais… Pas à ce point ? Est-ce que les gens qui se connaissent à peine font ce genre de choses ? Est-ce que c’est juste moi qui ne suis pas assez sociable pour le comprendre ? J’ai conscience d’être assez distant, mais je ne pensais pas qu’aujourd’hui, c’était aussi normal… Peut-être que c’est juste moi le problème après tout...»

Ah… La chaleur monte. Tu te remets à jouer avec ta tresse inconsciemment, entendant ce tambour dans ta poitrine. Est-ce qu’il te taquine ? Son comportement était étrange. Incompréhensible. Imprévisible. Tu reculais en même temps qu’il s’avançait. Tu avais l’impression que ton corps se tendait une nouvelle fois. Que tu étais acculé. Que tu n’avais pas d’échappatoire. Tu mettais ton visage complètement à son opposé. Refusant catégoriquement de le regarder. De lui faire face. En même temps… Comment pouvais-tu agir autrement ? Devrais-tu ne pas bouger ? Poser tes yeux dans les siens. Te perdre dans son sourire. Accepter sa présence trop proche ? Arrêter de fuir ? Non. Tu n’en étais pas capable. Comment pourrais-tu l’être ?

Une mélodie monotone. Est-ce vraiment ce qui te définit ? Es-tu si morose ? Si mort ? Contrairement à ce qu’on pourrait penser, tu n’es qu’une suite de notes étrange. Qui n’a aucun sens. Une musique qui ne sait pas où aller. Qui ne sait pas ce qu’elle voudrait faire entendre. Ce qu’elle voudrait transmettre. Derrière, il y a tant de questions. Tant de doute. Tant de choses complexes… C’est un papier déchiré. Marqué par des traces d’encre. C’est une chanson qui ne s’est jamais complétée. Qui est en train de se consumer. Petit à petit… Toujours plus à force que le temps passe… Et pourtant… Ton cœur éteint semble retrouver une flamme. Une petite étincelle qui le fait battre. Une simple étincelle qui te donne l’impression que tout va exploser. Comme le feu d’artifice d’un festival d’été.

Tu n’avais plus le contrôle.
Mais tu n’as jamais eu le contrôle.
Ni sur ta vie.
Ni sur ton destin.

Étais-tu destiné à le rencontrer ? Était-ce un simple hasard ? Quelle est la véritable différence entre les deux finalement ? Est-ce une décision des Dieux ? Pourquoi feraient-ils une chose pareille ? Parce qu’il te ressemble… Tu savais que non. Tu avais quelques points en communs, mais en soit, il restait très différent. Peut-être que lui, voyait-il quelque chose en toi ? Peut-être qu’il voyait mieux les choses. Peut-être était-ce pour cette raison qu’il se sentait proche. Ou bien, c’était devenu normal pour les autres ? Qu’est-ce qui t’échappait ? Il était déroutant de ne pas avoir de réponses. Déroutant de simplement avoir de plus en plus de questions. Tu te dis que c’était sans doute toi le problème.

Tu te perds.

En le voyant se rapprocher, en essayant de fuir, tu ne fais que plus t’emballer. Tu es de plus en plus embrouillé. Sentant sa main te retenir. Te forçant à regarder son visage. Regarder ses yeux. Il ne t’autorisait pas à te dérober. Tu avais l’impression de l’entendre. L’entendre te dire de ne pas fuir. De lui faire face. Tu ne peux plus reculer. Tu ne peux plus t’éloigner. Au risque de tomber. Toi qui avances toujours dans un champ de bataille. Qui va toujours en première ligne. Il est étonnant de te voir ainsi. De te voir acculé. Aussi perturbé. Tu commences à douter sur ce que tu dis. Sur ce, qui traverse ton esprit. Tout est flou. Tu as tant de doutes… Et tu aurais pu continuer de parler. Tu aurais pu continuer de te perdre dans tes mots, dans tes pensées.

Tu t’arrêtes net.
Sentant ses lèvres contre les tiennes.
Le temps d’un instant.
D’une seconde.
L’impression d’une éternité.

