Naxos. 06 décembre 1551.
Même si tu as agi dans les temps, tu regrettes que le sang de l’Archevêque ne coule pas. Ne serait-ce qu’un petit peu. Cela aurait pu contenter ton désir malsain de la voir tomber de sa tour d’ivoire trop bien couvée et gardée. Le couteau s’échoue sur le sol dans un bruit métallique, qui impose le silence à l’assemblée autour de votre groupe. Les secondes s’écoulent, malgré tout, le choc provoqué à cette foule de fervents croyants est agréable. Les voix se sont taries. Leurs plaintes avec elles.

La peur passée, l’Archevêque te remercie tandis que tu défais la capuche de ta tête pour présenter ton visage et ton identité. Tu n’imagines pas un seul instant que tu puisses être connu par cette femme, tu n’as donc rien à craindre. Il serait tout de même surprenant qu’elle connaisse des roturiers aussi banals soient-ils, comme toi.

Et puis du mouvement.
Un dénommé Kiseki rejoint la religieuse.
Suivi de près par celle aux cheveux de feu.

Tu plisses les yeux en voyant cette jeune femme aux cheveux rouges s’approcher de la religieuse et s’inquiéter pour elle. Puis tu dévies sur le blond qui a tiré l’Archevêque vers lui pour la protéger. Tu observes quelques instants cet homme, sceptique quant à ses intentions. Tu connais le regard de ceux qui ressentent une amertume, et tu ne penses pas te tromper sur lui.

Peut-être que les choses vont être plus intéressantes que prévu finalement.

Les paroles de la femme dénommée Asteria te font hausser un sourcil, lorsqu’elle mentionne un poison potentiellement présent sur la lame. Tu gardes tes pensées pour toi, mais il serait étonnant qu’une vieille femme mal préparée ait envisagé d’empoisonner qui que ce soit. Avec un couteau de cuisine qui plus est. Les apparences peuvent être trompeuses, mais les émotions brutes sont souvent la preuve d’une action irréfléchie.

Comme pour appuyer tes pensée, tandis que le blondinet s’occupe de l’agresseur, la femme d’un âge avancé finit par accuser la religieuse d’un crime grave. Tu plisses les yeux, percuté par les paroles démentes de la vieille, gardant toujours le silence sur la situation. Cela ne te regarde pas. Tu sais les rumeurs qui courent sur l’Archevêque, notamment sa potentielle relation avec une femme, une étrangère à son cher culte adoré. Tu profites que son attention est ailleurs pour lui adresser le plus de haine possible de tes yeux bleu-gris.

Les soldats libèrent la vieille de l’étreinte du blond pour l’emmener tu ne sais où, même si tu peux aisément deviner la suite des évènements pour cette victime de catastrophes. Un léger soupir discret s’échappe de tes lèvres, désolé par tant de remue-ménage pour une finalité plus que banale.

La religieuse finit de nouveau par accorder sa suprême attention sur ta modeste personne, te demandant ce qu’elle pourrait t’offrir pour te remercier de ton acte héroïque. Si elle savait que ton action est poussée par un désir égoïste et chaotique … Tu forces ton visage à prendre une expression plus douce que ce que tu arbores d’habitude et t’inclines avec politesse devant elle.

« Je souhaite suivre votre groupe, j’ai entendu les rumeurs sur Naxos. »

Tu as veillé à parler de ton mieux. Roturier de naissance, tu n’as pas un lexique travaillé et il est rare que tu vouvoies qui que ce soit. Probablement que tu aurais eu envie de t’écorcher la bouche si tu lui avais accordé le moindre respect, tu préfères rester vague et choisir tes mots avec soin.

Elle accepte contre toute attente ta demande. Tu aurais pu partir sur de l’argent ou un service quelconque, mais tu restes simple. Tu as besoin de découvrir des choses et ce groupe est un véritable passe-droit. Il ne te sera donc pas utile de les suivre en filature, tu peux t’intégrer directement dans leur groupe, tel un loup dans la bergerie. Et puis ce Chevalier aux côtés de la religieuse a piqué ta curiosité. Ainsi, comme avec Alstroemeria, tu veilles à ce que ton visage soit adouci en leur compagnie. Tu sais bien feindre la gentillesse et la bienveillance, pour le faire trop souvent.

« Je m’appelle Isaac, j’suis mercenaire et musicien. »

Tu sais que préciser le fait d’être musicien a tendance à faire baisser la garde des gens. Car la musique est un art extrêmement poétique, et Akielos adore tout ce qui est romancé.

Ainsi donc, tu décides de suivre le groupe qui s’engage dans la forêt à la recherche du garçon disparu, et de la divinité perdue. Tu ne parles pas, les yeux partout. Il s’agirait de rester concentré pour éviter de te perdre, mais généralement accompagné, il est impossible que ce soit le cas. Tu as l’habitude de cette tendance à te paumer n’importe où et n’importe quand, il suffit que tu fasses un pas, que tu tournes la tête pour perdre de vue ton objectif et emprunter la mauvaise route.

