Si la Reine ne subit aucun dommage, c’est que ton action n’est pas inutile. Tu as juré allégeance à ces deux personnes, tu te refuserais d’échouer en tant que vassal et bras armé d’Althéa. La présence de Ryoji à tes côtés, il affirme qu’il ne peut tout simplement pas te laisser sans protection. Une inspiration et un regard emplis de fierté lui sont adressés, tu n’as rien à dire de plus. Si tu lui as évité une blessure, tu ne peux le laisser sur le banc de touche. Pas lorsque Ryoji est ton vassal, un membre à part entière de la famille Jötunheim, un guerrier de Nordahl.

Votre réputation en dépend.

La voix de Vittoria s’élève, son urgente initiative est la meilleure. Tant qu’Alexander est focalisé sur Iris et toi, les habitants ne subiront rien. Cependant, tu crains que cela ne soit pas suffisant sur le long terme. Tu enfiles avec empressement ton deuxième gantelet, prêt à riposter, prêt à attaquer ton Roi, le respect que tu as pour lui s’étiole de secondes en secondes. Il n’est plus lui même. Cette bave coulant sur son menton, et le sang qui se faufile des plaies de sa bouche te tirent une grimace de dégoût, sans pour autant que tu ne te démontes.

Tu n’aurais jamais imaginé Alexander en proie à un quelconque mal. Il t’a toujours semblé robuste, inflexible, intouchable. Ou presque. Car c’est sa fierté qui se sentait attaquée lorsque tu te montrais meilleur que ses enfants. Lorsque tu te présentais au nom de Nordahl et non d’Althéa, à divers évènements. Tu n’as jamais cherché à l’évincer volontairement. Tu n’as fait qu’asseoir ton titre, ton autorité, propager une réputation forgée par la sueur de ton front et le sang de tes veines.

Tu ne regardes plus un Roi.
Tu fixes un être perdu dans des tourments que tu ne pourras jamais comprendre.

Tout ce que tu peux faire pour lui, et cette pensée te provoque une légère contraction abdominale, c’est d’abréger ses souffrances. Bien que ta mission première est de sauver le peuple d’Althéa de sa démence évidente. Alors ton attention se défait des bruits alentours, ton regard se focalise entièrement sur Alexander, même si quelques soldats viennent s’ajouter au décor. Des fidèles. Des fervents alliés de ce Roi fou.

Tu claques ta langue contre ton palais.

Tu n’aurais jamais imaginé cette situation.
Toi, épuisé, courant pour prévenir ton Roi,
de la chute d’une étoile sur Kanagawa.
Accueilli de cette manière …

Tu entends les mots de Kiseki, ressens sa présence non loin de toi. Cela fait trop longtemps que tu ne t’es pas battu avec ton frère à tes côtés, et cela te donne un élan de motivation supplémentaire. L’élan dont tu avais besoin pour effriter les dernières résistances de ta fidélité envers la Royauté d’Althéa. Il ne s’agit plus du Roi, mais de la Reine et de ton peuple.

Tu serres tes mains contre le bois qui te fait maintenir tes gantelets et un hoquet de surprise coupe temporairement ta respiration lorsque la Reine se prend un violent coup d’épée. Le sang coule, salissant cette salle d’audience si vivante quelques minutes avant ton arrivée. Le temps semble suspendu quelques instants, les cris de la population qui assiste encore à cette scène hallucinante ébranlent ton âme, secoue tes convictions.

« Ryoji, Kiseki, laissez-moi le Roi. Aidez à sécuriser le peuple. Tuez les soldats s'il le faut ... »

Sans laisser le temps à qui que ce soit de répondre, ni même à Alexander de reprendre son enchaînement sur Iris, ce qui pourrait lui coûter la vie sans le moindre doute, tu te mets à attaquer le flanc de ton Roi, lui assénant de violents coups de poing dans les côtes pour l’obliger à te prendre pour cible.

S’il doit blesser quelqu’un, autant que ce soit toi.
Tu ne peux pas laisser Iris mourir.
Elle est avant tout une amie.
Mais aussi une native de Nordahl.
Quel Seigneur ferais-tu si tu ne défendais pas ton peuple ?

C’est ton devoir.
Ta responsabilité.

