Tu sens une douce brise caresser ta peau alors que le vent t’apporte un message venu d’ailleurs. Une lettre étrange que pourtant, tu ouvriras malgré bon nombre de questions. C’est un individu qui apparaît sous tes yeux, une image qui semble irréelle, comme si un esprit venait d’apparaître. Si tu restes quelque peu perplexe sur la situation, mais tu écoutes avec beaucoup d’attention le message du petit homme masqué. Une invitation… Un bal masqué… Une fête grandiose… Un château dans le ciel surplombant Cheldis. Devrais-tu te laisser emporter dans cette aventure ? Alors qu’il attend ta réponse, tu restes silencieux. Quelques instants. Le temps de laisser tes idées se mettre en place. De faire le pour et le contre.

Une légère inspiration.

« Oui… J’accepte l’invitation. »

Et tout brûle entre tes doigts, sans laisser ni blessure, ni aucune trace.

---

Les derniers rayons de soleil disparaissent derrière l’horizon…
Et sans crier gare, ton corps est transporté ailleurs.
Tu rouvres délicatement les yeux, découvrant alors les lieux.

C’est un grand portail qui s’offre à toi. C’est sur une île volante que tu trouves, toi parmi tant d’autres. Tu te laisses guidé par la foule, jusqu’à cette immense salle aux lustres majestueux. Tout semble si éblouissant, ça en est presque perturbant. La musique est entraînante, il y a de la nourriture, de quoi boire à disposition et une magnifique piste de danse où certains semblent déjà s’en donner à cœur joie. Ah… Rapidement, tout devient si animé.

Et tu recules d’un pas.
Puis d’un autre.
Tu te contentes de rester à l’écart.

Tu préfères être spectateur. Observer de loin, comme toujours, c’est ancré dans tes habitudes. Et tu profites de ce temps de solitude pour un peu mieux observer ton accoutrement. Une ample chemise blanche qui laisse à découvert ton dos. Des gants noirs qui te rendaient encore plus raffiné. Une longue cape sombre et bleutée, simplement posée sur ton épaule droite et accrochée grâce à une petite chaîne en or. Tes jambes étaient couvertes d’un fin pantalon noir que tu trouves agréable à porter alors que sous tes pieds, tu sentais les talons légèrement hauts de tes bottes. (tenue sans la cape)

C’était une tenue légère.
À la fois simple et élégante.

Ton visage quant à lui était orné d’un masque sombre paré de quelques dorures ne laissant qu’une partie de ton visage à découvert. Une boucle d’oreille pourpre qui s’accordait à ces traits qui maquillaient tes yeux. Des cheveux tressés qui tenaient grâce à un petit ruban noir… Oui… Tu avais définitivement l’allure d’un noble. Et c’était bel et bien à un bal que tu te rendais, nul doute lorsqu’on te voyait.

Mais alors que tu étais perdu dans tes pensées, une main vint se poser sur ton épaule. Un léger sursaut, c’est pourtant une voix familière qui t’envoûte. Délicatement, tu te retournes et si un masque blanc cachait une moitié de son visage, il était aisément reconnaissable. Tu ressens un étrange battement derrière ta poitrine. Une drôle de sensation, comme si une agréable chaleur venait envelopper tout ton être. Comme si sa simple présence faisait fondre lentement la glace entourant ton cœur. Comme si soudainement le printemps avait rattrapé l’hiver, ne laissant qu’une agréable et douce brise te caresser.

« Bonsoir Ryoji. »

Qui aurait cru que tu le trouverais ici ?

« Je ne m’attendais pas à te voir ici aussi… La curiosité semble avoir guidé un bon nombre de personnes en ces lieux. »

Ah… Ace moment-là, tu ne regrettais nullement ton choix. Le choix d’avoir accepté cette invitation, d’être allé à ce bal.

