within the sound of silence
Une hallucination. Voilà ce qu’on lui souffle depuis son arrivée ici.
La fièvre persiste, mais elle se fait moins forte, il arrive à penser, à tenir une conversation sans s’éssoufler en parlant. Rester en position assise n’est plus susceptible de lui provoquer des vertiges, mais il est faible. Faible, comme le stipule son corps amaigri par ces journées alités sans activité, hydraté pour ne pas mourir, nourri suffisamment pour calmer sa faim sans que corps ne rejette le tout.
Il est suffisamment éveillé pour que les nerfs soient aptes à tout lâcher. Souvent. Bruyamment. Des sanglots sans larmes lorsque les corps s’accumulent sous ses yeux, lorsque les pensées et la terreur des souvenirs revenant à la surface reviennent.
Il est encore fatigué. Si le poison disparaît et que le corps retrouve petit à petit son énergie, ses souvenirs lui reviennent comme un tsunami dans son esprit. Il recolle les morceaux oubliés avec les discours de ses soignants, calme un peu de ses angoisses, mais son regard reste terne la journée; il se force à manger sur demande, sans appétit et c’est à peine s’il trouve la volonté de quitter le lit.
Les images s’impriment dans son esprit le jour, se confondent avec ses soignants, parfois. Et la nuit…
La nuit n’est pas plus reposante. Ses démons le poursuivent, des voix lui parviennent. Parfois, il a l’impression qu’on effleure sa peau.
Mais ce ne sont que des hallucinations.
Rien n’est réel.
Il n’y a pas de cadavres.
Pas de pluie de sang.
Aucun Ramses n’est à Nordahl à l’exception de lui.
Le Prince n’est qu’une représentation factice de ses maux.
Et le Seigneur de Nordahl n’a jamais daigné le visiter la nuit.
Les traits se déforment d’inquiétude pour lui. D’une voix tendre, on le consolait: il doit tenir, le chemin sera encore long, mais bientôt, il sera de nouveau capable d'avoir le contrôle sur son corps et ses émotions.
Le poison s’est bien infiltré dans les paroies de son organisme. Mais grâce à l’antidote, son corps est en train de conclure la bataille avec ce qu’il reste de ce traumatisme.
Il doit se reposer, se convaincre que ces hallucinations disparaîtront bien vite.
Mais ce n’est pas suffisant.
Alors, lorsque personne ne vient lui rendre visite; lorsque la solitude fait apparaître les vagues représentations de ses craintes, il laisse sa voix s’élever doucement. S’il n’était pas aussi épuisé, il se penserait fou. Mais à poser des mots sur ses sentiments, à laisser sa faible voix trouver une explication, les nommer “illusions”, il se sent plus serein.
Le Prince disparaît.
Les Ramses sont à Djinn.
Les cadavres, la pluie de sang retournent à leur époque.
Mais le Seigneur de Nordahl lui apparaît encore et toujours.
Par quel maléfice vient-il encore et toujours le hanter ? Beaucoup de choses n’ont pas été dites, sans doute. Beaucoup de mal, tourne entre eux sans qu'il ne puisse trouver un terme adéquat à cette relation destructrice.
Cependant, s'il veut quitter ce lit, s’il veut que son corps trouve enfin le repos le soir, alors il doit se confronter à lui une dernière fois.
Ce ne sera qu’une conversation de plus avec une représentation illusoire de ses troubles, après tout. Ses yeux s’entrouvrent, l’illusion de son ami tente de se dérober à lui. Sa vision est trouble, dupliquée. Sa respiration s’allourdit.
“Non… Reste…” demande-t-il faiblement au fantôme. “Reste...”
Ses yeux se referment, il est encore difficile de trouver la force de bouger, de se perdre dans le noir. De toute manière, il n’a jamais eu besoin de les garder ouverts pour apercevoir les traits de ses hallucinations.
Bien que celle-ci soit différente des autres, sans qu’il ne comprenne pourquoi.