L’entrée de la forêt n’est pas spécialement accueillante, l’hiver a fait son travail. Les feuilles des arbres sont tombées pour certaines, et les couleurs du paysage sont ternes à souhait. Tout le monde semble alerte sur le décor, cherchant des indices sur le passage de cette divinité, tandis que toi, tu laisses ton regard s’attarder sur chaque personne présente.

La jeune femme aux cheveux rouges et le blondinet silencieux sont les objets qui jouissent de ta curiosité, même si tu fais ton possible pour rester discret sur tes observations insistantes.

Naxos. 06 décembre 1551.
Présentations faites, tu regardes chaque membre du groupe avec un intérêt soudain. Asteria n’a pas précisé son métier ou son rôle dans cette aventure, mais tu ne te démontes pas. Tu sais qu’il y aura forcément un moment pour que tu puisses discuter avec chacun d’entre eux, pour tirer toutes les informations que tu pourras. Tu aimes écouter les rumeurs, afin de te faire une petite pile mentale de données sur les gens.

Cela peut toujours servir.

Ainsi donc. Asteria, dont l’occupation est inconnue.
Sa peau légèrement plus bronzée que vous autres te rend curieux. Est-elle de Djinn ? Ou y a-t-elle été récemment ?

Kratos, l’étrange chevalier qui accompagne Kléomène.
Son air impassible cache sans doute plus qu’un visage blasé et tiré par la fatigue, mais tu ne peux pas t’avancer sur ses réelles motivations. Car, tu n’es pas dupe, tu peux ressentir quelque chose de familier émaner de sa personne.

Et un dernier personnage nommé Kiseki qui, de toute évidence, ne vient pas d’Akielos vu sa manière d’être habillé, et son allure générale.

Un groupe assez diversifié en termes de personnalités et de fonctions, ce qui promet d’être amusant à bien des égards. Durant la traversée de la forêt, chacun prête attention aux détails de la nature. Toi ? Tu les regardes faire, crachant quelques critiques acerbes à leur encontre dans un coin de ta tête. Nobles et Beasts ne font généralement pas bon ménage, mais pour cette fois, tu prendras sur toi.

Il y a un enjeu plus grand que ta petite haine envers eux.

Marchant à quelques pas derrière le groupe afin d’avoir un œil sur ce qui se passe, sur les potentiels échanges entre personnages, tu tends l’oreille de manière attentive à chaque mot prononcé. Tu t’arrêtes brusquement de penser et d’avancer, après une bonne demi-heure de marche, lorsque Asteria parle de la faune agitée et lorsque l’Archevêque pointe son nez vers le ciel. Tu fronces les sourcils, l’air concerné, car pour avoir passé des heures et des heures en forêt, tu sais que tout ceci n’est pas normal.

« C’est bizarre. »

Il y a quelque chose qui les agite.
Quelque chose de suffisamment puissant ou gros pour que toutes les espèces réagissent. Le Dieu serait-il dans les parages ? Tu réfléchis. Ce n’est qu’une théorie, mais sans doute qu’un être divin pourrait perturber l’équilibre paisible des animaux de la forêt. Tes yeux suivent le mouvement de la danse aérienne qui se joue au-dessus de ta tête, perdant un instant ta concentration.

Et puis tu te rappelles.
Ton objectif.
Tu ne dois pas les lâcher des yeux.
Au risque de te paumer quelque part.

Tu soupires, jettes un regard furtif au chevalier et continues d’avancer jusqu’à l’entrée d’une grotte. Curiosité est le maître mot de tout le groupe à cette découverte, et tu dois te forcer pour t’intégrer au groupe. Un peu de courage, un inspiration, un ton clair et décontracté, tu décides de briser le silence qui règne.

« Avant d’entrer là-d’dans, on devrait faire du feu. On y verra rien si on y va comme ça. Il faut des bâtons assez épais, deux voire trois, du tissu et un truc à faire flamber. Quelqu’un a ça ? »

On sent ton habitude à arpenter les forêts lorsque la nuit est noire, et ton expertise dans le domaine de la débrouille. Écoutant alors la réponse de chacun, et la présence d’alcool médicinal de la part du type aux cheveux roses, tu laisses un fin sourire étirer tes lèvres.

« Quelqu’un vient chercher du bois avec moi ? »

Spoiler:

Le même personnage se dévoue et d’un commun accord, vous vous éloignez légèrement de l’entrée de la grotte pour trouver des bouts de bois suffisamment épais pour qu’ils ne s’étiolent pas trop rapidement. Avec un rire nerveux, qui passe beaucoup mieux que ce que tu pensais, tu prononces quelques mots à son encontre.

« J’espère que t’as le sens de l’orientation parce que moi, je me perds tout le temps. »