La soirée déjà chaleureuse te semble encore plus lumineuse. Il n’avait suffi que d’une chose. Une présence. Une personne. Tu ne vois pas souvent Ryoji, mais, étrangement à chaque fois il y a cette petite mélodie qui se glisse en ton cœur. Ce petit rythme particulier. Irrégulier. Peut-être était-ce de la joie. Tu ne savais pas et tu préférais ne pas chercher la réponse. Ce n’était pas important après tout. Oui… Là, il fallait juste profiter de l’instant. De sa présence. De ce moment que vous pouviez passer ensemble. Tu n’avais pas à réfléchir. Tu te contentais de l’écouter. D’entendre la raison de sa venue en ces lieux. Son avis sur ta présence.

Le fait que ça ne lui déplaisait pas.
Ah…
Un battement un peu plus fort…

« Si je travaillais demain, je ne serais pas venu. Mais comme ce n’était pas le cas, je me suis dit pourquoi pas… »

Tu observes son sourire avant de tranquillement reporter ton attention sur la foule, la musique. Tu sens quelques instants son regard sur toi. Que regardait-il ? Tu n’avais pas osé lui demander. Tu avais scellé tes lèvres jusqu’à ce qu’il te pose une certaine question. Était-ce si étonnant de te voir ainsi à l’écart du monde ? Toi qui, naturellement prends de la distance… C’était plutôt toi qui devrais lui demander, après tout, à tes yeux, Ryoji est bien plus sociable que toi. Mais peut-être qu’il n’aimait pas la foule. Peut-être qu’il trouvait tout cela trop bruyant…

« Non… Je préfère observer… Et puis… Je ne sais pas me mêler aux autres.»

Tu sais les suivre.
Mais t’intégrer, c’est une autre histoire.

Ryoji lui semble tout simplement être méfiant. Du moins, c’est ce que tu comprends lorsque tu l’écoutes. Avait-il peur que ce soient des fantômes ?

« Qui sait. Que ce soient des esprits ou de vrais habitants… Ils semblent simplement animés, cette soirée, sans aucune hostilité. Alors à mes yeux, la vérité importe peu. »

Tu portes quelques instants ton attention sur la musique.

Entraînante.
Enivrante.
Puis une main se tend.

Viens.

Tu observes quelques instants le geste de Ryoji. Silencieusement. Un peu surpris. Tu sembles avoir un peu de mal à comprendre.

« Venir ? Où ça ? Et puis... Pour voir quoi ? »

Parfois, tu es un peu à la ramasse, surtout sur ce genre de choses. Néanmoins, même si tu te posais ces questions. Même si tu ne connaissais pas encore la réponse. Tu avais timidement saisi sa main.

« E-Enfin peu importe… Je te suis... »

Il est plus simple de rester en arrière. De ne jamais faire le premier pas. Plus simple d’observer que de s’intégrer. Tu préférais de loin être le spectateur plutôt que de jouer au sociable. Tu es de toute façon incapable de jouer. Incapable d’imiter. Contrairement à Ryoji qui lui, pouvait aisément sourire. Qu’il soit vrai ou faux… Et bien, oui, peut-être que toutes ses expressions n’étaient pas réelles. Peut-être que parfois, il portait un masque… Mais dans cette mascarade, tu portais à croire qu’avec toi, il était plutôt naturel… Tu l’espérais tout du moins. Enfin… Après vu les fois où il a agi juste sur un coup de tête avec toi… Tu partais plus pour un oui.

Mais tu n’oublies pas.
Ryoji reste un mystère.
Tu ne sais pas tout de lui.

Comme cette peur des fantômes que tu découvrais à peine. Même s’il ne le disait pas, c’était l’impression qu’il donnait. Ah… Tes paroles ne semblaient clairement pas faire bon effet. Tu allais finir par terroriser le pauvre garçon si tu continuais. Il est vrai que toi, tu n’as pas peur de grand-chose. Si ce n’est du cœur des gens. Des émotions. Du fait d’être humain. Bien que tu t’es quelque peu amélioré là-dessus… Il n’empêche que tu aurais dû faire un peu plus attention à tes mots. Mieux les choisir. Maintenant, il te fallait agir. Lui dire des paroles aptes à rassurer son esprit.