Tu n’as pas l’occasion ni le temps de détourner ton attention de ton combat. Suite à l’ordre de la Reine, c’est deux contre un que vous attaquez le Roi. Tu connais la force d’Iris. C’est un morceau de puissance qui fait mal et qui tape fort. D’ordinaire, Alexander doit avoir la force équivalente à celle de la Reine. Aujourd’hui, quelque chose, la folie, lui donne encore plus de moyens de blesser, de trancher la souveraine comme si elle n’était qu’une brioche tout juste sorti du four. Tu fais tout pour attirer l’attention du Roi, pour réceptionner les coups parce que tu sais encaisser.

Ton but est atteint.
Alexander ne frappe que toi.
Il se focalise sur la nuisance que tu représentes.

Des grognements s’échappent de sa gorge, de cette bouche déformée par des dents pointues, par le sang et la salive coulant jusqu’à son cou pour salir sa tenue de cérémonie officielle. Tu fronces les sourcils. Le sentiment d’attaquer ton Roi te secoue plus que tu ne l’admettras à haute voix. Il t’a cependant fallu choisir entre la loyauté envers une folie pure et dure, ce Roi que tu ne reconnais pas, ou un peuple que tu as juré de protéger, cette Reine encore saine d’esprit souhaitant bouger les choses. Les vivants sont ceux qui restent, ceux qui méritent protection. Leur vie est encore longue et tu vas veiller dessus du mieux que tu peux.

Si tu t’étais rangé du côté d’Alexander, quand bien même tu avais vu sa folie, Ryoji et Kiseki t’auraient-ils suivi ? Cette pensée traverse ton esprit, l’espace d’une demi seconde.

La frustration te remplit de hargne, et c’est avec cette colère que tu frappes le Roi, le blessant de toute part grâce à tes gantelets. Il ne te répugne plus de t’en prendre à lui à présent, de déchaîner tes coups sur ce corps maintenu en vie par une force étrange. Il te répugne tout de même d’en arriver là, d’être face à cette situation, de ne pas avoir vu que ton Roi, ton Dirigeant, pouvait loger en lui un mal qui le rongeait à ce point.

Ses enfants n’ont-ils rien vu ?
Duncan est pourtant le plus proche de lui.
Kamelia possède un jugement prononcé,
n’a-t-elle rien pressenti ?
Tu ne connais pas assez Damen pour émettre une hypothèse.

Une discussion avec la Reine s’impose après tous ces évènements, avec tous les vassaux d’Althéa plus précisément. Tu veux comprendre, savoir ce qui se passe, comment agir pour protéger ton pays. Et comme il a été dit avant que le combat ne soit engagé, les personnes présentes sont prêtes à contribuer à l’équilibre de ce pays. Tu es fier d’être Althéen, et encore plus fier d’être Nordahlois. Comme Iris. Comme ta Reine. Comme cette amie qui se bat à tes côtés.

Avant que le pantin royal n’abatte son épée sur toi, Iris intervient pour l’empêcher de te blesser une nouvelle fois. Tu lui jettes un regard avant que ton attention ne soit happée par un habitant qui s’est faufilé dans un coin de la pièce, confus par la tournure des évènements. Un soldat l’attaque, il se fait blesser, le sang coulant de son bras alors qu’il subit de plein fouet l’épée dans sa chair. Pour le moment rien de grave, mais il te faut agir vite avant qu’il ne perde la vie.

Jetant un regard rapide sur chaque personne présente, occupée à sauver les autres habitants, tu ne perds pas plus de temps avant de t’élancer vers le vieil homme bloqué sur un côté des escaliers. Pourquoi s’en prendre ainsi au peuple ? Alors que leur mission première est de s’assurer de leur protection ? Tu fronces les sourcils, et grognes alors que tu balances tes gantelets vers lui, pour l’affaiblir, afin qu’il ne puisse plus riposter.

Tu laisses un soupir t’échapper.
Ton regard se perd sur l’effervescence des combats.

Tout se calme.
En apparence en tout cas.

Pourtant ton sang s’agite encore dans tes veines.
Ton cœur pulse à tes tempes,
comme le puissant tambour prévenant d’un danger imminent.

Pourquoi n’arrives-tu pas à te calmer ?
Pourquoi.