Un rire aux éclats s’envole de la gorge de la danseuse.
« Oh, vous êtes si amusant, parlez-moi encore dans cette langue ! Dites-moi autre chose ! »
La sonorité de l’accent et le roulement des consonnes chatouille son oreille alors que les phrases font autant d’effet s’il lui avait prononcé des déclarations d’amour sensuelles ou bien raconté une histoire amusante. Le son, la voix chaude, le sourire qui se sent dans sa voix suffisent à faire rougir sa partenaire de danse.
Elle est une parmi tant d’autres qu’il détend durant la danse, Geb n’est pas du genre à simplement laisser les pas parler pour lui, il aime le contact, la chaleur des mots qui tombe dans le cou de ses partenaires, le silence qui s’installe lorsque l’ont cherche à voir au-delà du masque.
Danseur anonyme d’un soir, il se contente de sourire à sa partenaire alors que les danses folles et l’alcool ont eu vite fait de leur faire tourner la tête. Son regard dans le sien, elle s’approche un peu plus pour que son décolleté apparent découvre la beauté de dunes plus arides que le désert de Djinn. La lumière des lustres illumine la sueur donnant de l’éclat à sa peau, ses lèvres effleurent les siennes dans une caresse avide.
Mais il la retient avant qu’elle ne franchisse le dernier centimètre.
Car la danse s’arrête, car les applaudissements acclament les musiciens dont on ignore la position exacte, car Geb fait tournoyer sa cavalière d’un geste de la main pour la faire tomber dans les bras d’un autre danseur.
L’instant d’après, le mystérieux danseur s’en était allé, découvrir un autre quart de la salle, se perdre dans d’autres bras, s’oublier, danser.
Lorsque la musique revient, les danseurs se regardent tour à tour pour deviner la danse, trouver un cavalier ou une cavalière et reprendre les festivités. Dans un petit groupe où les hésitations persistent, Geb prend la main d’un danseur au masque sombre. Il a beau être d’un gabarit plus imposant que le sien, il ne sera pas celui qui mènera la danse. L’homme semble surpris, puis réfractaire, mais la voix de Geb ronronne d’amusement.
« N’avez-vous donc jamais eu la chance de danser avec un homme ? Rassurez-vous, cette danse nous invite à bouleverser nos habitudes, à trouver partenaire quoi qu’il en coûte. Là est la beauté de la danse comme cette soirée. »
Son torse se calle sur le sien, son regard sombre fait rougir son partenaire, ses lèvres s’étirent, comblés.
« Ce soir, il n’y a plus aucune frontière qui ne soit infranchissable. »
Un murmure, un phrase telle une caresse sur la peau de son partenaire. Il profite de son parfum, de la beauté de ses traits malgré le masque, de l’illusion d’être quelqu’un d’autre et de laisser tomber les tabous. Il n’est personne, ce soir.
Et puis à nouveau il s’écarte de son partenaire, le laisse se perdre dans les bras d’un autre homme pour récupérer la partenaire qui laisse un rire s’échapper à la vue de ces deux hommes gauches à l’idée de savoir qui serait le lead.
Et ainsi de suite, le monde s’oublie, tournoie, et il est à nouveau temps d’abandonner sa partenaire pour trouver les bras d’un autre.
Un nouvel homme. Son sourire brille, l’amusement se lit dans ses yeux. La prise est bonne, sans hésitation.
« N’avez-vous point peur de vous retrouver avec un partenaire masculin ? » s’amuse-t-il à constater alors que son regard rencontre enfin le sien.
Puis il déchante. Son regard cherche un point au loin pour se protéger, se cacher, espérer que le temps passe plus vite.
Il a fallu un échange, un seul, pour qu’il comprenne immédiatement qui se cache derrière ce masque et cette apparence guindée.
Pourquoi a-t-il fallu que parmi tous les danseurs, absolument tous.
Ce soit sur lui qu’il tombe ?