« Tout va bien. »
« N’aie pas peur. »

À la place, tu te mures dans le silence.
Tu restes sage, écoutant simplement la musique.
N’était-ce pas mieux ainsi ?

Cependant, Ryoji ne compte pas te laisser spectateur. Il t’invite à rejoindre pleinement cette soirée chaleureuse, mais ça, tu as bien du mal à le comprendre. Pourtant, si tu te poses des questions, tu saisis malgré tout sa main. Tu te perds dans son sourire. Tu ressens cette douce et légère pression. Tu l’entends presque te dire de ne pas te lâcher… De rester à tes côtés.

Ah…
Ton cœur bat la chamade.

Et il fait un pas en arrière.
Puis un autre.
Il te tire vers lui.
Contre lui.

Une proximité qui ne te rend pas totalement indifférent. Un murmure qui t’arrache quelques rougeurs. Un battement de cœur.

« O-Oui même si je n'en ai pas vraiment l’habitude… Je ne suis pas sûr d’être un bon danseur.»

Tu ne sais même plus quand était-ce la dernière fois. Mais ce n’est pas la question qui hantait ton esprit. Non… Là, tu te demandais plutôt pourquoi il t’avait demandé cela. La réponse paraît claire néanmoins, tu ne peux t’empêcher d’avoir un doute. Tu ne veux pas avoir de faux espoirs… Des faux espoirs ? Oui… Peut-être désirais-tu une danse avec lui. Avec ce garçon qui parvenait toujours à t’envoûter.

« Pourquoi ?»

Ah… Tu voudrais tout d’un coup être sourd. Pour ne plus entendre ce tambour. Il te perturbe… Et tu espères bien être le seul à l’entendre.

Tu sens une palpitation. Puis une seconde. Tu sens sa voix si proche. Ton corps contre le sien. Son regard plongé dans le tien. Tout semble si lumineux… Si c’étaient probablement les lustres, étrangement, tu avais l’impression que sa présence était la plus éblouissante… Oui… C’était définitivement étrange. Quel était donc ce pouvoir ? Comment faisait-il pour te faire cet effet ? Pour faire battre ton cœur de cette manière…

Toujours un peu plus.
À chaque pas fait.
À chaque mot prononcé.

Ryoji te guide jusqu’au centre de la salle. Parmi tous ces danseurs qui vous font un peu de place. Tu te laisses emporter. Tu le laisserais t’emmener n’importe où en réalité. Non pas parce que tu as l’habitude de suivre le courant… Mais juste parce que c’est lui. Parce que tu veux le suivre.

Parce que tu l’apprécies.
Bien plus que tu n’oserais l’avouer.

Délicatement, tu sens ses mains se glisser sur ton corps. Tu ressens sa chaleur. Sa douceur. Ton cœur qui palpite alors qu’avec le sourire, il te demande une danse. Et tu restes silencieux quelques instants. Tu essayes d’assimiler l’information. De calmer ces battements. Tu as un peu de mal à comprendre cette joie qui se forme en toi. Un peu de mal à l’accepter. Tu serais presque tenté de la rejeter. De l’ignorer… Néanmoins… Il te suffit de le regarder.

Ah…
Pourquoi chercher toujours des réponses ?
Pourquoi ne pas simplement profiter ?
Profiter de lui.
Profiter de ce petit plaisir.

Te laisser découvrir ce désir.

« Oui... »

Tu détournes le regard, les joues légèrement teintés de rouge.

« Je te l’accorde. »

Tu te mets en position, prêt à danser.

Et c’est une note qui chavire. Et c’est son pas que tu suis. Te perdant dans ce rêve éveillé.

On sentait très bien que tous tes gestes étaient raffinés. Que tu savais bel et bien danser. Tes pas ont toujours été calculés. Peut-être parfois, ils l’étaient un peu trop. Tu n’osais pas vraiment te laisser complètement emporter. Ce n’était guère étonnant après. Tu as du mal à te libérer. Ton esprit tout comme ton corps reste enfermé. Enfermé dans des codes, dans des règles. Cela ne te rendait pas mauvais, bien au contraire. Tu images parfaitement la noblesse. Son élégance… Mais aussi sa rigidité.