C’est comme s’il te disait de te taire. D’arrêter de parler. Et cela avait plus que marcher. Tu étais resté bouche bée. Le visage rouge. Le regard perdu. Perdu dans les siens. Perdu dans ses yeux devenus si sérieux. Tu n’avais pas réussi à sortir un son. Tu t’étais contenté de l’écouter. Parfois, il vaut mieux ne pas se poser trop de questions ? Tu doutes trop de ce qui t’entoure ? Tu aurais pu répliquer. Tu aurais pu, mais tu n’en as pas été capable. Tu essayais d’assimiler toutes les informations. Posant tes doigts contre tes lèvres. La sensation aussi éphémère, fut-elle, était encore présente. Les pulsations plus fortes. L’incompréhension plus grande.

Qu’est-ce qui venait de se passer ?
Tu n’avais pas rêvé pas vrai ?
Non… Pourquoi rêverais-tu d’une chose pareille de toute façon ?

Tu n’avais que peu de souvenirs de tes parents s’offrant un tel geste. Un tel signe d’affection… Dans ce cas, était-ce de l’affection ? Ah… Tu le vois commencer à se relever. Commencer à partir pour se faire du thé. Tu ne sais pas ce qui t’a pris, pourtant, inconsciemment, ta main a attrapé la sienne. Tu l’as retenu. De toi-même…

« A-Attends... Qu’est-»

Tu te rends compte de ton geste. De ton impolitesse. Tu le relâches délicatement.

« Ah pardon...»

Ryoji venait de te dire que tu devrais arrêter de te poser des questions, non ? Il t’avait dit que tu doutais trop. Devrais-tu malgré tout parler ? Non… Non, tu avais peur… Finalement… Tu devrais l’écouter et simplement ignorer ce qui s’était passé non ? Ne pas te prendre la tête là-dessus… Comme si tu en étais capable… Pourtant… C’était terrifiant. Terrifiant de te dire que tu venais de recevoir un tel geste… Que cela t’avait fait manqué un battement de cœur. Qu’il s’était ancré comme un étrange et pourtant… Doux et chaleureux souvenir. Tu devrais te stopper de suite.

Tais-toi.
Juste… Tais-toi…

Tu veux juste faire taire tes pensées.

« E-Est-... »

Ta voix a du mal à sortir.
Tu te relèves un peu hésitant.

« Laisse-moi t’aider pour le thé... Je… Je vais en prendre aussi…. »

Peut-être que ça t’aidera à te calmer ? Tu en doutais… Ah… Il avait raison… Il avait complètement lu en toi.

C’est un parfum nouveau. Un goût étrange. Pas déplaisant cependant. Une chaleur, une douceur persistante. Qui n’avait pourtant duré qu’un instant. Qui t’avait arraché un battement de cœur. Qui t’avait volé la voix. Qui avaient scellé tes lèvres. T’empêchant de répliquer quoi que ce soit. Qui s’était gravé comme un souvenir des plus particuliers. Comme si ce n’était qu’un rêve… Pourtant, tu le sais. Tout était si vrai. Parce que tout s’est gravé en toi. Parce que les sensations étaient trop réelles. Laissant une petite étincelle renaître. Laissant la température monter. Ryoji avait réussi à te mettre dans un état bien particulier. Tu as du mal à parler. Du mal à tenir sur tes deux pieds.

Tu as trop d’informations à assimiler.
Trop de choses à affronter.

Sa voix te maintient un tant, soit peu conscient. Attirant ton regard sur lui. Sur son sourire… Quel étrange contraste… Tu revoyais son visage si sérieux alors qu’il t’avait embrassé. Tu revoyais ces yeux qui semblaient te dire de te taire. Tu ressentais ses lèvres contre les tiennes. Celles qui te disaient d’arrêter de parler. Ah… Pourquoi les images ne veulent pas partir ? Pourquoi tu ne peux pas tout simplement oublier ? Pourquoi tu revis tout ça… Ne te perds pas Oz. Ne te perds pas dans mille questions. Mille pensées. Concentre-toi simplement sur sa voix. Laisse-toi guider par elle.

« Oui… »

La douceur d’un bon thé blanc… Tu en avais bien besoin. C’était une boisson qui te relaxait naturellement. Mais, dans un tel moment, une telle tension, est-ce que ça fera effet ? Est-ce que ça allait réussir à calmer les tensions ? À détendre cette atmosphère bien trop… Pesante. Oui… Tout était devenu si lourd d’un coup. Vos pas allant jusqu’à la cuisine. Vos voix qui n’arrivaient plus à sortir… Vous étiez tous les deux resté dans un silence de mort. Personne n’osant parler après ce qui venait de se passer… Oublier hein… Ce n’était pas possible. Ce n’était pas possible de faire comme si rien ne s’était passé. Même si tu le voudrais… Vraiment ?

