Il flatte le flanc de sa wyverne avant de s’assurer que sa selle soit correctement fixée.

Cela fait des années qu’il rêve d’une wyverne, et il a fallu attendre que Cheldis tombe dans les griffes du chaos pour que ce rêve enfantin prenne enfin vie.
Le prince secoue la tête pour retourner à l’instant présent, alors que sa monture émet un petit grognement satisfait face au traitement de son nouveau maître.

La situation est devenue compliquée dans tout l’archipel, et il lui est encore impossible de regagner sa patrie. Alors il s’efforce de rendre service comme il peut.
Aujourd’hui il s’est porté volontaire pour sécuriser les abords de la forêt à l’Est de Naxos. Une mission toute indiquée pour lui et sa nouvelle monture, mais ils ne seraient pas seuls à la tâche.

La superficie de la forêt nécessite plusieurs âmes pour que la tâche soit effectuée de manière efficiente. Tarek attend donc sagement son partenaire jusqu’à son arrivée.
Ses yeux mordorés ne tardent pas à reconnaître un natif de sa patrie ; son coeur se gonfle de soulagement, mais aussi de culpabilité. Rassuré de voir un autre djinn en vie, mais regrettant que celui-ci soit prisonnier d’Akielos comme il peut l’être.

Le prince s’approche, ne manquant pas de saluer son partenaire du jour en lui tendant la main. Par réflexe. Par envie. Difficile à dire. Tout ce qu’il peut affirmer, c’est qu’il n’a guère envie de s’embarrasser des us et coutumes dues à son rang. Pas après ce qu’ils ont tous traversé.

— J’imagine qu’il n’est pas nécessaire de me présenter… je ne peux malheureusement pas en dire autant de vous. Quel est votre nom ?

Il s’essaie à un sourire pour essayer de rassurer son comparse, craignant quelque part qu’il s’angoisse à l’idée de faire équipe avec l’un des princes de Djinn, leur patrie.

— Notre mission, comme vous le savez sûrement, est de sécuriser la forêt à l’Est d’ici. Je ne peux vous promettre que cette croisière sera de tout repos, mais je vous fais le serment de rester à vos côtés.

 

Après avoir parcouru la distance les séparant de leur but, Tarek prend un instant pour observer les alentours. Tout semble calme à première vue, mais il a appris à être particulièrement méfiant depuis qu’il a gravi la Tour.
Tous ces monstres qui surgissent d’on ne sait où et dont on ne sait rien…

Malheureusement, il faut bien faire le nécessaire pour s’assurer de la sécurité des routes. La vie devra reprendre son cours à un moment donné.
Avançant prudemment, sa wyverne à ses côtés, Tarek progresse lentement dans la forêt aux côtés de Selim.

— Soyez prudent, nous ignorons ce qui peut se terrer dans l’ombre.

Soudain, sa wyverne s’arrête et pousse un piaillement, s’agitant tout en donnant des coups d’ailes. Contraint de la chevaucher pour l’apaiser, Tarek décolle du sol et est emporté à quelques mètres de Selim. Quand sa monture se calme enfin, le prince cherche son comparse du regard.

Et c’est avec horreur qu’il réalise qu’ils ne sont pas seuls. Qu’ils ne l’ont jamais été.
Autour d’eux, des Anthróposraptis.

— Selim, prenez garde !

Son instinct premier est naturellement de combattre l’ennemi, et c’est ce qu’il s’emploiera à faire. Et en tant que membre de la famille royale, son devoir est de protéger également son sujet.
Un rapide coup d'oeil aux environs pour estimer la situation, et le prince choisit de passer à l'action.

A son tour, Selim se joint à la bataille qui s’est engagée.

Tarek aurait volontiers invité le soldat à se retirer pour sauver sa peau, mais ce serait faire preuve d’irrespect envers sa force et son honneur. Après tout, les soldats djinns ne sont pas des petites natures. Les entraînements sont rudes en raison du climat de leur patrie.

L’un des plus redoutables ennemis des djinns n’est autre que le ver des sables.
Et ces fleurs sont ridiculement petites en comparaison. Pour autant, elles n’en sont pas moins dangereuses. Il ne faut pas oublier qu’ils n’ont jamais affronté de telles créatures.

Le prince jette un coup d’oeil par-dessus son épaule pour s’assurer de la survie de Selim.
L’Anthroposraptis le plus proche le prend alors pour cible, jetant du sable sur le prince qui ne peut que grogner d’inconfort et de surprise. Il n’a pas mal mais sa vue est troublée, impossible d’attaquer à l’aveugle. Ce serait se fatiguer pour rien.

Soudain, une douleur le foudroie ; l’ennemi n’en a pas fini avec lui. L’attaque portée n’est pas la plus douloureuse qu’il ait eu à subir à travers les batailles qu’il a déjà livrées. Mais il faut reconnaître qu’il l’a bien sentie passée.

D’un sifflement, il ordonne à sa wyverne de battre un peu en retraite, se rapprochant de Selim pour mieux prendre le temps de se nettoyer le visage. Il faut qu’il puisse reprendre le combat sans perdre de temps. Il est hors de question qu’il abandonne son soldat de la sorte.

— Selim, soyez prudent ! Ces Anthroposraptis peuvent jeter du sable, ou de la terre. Impossible d’attaquer dans ces conditions !

Il fouille dans sa sacoche pour en sortir une potion qu'il ingurgite. Il lui faudra toute sa force pour reprendre le combat.