Tu voudrais profiter pourtant.
Mais ton corps, ton cœur, ne sont pas obéissants.

Songe d’une nuit. Douce rêverie. Tout semble irréel. Les lumières éclatantes, la musique envoûtante… Cette danse… Tu ressens cette pression sur ta main, tu entends silencieusement son désir. Celui que tu restes à ses côtés. Que tu ne t’éloignes pas. Que tu restes contre lui à forger ce doux souvenir. Mais il n’avait pas à s’en inquiéter, tu comptais nullement le quitter. Tu avais encore du temps à lui offrir. Une seconde de plus. Une minute.

Une éternité.

Mais tu restes réaliste. Tu le sais que cela n’était pas possible. Que tout prend fin, même le plus somptueux des moments. Alors il fallait simplement profiter. Mémoriser. De chaque note jouée par l’orchestre. De chaque pas que vous faites. Des sensations. De cette chaleur. De tes battements de cœur. La peur est présente face à cet étrange sentiment qui t’enveloppe, pourtant, tu tentes de l’ignorer. Tu essayes de ne pas trop y penser. Tu ne veux pas te poser trop de questions. Tu ne veux pas briser ce moment.

Tu n’étais déjà pas capable de t’abandonner à l’ivresse de cette danse.
À la magie de l’instant.

Tu plonges ton regard dans le sien. Tu observes ce sourire si doux sur ses lèvres alors que sa voix résonne jusqu’à tes oreilles. Ce petit rire. Cette petite remarque. Peut-être même était-ce un compliment. Tu avais du mal à le savoir.

« Tu ne m’avais jamais demandé… Je danse bien trop rarement alors, je n’avais jamais vu l’intérêt de t’en parler… Et puis, je ne me considère pas comme bon dans le domaine. »

Tu es dur avec toi-même, à la fois, c’est aussi parce que tu connais tes défauts. Tu sais que tes pas sont parfois trop rigides. Pour toi, ce n’est pas de l’art ce que tu fais. Ce n’est pas de la danse. C’est un protocole que tu suis, qu’on t’a appris, pour ne pas te ridiculiser auprès d’autrui. Dans la société. Dans les soirées mondaines où parfois, tu étais invité. Tu sais pertinemment que tu manques de passion. Que ce vide ne rendait pas honneur à la beauté de la valse.

À ton partenaire.

« Mais je ne m’attendais point à ce que tu saches danser aussi.»

Une danse moins stricte. Plus libre. Digne de lui. Il contrastait bien plus avec toi, d’une certaine façon, vous complétiez les défauts de l’un et l’autre. Mais… Ryoji est peut-être plus avide. Il n’a pas envie de se contenter d’une danse bien exécutée. Il veut t’emmener complètement dans cette ambiance.

Te libérer.

Tu sens sa main qui avec douceur glisse jusqu’au bas de ton dos. Une sensation étrange alors que ses doigts touchaient ta peau. Un battement de cœur plus intense alors qu’il te serrait un peu plus contre lui. D’une façon plus intime.

Et il t’incite à le suivre.
Il veut que tu te laisses aller à la musique.
Que tu sois guidé par lui.

Et il dit ton nom.
Et la chaleur monte.

« O-Oui... »

Mais plutôt que de te laisser être emporté, à cette idée tout ce que tu fais, c’est te crisper. Comme si ton propre corps avait peur. Peut-être aussi, tu étais perturbé. Par cette proximité. Par ses mots. Par tout en réalité. Et sans le vouloir ton talon vient écraser son pied.

« Ah. »

Qui aurait cru que tu ferais une telle bêtise…

« D-Désolé... »

Dès qu’il faut sortir des codes avec toi, c’est complètement une autre histoire.