Voudrais-tu effacer ce souvenir ?
Voudrais-tu effacer cette sensation ?

Un soupir. Tu espérais que cela puisse te soulager un peu. Que dans ton souffle, tu allais pouvoir faire sortir quelque chose. T’alléger un peu plus. Pourtant, ce ne fut pas le cas. Tu ne pouvais que faire bouillir l’eau. Sans un bruit. Le regard ancré sur le feu qui dansait. L’ambiance était devenue… Bien différente. C’était trop silencieux. Beaucoup trop. Même toi qui apprécies quand il n’y a pas de bruit. Même toi qui n’es pas dérangé par ce genre de choses… Là, c’était un peu gênant… Heureusement, le jeune voyageur avait réussi à prendre les devants. Il avait réussi à prendre la parole. Bien qu’il semblait… Timide. Alors que tu entendais sa voix, tes yeux se posent sur lui. Tu le vois…. Ses joues qui sont devenues un peu roses alors qu’il semblait plutôt… Embarrassé ?

Ah… Ryoji… Tu ne m’aides pas en réagissant ainsi.

Des excuses… Ce sont des excuses qu’il te présente. Il te dit qu’il n’avait pas réfléchi. Que lui-même, avait du mal à comprendre pourquoi il avait fait ça. Pourquoi aurait-il pu t’embrasser ? C’est un geste d’affection… Ou de désir… Ou bien y avait-il une autre raison qui aurait pu le pousser à agir ainsi ? Si lui-même ne savait pas… Tu ne pouvais pas espérer savoir. Tu resteras dans le flou… Mais si tu ne pouvais pas éclaircir tes idées, tu pouvais au moins lui répondre sincèrement. Sa question t’avait laissé un peu perplexe. Non pas parce que tu hésitais sur ta réponse, mais bien parce que tu avais du mal à comprendre pourquoi il te demandait ça. S’inquiétait-il d’une telle chose ?

« Parfois, on ne se comprend pas soi-même et il n’est pas rare pour un humain d’agir sur… Un coup de tête... »

Tu ne comprenais pas pourquoi ton cœur battait-il si fort par exemple...

« Donc… Et bien, non… Je ne vois pas pourquoi ce serait le cas. »

Tu aurais plein de raisons pourtant.

« Même si tu… Tu as... »

Volé mon premier baiser.

« E-Enfin… Tout va bien… Tu n’as pas à t’excuser pour ça. Ce n’est pas très grave…»

Vraiment ? Pouvais-tu dire cela ? Beaucoup de personnes se mettraient dans tous leurs états. Oh, bien sûr, tu étais dans un état particulier, mais il n’y avait aucun ressentiment. Aucun dégoût. Aucune haine. Ce n’était rien de tout cela. Ce n’était que de l’incompréhension. De l’embarras. Ta réaction pouvait même paraître étrange. Personne n’est assez dupe pour ne pas voir que ça t’a fait de l’effet. Mais tout le monde pourrait s’étonner que tu le prennes ainsi. Peut-être étais-tu vraiment à part ? Tu n’as jamais réussi à en vouloir à quelqu’un. Tu aurais pu pourtant… Tes parents. Yuan… Tu aurais de bonnes raisons d’éprouver du ressentiment à leur égard. Ce n’était pas le cas. Alors Ryoji ? Comment pourrais-tu lui en vouloir ? Il t’avait tant offert… Et puis… Était-ce si désagréable ? Est-ce que ça méritait de la rancune ?

Tu n’avais senti aucune amertume.
Bien au contraire.

Un baiser. Un geste d’amour. D’affection. De désir… Pouvait-on t’offrir une telle chose ? C’était bien plus difficile à appréhender. C’était une information bien plus difficile à assimiler. Parce qu’il y a forcément quelque chose derrière. Il y avait forcément quelque chose qui avait traversé ses pensées. Qui l’avait poussé à t’embrasser. Ce n’est pas comme une étreinte. Lorsque deux êtres se prennent dans leurs bras, il pouvait y avoir tant de sentiments derrière. Ça pouvait être romantique. Platonique. Ça peut être pour consoler une personne. Pour montrer qu’on l’apprécie. Mais ce n’est pas le cas avec un baiser. Est-ce que cela pouvait être sans arrières-pensées ? Est-ce que ça pouvait être platonique ? Peut-être ? Tu ne savais pas en fait… Tu n’y avais jamais pensé… Tu n’aurais jamais pu t’imaginer qu’une telle chose t’arriverait.

