Le Prince lutte encore avec ce mélange émotionnel qui chatouille ses tripes et réchauffe ses poumons. Ses yeux ne daignent plus retrouver le carmin du Jötunheim de crainte que sa peau ne se colore de cette couleur, que tout ce qu’il tente de cacher jusqu’à présent “pour son propre bien”. Il craint que le sourire satisfait et les moqueries de Sasori face à son véritable lui ne vienne à le briser et à refermer définitivement tout ce qu’il cache honteusement au fond de lui.
Même s’il sait dans le fond qu’il ne l’a jamais fait aujourd’hui. Qu’à chaque occasion où il s’est découvert un peu, le Seigneur l’a accueilli avec bienveillance et chérissait chaque émotion à la façon que l'on réconforte un oiseau blessé entre ses mains chaudes.
Quand, dans ses tentatives de le fuir, Sasori récupère son attention, Geb frissonne au contact de sa main longeant son cou. Il demeure sourd à toute nouvelle pensée, car ce contact est comme un appel au silence.
Le silence.
Sa main brûle sa peau gorgée de soleil d’un millier d’aiguilles sur son passage, puis s’arrête à son épaule. Ses joues ne peuvent plus contenir l'afflux sanguin à ses joues ; une de ses longues mains recouvre sa bouche pour masquer le désastre sous ses yeux.
Il n’était pas un mirage.
Alors avec quelle indécence ses pensées ont pu s’ouvrir au véritable Sasori ?
Quelques brides de leurs échanges lui reviennent en mémoire sans qu’il ne puisse démêler le vrai du faux.
Geb aurait envie de hurler de honte, nauséeux d’imaginer ce qu’il a pu lui dire.
Les larmes montent d’avoir pu dire des choses qu’il imagine embarrassantes et idiotes devant lui. Mais Sasori ne lui laisse pas le temps d’encaisser le choc ou de se laisser dévorer par la panique : la douceur dans sa voix rocailleuse et dans ses gestes ne lui inspire au calme, à l’écoute.
Il le rassure et le soulage du poids de la honte. Il dit “ce n’est pas grave” ; le libère de quelques poids qui commençaient à s’empiler sur ses épaules.
Et ce doux sourire sur ses traits guerriers finit par l’atteindre définitivement. Il ne dit rien, lève ses yeux vers lui pour mieux s’en cacher car il se sent capable de laisser les larmes couler d’entendre de la voix d’un autre ses plus profondes angoisses et soulager ses craintes.
Geb ne tient pas en place : une de ses mains passe dans ses cheveux pour plaquer sa tignasse sombre en arrière sans succès, l’autre s’était posée sur l’avant-bras de Sasori dans l’espoir de l’écarter lorsque son pouce effleure l’hideuse cicatrice à son épaule, mais ce contact se transforme en timide caresse à mesure que Sasori dévoile le portrait de Geb. Son pouce contre sa plaie cicatrisée le soulage du poids de la honte, après tout il lui a déjà avoué que ce genre de choses n’étaient pas un problème en Nordahl.
Quand il sent leurs nez se toucher, le contact se faire plus intime ses yeux se perdent sur la fine ligne de ses lèvres, mais c’est son front contre le sien qui unissent leur corps un peu plus.
“Ne faites pas ça, je déteste cette sensation. C’est futile, irrationnel. Je n’arrive pas à m’en défaire convenablement et cela me met dans une humeur exécrable.” Dit-il sans nier - à quoi bon après tout ? Sasori semble lire en lui comme dans un livre ouvert -
La jalousie est une chose rare que le Prince n’a jamais appris à intérioriser, car rare sont les choses qu’il lui soit impossible d’obtenir finalement.
“Alors… Ne jouez pas avec ça, c’était déjà beaucoup d’effort pour moi à l’époque de l’accepter pour que vous vous amusiez à me taquiner avec ça.” Souffle-t-il, puis quand finalement il se sent prêt à quelques confessions supplémentaires, il se lance. “Vous souvenez-vous de ce que vous m’avez dit sous le saule pleureur au tournoi d’arène ? Que j’avais tort de croire que vos premiers pas en Djinn seraient pour me rendre visite. Je…”
Il n’ose pas bouger, il hésite encore, il ignore ce que dire ces choses pourraient bien apporter. Mais cela lui tenait à cœur depuis un moment - des années-mêmes - de lui parler de cela.
“J’aurais voulu… que ça soit le cas, à l’époque. Alors vous n’imaginez pas ce que cela pouvait représenter pour moi de vous entendre dire que ce que je craignais le plus s’avère vrai. Alors je... ”
Il relève enfin les yeux vers lui. Leurs visages sont proches, ses yeux se pissent, il pourrait presque sentir son souffle s'accélérer doucement.
"Qu'attendez-vous de moi exactement ?"