Le corps du soldat tombe sur le sol, tabassé par tes poings, mortellement blessé par tes gantelets. Tu fermes les yeux un instant. C’était nécessaire, pour protéger la majorité des personnes, pour garder sain et sauf le plus gros de la population d’Althéa. Les combats cessent, le silence qui emplit à présent la pièce est lourd, tu as l’impression que tes oreilles sont devenues imperméables à ton environnement. Cependant, c’est comme si chaque personne restante avait le souffle coupé, retenu par cette situation plus que grave. Jamais un évènement comme celui-ci n’avait triomphé de la Royauté d’Althéa.

Tu jettes un œil à Iris pour essayer de savoir comment elle se sent.
Il est certainement difficile de mettre des mots sur tout ce chaos.

Tu délaisses tes gantelets, rejoignant Kiseki d’un pas mesuré tout en balayant la salle des yeux. Tu vois Ryoji, en un seul morceau, sans aucune blessure. Cela suffit à apaiser quelques unes de tes pensées ; tu aperçois Pandora encore en forme, ainsi que Vittoria et son conseiller. Le danseur est déjà en train de s’affairer à soigner tout le monde. C’est rassurant de savoir que l’on peut compter sur lui, même s’il doit déchanter quant à sa venue en Althéa.

Tu poses tes yeux carmins dans ceux de Kiseki et ta main sur son épaule. Tu le sens, il est accablé par la mort de ce soldat à ses pieds, il se sent coupable. Tu resserres ta prise et lui adresses un regard compatissant.

« C’était la meilleure chose à faire. Il ne t’aurait pas épargné non plus. »

Tu n’as pas le temps de faire un autre mouvement que le corps du Roi se soulève à nouveau. Tu es prêt à enfiler tes gantelets à nouveau, au moindre mouvement. À protéger ta Reine si un autre coup devait être abattu, mais il n’en est rien. Son corps dénué de volonté s’élève, comme tiré par quelques fils, telle une marionnette sur la scène d’un théâtre pour enfant. Une étrange forme violacée apparaît derrière Alexander, formant une sorte de portail dans lequel personne n’aurait envie d’aller.

Tu ne bouges pas, attendant la suite, sur le qui-vive.
Tes yeux s’agrandissent de stupeur lorsque,
deux immenses bras colorés d’une nuit sans lune
s’échappent de ce trou noir pour attraper,
entre leurs doigts parsemés de griffes acérées,
le corps inanimé d’Alexander.

Tes sourcils se froncent. L’aura qui émane de ces bras est inquiétante, tout comme la présence de ce portail. Tu ne quittes pas cette scène des yeux une seule seconde, comme hypnotisé par cette forme gigantesque, sûrement aussi lourde et puissante que celle des Dieux eux-mêmes.

En quelques minutes, tout disparaît.
Le portail.
Alexander.
Les bras géants.

Tu n’as pas le temps de te perdre dans tes pensées que Ryoji court dans tes bras pour s’assurer que tu vas bien. Tu le réceptionnes tant bien que mal, posant par instinct, ta main sur le haut de sa tête. Tu redescends sur Terre, sur l’instant présent, sur les gens qui sont là. Tu les observes, gardant Ryoji contre toi, dans un geste protecteur et paternel.

« Est-ce que tout le monde va bien ? »

Tu élèves légèrement la voix pour briser ce silence perturbant, pour remettre les esprits dans leur corps afin qu’ils puissent se raccrocher à quelque chose et se reconnecter à l’instant présent. Parce qu’en ce moment, vous êtes vivants et vous pouvez au moins célébrer cela ce soir.

La vie continue de se répandre dans vos êtres.
C’est le plus important.

Tu descends tes yeux sur Ryoji et lui adresses un léger sourire lourd de sens.

« Ne vous en faites pas, je vais bien. »

Toute cette situation est irréelle. Comme un cauchemar commun qui n’aurait aucun sens. Comme une hallucination due à une exposition trop longue à une quelconque substance étrange, inconnue. Tu essaies de rester connecté à l’instant présent. À l’étreinte de Ryoji, à l’activité non loin, les conversations qui reviennent doucement, aux mots prononcés pour poser des questions. Tout pour briser ce silence, cette inquiétude grandissante, qui te pèse, bien plus que tu ne l’aurais cru. Tu balayes les visages d’un coup d’œil, comme absent, comme perdu dans tes pensées, comme épuisé. Oui, épuisé, tu l’es. Après un si long voyage. Après les récents évènements. Après … tout ça.

Tu aurais préféré que l’on te dise que le Roi voulait du spectacle. Qu’il voulait se montrer grandiose, qu’il avait orchestré toute cette mascarade. Tu voulais que l’on te dise qu’il allait bien, qu’il ne s’agissait que d’un jeu d’acteur qui méritait moultes récompenses.

Tes oreilles bourdonnent un instant, envahi par des questions, par l’envie de te voiler la face pour mieux gérer la situation. Comme tu l’avais déjà fait par le passé, pour mieux résister à la terreur, à la douleur, à la perte de quelque chose, de quelqu’un. Alexander avait beau avoir un caractère plus que discutable, il n’en restait pas moins ton Roi, bien que vos échanges se faisaient rares, ou par lettres.

Tu inspires profondément.
Une pensée soudaine pour Geb.
Est-il rentré à Djinn ?
Tu expires l’air de tes poumons.
Dans un contrôle absolu.

Tu répètes l’opération plusieurs fois.
Jusqu’à ce que le calme ne revienne dans ton esprit.

Nouvelle pensée pour ce petit Prince arrogant.

Puis tes yeux descendent de nouveau sur Ryoji, écartant doucement ses bras qui enlacent ton corps de manière possessive. Tu lui adresses un léger sourire, lui faisant comprendre sans aucun mot qu’il devrait se tenir un peu mieux en présence d’autant de personnes de Haut Rang. Notamment la Reine. Puis Vittoria.

Une main sur le haut de sa tête, tu le quittes pour t’avancer vers ta souveraine.

« Alerter le peuple, et contenir les rumeurs. Althéa est un pays composés principalement de guerriers, nous ne pouvons pas les laisser dans l’obscurité quant aux évènements. Cependant, il faudra peser les mots, tant que nous ne savons rien. Je propose d’organiser une rencontrer avec la Sainte d’Akielos afin de la tenir informer des évènements. Si ces évènements étranges peuvent éventuellement trouver une réponse, c’est auprès de la religion qu’il faut se tourner. »

Tu laisses ton regard suspendu à celui d’Iris.

« Je protègerai Althéa du mieux que je peux, et vous également. Le mieux que je puisse faire pour y parvenir, c’est de chercher des réponses, d’agir. Je refuse de rester les bras croisés alors qu’Althéa souffre d’un mal qui lui est encore inconnu. Ai-je votre soutien, Votre Majesté ? »