Tu n’as jamais aimé qui que ce soit.
Tu n’as jamais songé à être aimé par quelqu’un.

Tu n’es même pas sûr de souhaiter une telle chose un jour… Tu aurais bien trop peur de connaître ça… L’amour. Connu pour être un sentiment fort, puissant, avec ses hauts et ses bas… Un tel sentiment à tes yeux était tout simplement terrifiant. Cela signifierait que tu n’es pas une arme. Que tu es un être humain rempli d’émotions. Cela voudrait dire que tu exprimes des choses. Ce n’est pas fait pour toi. Le chemin que tu empruntes, ne peut se teindre d’amour et d’affection. Tu ne l’as que trop bien compris… Non… Tu ne fais que le penser.

Tu ne fais que t’en persuader.

« Je vois... »

Avait-il vraiment juste agi sur un coup de tête ? C’était un peu étrange… Mais s’il le disait alors c’était probablement vrai. Et si ça ne l’était pas… Tant pis, c’est qu’il n’avait pas envie de te le dire. Et voudrais-tu vraiment savoir ? Comme lui a envie de savoir la fin de la phrase. Tu étais un peu hésitant à l’idée de l’avouer...

« Tu…. »

Tu baisses les yeux… C’était gênant à dire.
Tu souffles un bon coup, pour t’aider à sortir les mots.

« Tu m’as… Pris mon premier baiser... »

Tu esquivais son regard alors que tu prenais la tasse pour y verser l’eau et infuser le thé. C’était particulièrement gênant pour toi… Si tu pouvais, tu fuirais. Tu partirais loin après avoir dit une chose pareille. Mais non. Tu restais là à ses côtés. Tu te réfugiais dans le parfum de l’infusion. Dans la chaleur entre tes mains. Néanmoins, Ryoji avait décidé de te poser une question. Une question que tu aurais préféré ne pas entendre. Si tu avais ressenti quelque chose ? Oui. Et c’était ça le problème. C’était ça qui te perturbait. C’était ça que tu voulais oublier. Le fait que tu avais éprouvé quelque chose… Si tu lui avouais, il serait heureux… Mais si tu l’avouais, tu lui donnerais raison.

Devrais-tu mentir alors ?

« C’est… Même si je pense comme une arme… J’ai un corps humain… Si je réagis forcément au froid et à la chaleur… Je réagis forcément au… Au… Au contact physique… »

Déni ? Oui.

« E-Enfin… Je ne dis pas que j’ai ressenti quelque chose… C’est… Euh… Bref...»

Petit silence.
Il se racle la gorge.
Détourne le regard.

Il avait fait ça pour te faire taire ?
Il avait fait ça parce qu’il n’aime pas t’entendre dire que tu es le problème ?

« Je ne pensais pas que... M'entendre dire de telles choses te ferait agir ainsi. Ni même que ça te gênerait... M-Mais… C’est vrai, alors bon...  »

Soupir. Oui… Souvent, tu étais le problème. Souvent, c’était toi qui te bloquais toi-même. Toi qui jouais au sourd. Au muet. Toi qui étais trop distant pour voir les choses. Pour les comprendre. Mais ce n’était pas toujours le cas. Tu te remets bien souvent la faute… Et c’est un comportement qui pouvait déplaire à certains. Ça déplaisait à Ryoji. Même si tu ne pensais pas que ça le forcerait à t’embrasser pour te faire taire… Le pire, c’est que sa technique avait marché… Qui aurait cru que ce serait d’une telle efficacité.

