A quel point pouvions-nous décrire le Prince de Djinn comme inaccessible ?
Bon nombre de ses amantes et amants diront certainement qu’un homme quittant votre couche sitôt l’acte d’amour terminé, ou qui vous somme de quitter le sien était inaccessible. D’autres diront que l’occasion manquée d’obtenir un baiser ou une caresse allant au-delà de la simple taquinerie faisait de lui un homme inaccessible.
Car il séduit, mais ne prend que ce qui lui plaît.
Car il tente sans jamais donner plus que ne souhaiterait le ou la partenaire.
Mais ce soir, Geb a trouvé bien plus fort que lui à ce petit jeu-là. Sans doute que, cette fois, il est celui qui subit les attaques tentatrices d’un être inaccessible.
L’est-il seulement ? Viendra-t-il à le rejeter le moment venu où il aura pris de Geb tout ce qu’il voulait ?
Parce qu’il le veut, oui. C’est une certitude. C’est un sous-entendu beaucoup trop beau pour ne pas être entendu. L’homme masqué l’a emprisonné dans ses bras, contre ce mur qui soudainement devient l’attraction de quelques badauds comme ils contempleraient une peinture raffinée.
Raffinée, mais indécente à en croire les hoquets de surprise à peine dissimulée d’une des convives.
Qu’il soit sous couvert de l’anonymat ou bien à la vue de tous ne change rien à la pression que son ancien partenaire de danse aime donner, à lui et, très certainement, amplifiée par la présence autour d’eux. Une présence invisible de leur champ de vision obstrué par les oeillades salaces qu’ils s’échangent, mais pour le moins oppressante.
Geb aime pourtant être au centre de l’attention d’habitude, mais pas lorsque le Jotunheim est dans les parages.
Pas quand il est dans une posture si peu confortable et digne de son titre.
Anonyme ou non, cela compte.
Il laisse ses paupières tomber au plus bas, un long souffle s’échappe de ses lèvres rougissantes d’avoir été embrassées. Il profite de ces quelques secondes qu’il lui offre par arrogance d’avoir fait balbutier le Prince pour retrouver un peu de contenance.
“Vous avez bien appris vos leçons, cependant…” admet-il en laissant la dernière syllabe s’allonger. “Vous avez encore beaucoup de choses à apprendre.”
Il aurait pu se laisser complètement surprendre par lui, il le sait. Sa prestance et sa répartie taquine le faisait tressaillir. Alors s’il souhaitait faire à nouveau fière allure à cette soirée, il allait devoir maîtriser l’enseignement qu’il venait tout juste de lui apprendre.
Lâcher trop de lestes ne faisait que renforcer sa domination.
Geb le voit avide d’un nouveau baiser, cela se sent, cela se sait à regarder sa lippe être torturée par ses dents, il ne compte pas le lui refuser. Il avance la tête et son regard langoureux, dissipé sous le faisceau de ses cils, se perd sur les lèvres de son partenaire. L’homme au masque de paon ne brise pas la distance, pire, il la maintient encore quitte à l’agacer tandis que son sourire s’élargit un peu plus en crachant un souffle amusé.
“Suivez-moi et vous comprendrez, Sasori.” Il ne compte pas disparaître, ni s’enfuir. Il se voit pourtant obligé d’insister pour que le Jotunheim le délivre de sa prison charnelle. “Décontractez-vous un peu, je n’ai aucune intention de prendre mes jambes à mon cou, maintenant.”
Une de ses mains effleure sa peau, ses doigts trouvant une prise à laquelle s’attacher pour le délivrer. Ses gestes sont doux, lascifs, le Prince caresse son poignet en échangeant un long regard avec lui. Peut-il lire les pensées qui traversent son esprit derrière ses yeux onyx ?
Un murmure : “Suivez-moi.” Une invitation conclue leur échange tandis que les pas de sa Majesté résonne en bousculant sans les toucher les badauds scotchés par la scène. Les regards fuient Geb et Sasori, honteux d’être ainsi remarqués comme des petits voyeurs avec pour unique distraction leur verre de vin.
Et dans la pénombre d’une pièce en-dehors de la salle de bal, abandonnée car interdite en apparence aux invités, il n’y a plus rien à voir. Plus rien à espérer espionner, si ce n’est cette dernière image de l’homme au masque de paon disparaître dans l’obscurité, et son soupirant à la chevelure rosée qui le poursuit.