Il bataille pour recouvrer la vue et y parvient finalement.
Mais le spectacle que ses yeux mordorés contemplent ne fait que le conforter dans ses craintes.

Ces maudits Antrhoposraptis en ont profité pour avancer.
Si Selim a pu vaincre avec brio le premier d’entre eux, les autres ne semblent pas dissuadés par la perte d’un des leurs. Sans doute que cela a eu l’effet inverse.
Le prince peste, regardant derrière lui avant de porter son regard sur les deux ennemis devant.

— Il est trop dangereux de nous battre sur deux fronts. Tentons de nous débarrasser de celui qui se trouve derrière nous et nous serons plus à même de nous concentrer sur ce qu’il se passe devant.

A peine eut-il finit d’énoncer sa stratégie qu’un monstre parvient à attaquer Selim à distance. Le coup semble être suffisamment puissant pour blesser sévèrement le jeune soldat. Il tend la main dans le but d'attraper la main de son compagnon d'armes mais un trait l'atteint à son tour, lui arrachant un puissant grognement de douleur. Il porte la main à sa blessure avant de pester face à l'acharnement de ces monstres.

— Selim ! Reculez et prenez de quoi vous soigner, je m’occupe de libérer la voie !

D’un léger à-coup sur ses brides, la wyverne de Tarek piaille et n’a besoin que d’un coup d’ailes ou deux pour s’éloigner, allant à la rencontre de l’ennemi dans leur dos.
Armé de sa hache, le prince ne tarde pas à foncer sur la créature en face de lui pour la tuer d’un puissant et unique coup.

— Selim, par ici ! Restez près de moi !

Selim et lui sont désormais quelque peu en sécurité.

Tarek le regarde prendre de quoi se soigner et hoche la tête lorsque son compagnon d’armes le rassure sur sa capacité à reprendre le combat. Il est rassuré de le voir en forme, et il a bien l’intention de le garder en vie jusqu’à leur retour.

Le prince essaie d’évaluer la situation à nouveau.
Depuis le dos de sa wyverne, il remarque qu’il ne semble pas y avoir d’autres ennemis que les deux en face d’eux. Cela devrait se régler rapidement désormais. Il suffit de bien se coordonner.

Malheureusement pour lui, il essuie de nouveau un trait de l’ennemi qui lui fait cracher une gerbe de sang. La douleur le force à se pencher en avant, son front contre le cou de sa wyverne. Il se redresse cependant assez rapidement.
A la fois pour ne pas inquiéter Selim, mais aussi parce que l’adrénaline lui fait un peu oublier la douleur.

— Par Lotienix, ces horreurs sont tenaces. Ne baissons pas les bras.

Il s’avance alors, bien décidé à mettre un terme à tout ça.
Plus vite ils se seront débarrassés de ceux-là, plus vite ils pourront prévenir les hautes sphères que la forêt grouille de ces maudits Anthroposraptis.

— Prenez garde à leur jet de sable, Selim ! Il fouille dans sa sacoche pour en sortir une nouvelle potion qu'il ingurgite d'une traite. Cette fois, pas de quartier.

La fatigue commence à se faire ressentir.
La forêt semble plus dense et donne l’étrange sensation de chaleur et d’humidité est parfaitement étouffante. L’échauffement dû au combat n’aide en rien à se sentir mieux. Tarek se surprendrait presque à désirer l’un de ses bains où on les asperge de toutes les essences parfumées possibles et immaginables.

Il secoue la tête, revenant au moment présent. Il ne s’est écoulé que quelques secondes depuis ses dernières paroles mais, déjà, les Anthroporaptis se coordonnent pour attaquer de nouveau. Si Tarek essuie un nouveau tir qu’il accuse d’un grognement sourd, Selim est victime, comme lui plus tôt, de ce satané sable.

— Selim !

Il grogne de plus belle et donne une impulsion à sa wyverne pour la faire se placer entre cette maudite fleur et son compagnon d’armes.

— Pas de panique, je vous couvre. Gardez votre calme et essayez de dégager votre vue, je me charge du reste en attendant.

Il empoigne fermement le manche de sa hache et, une fois encore, il fond sur l’ennemi pour l’anéantir avec force.

Il regarde les restes de l’Anthroporaptis avant de lever les yeux vers son compagnon d’armes. Ce dernier parvient à le rejoindre tant bien que mal malgré le jet de sable subi quelques instants auparavant.

Le prince ignore encore si les autorités ont déjà dressé une sorte de bestiaire des créatures rencontrées depuis l'avènement du chaos. En tout cas, il ne manquera pas de dresser un portrait peu flatteur sur ces monstres-là.

Tarek essuie la sueur sur son front du revers de sa main, sa respiration étant rauque et saccadée depuis quelques minutes. La fatigue liée aux blessures reçues n’arrangent pas sa condition mais il tient bon.
Quelque part, avoir gravi les cinq premiers étages de la Tour d’Argos lui ont permis de se fortifier.

— Allez Selim, on se débarrasse de lui, et on rentre !

Il oriente sa wyverne en direction du dernier ennemi et, une fois encore, sa hache s’abat avec violence sur la créature végétale. Il recule légèrement et regarde Selim.

— Il est à vous.

Compte tenu de l'état dans lequel il se trouve, ce dernier Anthroporaptis ne devrait pas faire long feu face au coup du soldat. Et il espère sincèrement qu'aucun autre ennemi ne surgira d'ici là.