Le premier baiser. Un geste, un moment qu’on ne peut pas oublier. Que certains trouvent bien trop importants pour le donner à n’importe qui. Que certains refuseraient de se le faire voler de cette façon. Par un simple inconnu… Un inconnu ? Même si vous vous connaissez seulement depuis plusieurs heures… Tu as conscience de ne plus pouvoir le traiter d’étranger. Tu n’en étais plus capable. Même si tu ne savais pas grand-chose de lui au final. Même si le temps passé à ses côtés était encore court… Rien ne pouvait retirer que les souvenirs que tu étais en train de forger avec lui, étaient particuliers et uniques. Que sa présence t’apportait quelque chose… Un certain réconfort. Tu avais offert une étreinte. Pour la première fois. Tu avais vraiment essayé de consoler une personne… Même sans pouvoir la comprendre. Tu as cherché à essuyer ses larmes…. Non… Après ça, il ne pouvait pas être un inconnu. Il ne pouvait pas être qu’un voyageur. Une rencontre éphémère. Et si tu avais enfin réussi à offrir de la chaleur… Tu avais aussi reçu ses lèvres contre les tiennes…

Était-ce bien ou mal ?
Tu ne sais pas.

Tu n’as jamais vraiment su définir ces deux notions. Tu sais qu’elles changent en fonction de chacun… Si certains trouvent mal de tuer quelqu’un. Pour toi, c’est normal. Si certains trouvent bien de rire. Pour toi, c’est inaccessible. C’est terrifiant. Alors devrais-tu lui en vouloir ? Était-ce déplaisant qu’il te vole un tel instant ? Il semblait en être persuadé, mais toi, tu doutais… Étrangement… Même si tu souhaitais rester dans le déni… Tu n’avais rien senti de déplaisant. Tu n’avais senti que de la douceur. De la chaleur. Tu n’étais pas plus que ça dérangé à l’idée qu’il soit celui qui t’ait volé ton premier baiser. C’était juste embarrassant en réalité. C’était juste terrifiant… Terrifiant parce que tu as senti quelque chose. Parce que ça a réveillé, tu ne sais quoi.

Mais tout comme sa question avait été honnête.
Tu décidais de l’être.

« N-Non. »

Inspiration.
Hésitation.

« Cela… Cela ne me dérange pas que ce soit toi… »

Tu préférais ne pas te demander pourquoi exactement. Si c’était simplement de l’indifférence de ta part ou… Autre chose… Tu savais d’avance que ce n’était pas due à ton désintérêt de la vie… Tu savais d’avance que ce n’était pas due à une quelconque instabilité. Ton cœur te le faisait plus que comprendre. C’était pour cette raison que tu préférais taire la question. La réponse serait difficile à trouver… Et… Tu avais peur de ce que ce serait. Tout comme tu avais un peu peur de savoir pourquoi il s’était lui-même volé son premier baiser. Pourquoi, c’était à toi qu’il avait décidé de l’offrir. Tu ne savais pas si c’était quelqu’un de populaire. S’il avait connu des relations auparavant… Tu ne savais même pas quel âge il avait d’ailleurs… Pourtant, tu fus plutôt étonné de savoir une telle information.

Ryoji avait fait ça de façon si…
Naturelle ?
Sans se poser de questions.
Comme tu as l’habitude de le faire.

Ton regard se posait sur lui. Le temps de quelques instants. Le voyant se pencher vers toi. Souriant. Te faisant remarquer que tu continuais à dire que tu étais le problème. Comme si tu lui redemandais de te faire taire. Comme si tu redemandais ses lèvres. À sa remarque, tu paniques un peu. Tu détournes le regard. Est-ce que ça te dérangerait s’il le faisait encore ? Est-ce que ça te dérangerait qu’il recommence ? Étrangement, tu n’arrivais pas à dire oui… Tu n’arrivais pas à te dire que, oui, ça te gênerait.

« Ce… Ce n’est pas… Ce n’est pas ce que j’essaye de faire. »

Ryoji n’aime pas quand les gens parlent mal d’eux hein… Quand une personne parle en négative d’elle… Il détestait la façon dont tu parlais de toi… Il est vrai… Tu es particulièrement dur avec toi-même. C’était l’une des raisons pour lesquelles tu acceptes difficilement les compliments.

« Je ne parle pas mal de moi-même… ? Enfin… J’ai conscience de certains de mes défauts, c’est tout… Ah pardon… Je ne m’en rends probablement pas compte... »

Un soupir s’échappe de tes lèvres. Tu regardes ta tasse de thé. N’osant pas posé tes yeux sur lui. Parlais-tu vraiment de façon si négative de ta propre personne ? Semblerait-il… Et s’il finissait par te détester à cause d’un tel comportement ? Malheureusement, tu es du genre borné sur certaines choses. Aveugle sur beaucoup de choses. Et si tu n’entendais pas tes propres paroles, tu ne pouvais pas espérer changer sur ce point.

