“Je ne la bafoue pas, mais cela ne me contraint pas non plus à accepter vos provocations.”
Bras croisés, les yeux en l’air, il ne pouvait s’en vouloir qu’à lui-même de chercher un Prince qu’il sait suffisamment fier et susceptible pour ne pas entendre toutes ses provocations d’une bonne oreille.
Il le regarde marcher tel un fauve en cage soudainement, se serait-il vexé de l’avoir vu soudainement s’éloigner de lui et lui refuser ce baiser qu’il semblait implicitement lui réclamer ? Chacun son tour.
Geb n’est pas du genre à se montrer particulièrement secret, oh, il cache certaines choses lorsque les raisons sont suffisantes, mais il y a en Sasori quelque chose de secret, des mots énigmatiques qui se referment devant lui comme des pièces d’un puzzle dont il n’a pas le modèle. Il ne le comprend pas, ni même lorsqu’il l’accuse à demi-mot d’être le genre à abuser des savoirs à son avantage.
Il pourrait l’être, évidemment. Mais comme tout homme suffisamment intelligent pour savoir quand les utiliser.
“J’ignore l’image que vous avez de moi, Sasori. Mais vous vous méprenez sur mes intentions.” Son visage est fermé, mais son regard rencontre le sien. Combien d’années, combien d’événements ont pu faire que Sasori enferme son être dans une boîte et la protège avec ardeur comme on protégerait l’humanité des maux qu’elle renferme ?
Sa curiosité n’en est que plus grande encore, car beaucoup trop de choses lui mettent la puce à l’oreille. Ce n’est pas tant l’envie de le contrarier ou bien de prendre l'avantage sur lui qui l’anime. Mais il veut comprendre. Il doit comprendre.
Qu’est-ce qui réellement a provoqué la fin de leur lien ?
Qu’est-ce qui fait que Sasori Soren Jötunheim ne soit plus que l’ombre de lui-même ?
Un soupir.
“Si vous ne souhaitez pas m’en parler, je n’insisterai pas.”
Il lui faudra trouver un autre moyen. Des rumeurs, sans doute, s’intéresser à son cas.
À commencer par ce tableau.
La conversation tourne mal, à nouveau, ils se retrouve à montrer les crocs, à prendre de la distance malgré la proximité physique.
Encore une fois. Il a envie que ses lèvres touchent les siennes, savourer la douceur de ce moment, le silence coupé par le bruit de leurs baisers.
Mais il détourne le regard. Pourquoi penser à ce genre de choses maintenant ? Ses sentiments sont déstructurés, désordonnés, il aurait envie de lui arracher le visage et de partir comme il pourrait se perdre à quelques folies adolescentes et l’embrasser. Tout cela est ridicule, ils ne devraient même pas avoir le temps de se perdre à cela, même si la première fois avait apaisé les tensions face à la panique générale.
Ce n’est pas comme cela qu’il doit se comporter, ressaisis-toi Geb, bon sang.
“Peu importe, il serait temps de–”
Les mains de Sasori claquent sur la table, à nouveau, il se retrouve coincé entre lui et le meuble. Il le regarde, exaspéré, il parle en même temps que lui, sa voix se mêle à la sienne.
“Qu’êtes-vous encore en train de manigancer, Sasor-”
Il ne peut conclure sa phrase, il ne peut ni se détacher de lui, ni se débattre, car ses lèvres sont prises d’assaut.
Intensément.
Brutalement.
Il lui avait déjà dit qu’il ne l’embrasserait plus, et pourtant son corps ne parvient pas à s’échapper de son emprise, ses tripes se tordent et ses lèvres finissent par trouver le chemin des siennes lorsqu’il s’en écarte d’un centimètre.
C’est complètement fou, insensé, délirant.
Mais le Prince ne parvient pas à se convaincre de retrouver sa contenance. Il y a quelque chose en lui, en eux qu’ils ne parviennent pas à contrôler.
Comme si la rage qui les dévore si la colère et la peine qui les consument, se transformaient en tout autre chose.
L’envie de l’embrasser, de le mordre.
L’envie de le toucher, de le griffer.
L’envie de l’aimer, de le détester.
Rien n’a de sens depuis qu’ils se sont retrouvés.