Étais-tu étrange ? Aurais-tu dû réagir autrement ? Est-ce que cela aurait été plus normal si cela t’avait déplu ? Si tu lui aurais dit que tu lui en voulais. Que cela t’avait dérangé qu’il t’ait pris ton premier baiser ? Peut-être…. Tu ne sais pas comment on devrait réagir dans une telle situation. Devrais-tu demander conseil à quelqu’un ? Poser la question à des personnes plus sociables. Des personnes moins coincées que toi… Tu n’étais pas sûr de vouloir… À la fois, tu étais curieux de savoir. Mais comment amener ça ? Comment demander une telle chose ? Dans tous les cas… Cela ne servait à rien de te prendre la tête. Pas maintenant. Pas avant que tu ne sortes de la Tour, vivant.

Pas avant que tu tiennes ta promesse.
Que tu lui envoies cette lettre.

Est-ce que tu te dénigrais ? Tu n’en avais jamais eu l’impression… Pour toi, ce n’était qu’avouer tes défauts. Ce n’était rien de plus que des défauts…. Tu es bien froid avec toi-même. Tu ne t’accordes que peu de douceur. Peu d’amour… Tu ne t’aimes pas, il est vrai. Tu restes indifférent face à ta souffrance. Tu la supportes tout simplement. Tu l’ignores presque naturellement. Alors même si Ryoji te disait cela. Même s’il te disait que tu rabaissais ta propre personne. Tu n’arrivais pas à comprendre en quoi. Tu n’arrivais pas à lui donner raison.

« Je… »

Si tu le contredisais encore, allait-il s’énerver ?
Tu n’as pas osé continuer.

Tu posais ton regard sur lui. L’écoutant te dire qu’il était touché… Enfin, rassuré, que tu ne lui en veuilles pas. Il t’expliquait qu’il était parfois très irréfléchi et que c’était le seul moyen qu’il avait trouvé pour te faire taire. L’entendre dire ça était… Embarrassant. Te dire qu’on t’avait empêché de parler. Qu’on t’avait privé de ta voix de cette façon… C’était définitivement étrange… Tu n’aurais jamais cru que ce serait aussi efficace. Qu’une telle idée traverserait son esprit. Ah… Tu avais tant de questions dans ta tête. Tant de questions qui te traversaient. Tant de doutes. Comme toujours. Si tu avais pu le rassurer, c’était une bonne chose. Même si tu t’étais simplement montré… Plutôt honnête…

« Je dis simplement la vérité… Donc… Ne t’en fais pas... »


Tu buvais quelques gorgées de thé, espérant que cela puisse éclaircir tes pensées. En vain. Tu réfléchissais bien trop. Sans trouver aucune réponse. Tu aurais pu continuer, si tu n’avais pas senti sa main se poser sur ta tête. La tapotant tendrement. Tu lui poses un regard curieux. Ne comprenant pas son geste. Tes yeux avaient cette lueur d’innocence. Que parfois, on oublie que tu possèdes, lorsqu’on te voit sur le champ de bataille. Lorsqu’on te sait en train de te précipiter vers la Mort sans connaître la peur qu’elle t’emporte. Mais, si tu n’étais toujours pas terrifié à cette idée, désormais, tu préférais l’éviter complètement. Te battre contre elle s’il faut… Parce que… Parce que tu l’avais rencontré.

« Je… Même sans tous ces gestes… J’aurais quand même fait mon possible pour survivre. »

Soupir.

« Parce que j’ai encore des devoirs à accomplir… Mais… Aussi… Je te l’ai promis. »

Une promesse…
Cela te suffisait.

« M-Mais… J’imagine que ça peut aider oui… Donc je tâcherais de m’en souvenir... »

Dans tous les cas, tu es incapable d’oublier.

« E-Enfin, je préfère éviter de penser à ça en combat… »

Cela pourrait te déconcentrer… Si tu repensais à l’étreinte. À sa chaleur. Sa tendresse. À ses lèvres contre les tiennes… Les questions qui viennent. Le cœur battant. Tes joues se teintent de nouveau. Oui. On va éviter. Tu toussotes un peu pour finalement finir ton thé à ton tour.

« T-Tu veux peut-être aller dormir non ? »

Pour le moment, trouver le sommeil allait être compliqué de ton côté. Cependant, tu te souvenais des paroles du jeune homme… Il était peut-être temps pour lui d’aller retrouver son lit. Après tout, il avait fini son thé…

La vérité. Parfois, tu crois la connaître. Parfois, tu crois être capable de la discerner. Si tu es capable de te montrer honnête. Tu as bien souvent menti. À toi-même. À ceux qui t’entourent. Tu as fait des promesses que tu étais incapable de tenir. Tu as dit des choses que tu ne pensais pas. Tu as retenu des paroles pour ne pas qu’on en sache trop sur toi. Tu dis n’avouer que des défauts, et si tu en étais persuadé, ce n’était pas spécialement vrai. Pour les autres, ceux qui te voient. Ceux qui voient un toi dont tu n’as pas conscience. Une facette dont tu ignores l’existence. AU final, Ryoji avait raison… La vérité n’est qu’un concept étrange qui change en fonction de chacun. Comme le bien et le mal… Comme tout en soit…

Mais il y a des choses que tu refuses d’entendre.
Trop de choses.

« Et bien… Je ne peux pas dire que tu as tort... »

Regrettait-il ses actes ? Il disait que non. Qu’il ne pouvait pas vraiment si cela te poussait à survivre. Et si cela n’avait pas été le cas ? Et si cela ne t’avait pas aidé à vouloir faire de ton mieux pour sortir vivant de la Tour ? L’aurait-il regretté ? Regretté de t’avoir embrassé. D’avoir échangé son premier baiser de cette manière. Avec toi. C’était une étrange pensée qui venait de te traverser… Même si c’était lui qui l’avait fait de son gré. Même si c’était lui qui avait posé ses lèvres contre les tiennes. Tu te sentirais un peu mal si cela était devenu un mauvais souvenir pour lui. S’il s’en voulait d’avoir gâché un tel instant. Ça ne semblait pas être le cas… Mais le doute persistait… Tu avais décidé de te débarrasser de ces pensées. Tu préférais te concentrer sur sa voix. Sur ce qu’il te disait. Sur son petit sourire en coin que tu arrivais à voir derrière sa main.

Ryoji est…
Plutôt taquin.

« Je… Je ne rougis pas et certainement pas sur un champ de bataille. »

Menteur.

« C’est juste qu’en combat, je dois me concentrer sur ce qui me fait face. Sur mon ennemi et ce qui m’entoure… De simples pensées peuvent perturber quelqu’un… M-Mais bref… »

Un petit soupir. Sa taquinerie avait malgré tout, fait du bien à l’atmosphère. Elle n’était plus aussi pensante qu’il y a quelques minutes. Même si à cause de ses mots, tu avais toujours un peu chaud au visage, au final, il était plus facile de respirer. Tout semblait… Moins lourd. Pourtant, à ta question, il montrait une bien étrange expression. Il risquait avoir du mal à s’endormir maintenant ? Et bien, vous étiez deux… En même temps, ce serait difficile. Après tout ce qui s’était passé. Après tout cet échange. Les sensations étaient bien trop persistantes.

« Je vais aussi avoir du mal à dormir… Ma sieste imprévue ne m’aide pas vraiment... »

Tu poses tes yeux sur lui. Tu l’observes en train de se prendre une couverture pour s’y enrouler dedans et se poser sur le canapé. Devant les flammes, les regardant en train de danser. De crépiter. Ses mots… N’étaient pas vraiment plaisants à entendre. Il était vrai… Que le lendemain vous alliez vous séparer. Reprendre votre route. Prendre un chemin bien différent. Pourquoi cette simple idée te perturbait tant ? Pourquoi est-ce que tu voulais repousser ce moment ? Pourquoi ? Qu’est-ce qui se passait dans ta tête pour avoir ce genre de pensées ? Tu ne comprenais plus rien.

« Je… Je ne vais pas te déranger plus longtemps… Je vais te laisser essayer de dormir… Alors... »

Un regard doux et pourtant…
Il semblait dire autre chose.

« Bonne nuit Ryoji. »

C’était la première fois que tu disais son prénom. C’était avec une incroyable tendresse que tu lui avais souhaité une agréable nuit. C’était quelque peu hésitant que tu lui avais tourné le dos. Marchant d’un pas lent et silencieux jusqu’à cette chambre qu’il t’offrait pour ce soir. La tête remplie de doute et de questions.