Tu es secret Oz. Pour mieux te découvrir, il faut prendre le temps de t’observer. Prendre le temps de parler. Il faut demander. Te questionner. Car ce n’est point ton genre de parler. Ce n’est pas naturel pour toi d’énoncer des futilités. De laisser les gens plus te connaître. Ce n’est pas que tu ne le voulais pas. C’est ce que tu n’y penses tout simplement pas. Que tu n’en éprouves pas vraiment l’intérêt. Pourquoi les gens voudraient en savoir plus sur toi ? Pourquoi dirais-tu que tu sais danser ? Il étrange que tu ne comprennes pas cela. Toi qui pourtant voudrais en savoir plus sur certains.

Sur Ryoji.

Mais non.
Tu ne fais pas le lien.
Tu ne te dis pas que cette curiosité est réciproque.

Après tout, tu es plutôt ennuyant non ? Dans ta façon de penser. Dans ta façon de danser… Il était presque frustrant de sentir ton corps se crisper ainsi. De faire un faux mouvement aussi stupide. Toi qui avais le pas presque parfait jusque-là, un peu de liberté et tout bascule. Comme si une chaîne ne cessait de te retenir. Comme si un poids avait soudainement retenu ton pied pour s’écraser contre le sien. C’était une erreur bête. Tu le savais. Tu le regrettais.

Tu t’excusais.

Ryoji s’arrêtait soudainement. Peut-être que tu lui avais fait trop mal. Peut-être qu’il commençait à en avoir marre. Ses pas s’étaient figés alors que tu sentais encore ses mains contre toi. Cette tension. Tu n’oses plus le regarder. Tu te contentais de l’écouter.

Difficile de sortir de ses habitudes ?
Oui.
Terriblement.

« Désolé... »

C’est tout ce que tu avais réussi à lui dire.

Néanmoins, le jeune homme te demande si tu veux essayer de mener la danse toi-même. À part le guider sur quelque chose de moins naturel et plus strict et conventionnel… Tu n’étais pas sûr que tu parviendrais à lui faire prendre du plaisir. Mais tu n’as pas le temps de penser à tout ça, voilà qu’il te pose une question perturbante. Elle siffle à tes oreilles. Tu relèves les yeux vers lui, presque un peu paniquer. Comme si ton cœur s’était légèrement arrêté.

« Je... »

Ce que tu souhaites ?

« Je veux... »

Ta gorge est nouée.
Les mots restent bloqués.

Que désires-tu au juste ? Que souhaites-tu ? Pourquoi as-tu toujours autant de mal à t’exprimer ? Même auprès de lui, même après tout ce temps, tu as toujours autant de mal à parler. Et il le sait. Il ne risquait pas d’être étonné à te voir pour une énième fois comme ça. À te battre pour faire sortir ta voix. Pour exprimer tes plus profondes pensées. Mais allais-tu abandonner cette fois-ci ? Allais-tu décider de simplement fuir ?

Non.
Pas encore.
Pas maintenant.

« Je veux…. »

Timidement, tu baisses la tête, les joues rouges, le cœur palpitant.

« Je veux continuer de danser avec toi... »

Était-ce un aveu ? On pourrait le croire, tellement tu l’avais murmuré pour que lui et seulement lui puisse l’entendre. Comme si c’était l’un de tes plus grands secrets. Peut-être était-ce le cas… Un désir caché, que tu aurais préféré ne pas découvrir. Ne jamais avouer.

« Je voudrais essayer de te suivre, de danser plus…. Librement… Mais.. Mon corps et mes pensées ont trop de contradictions… Je réfléchis trop… Comme d’habitude finalement. »

Tout te perturbe.
Dans ta tête, tout se bouscule.
Dans ta poitrine, ça bat trop vite.
Plus vite que le rythme de la musique.

Est-ce que prendre une vie est plus facile que de s’exprimer ? Il est terrifiant que ce genre de pensées puisse te traverser. Qu’à tes yeux, c’était vrai. Tu n’avais pas de mal à tuer, mais… Pour avouer un désir, une envie… Tout paraissait si compliqué. C’était une dure épreuve à passer. C’était affronter tes contradictions. Ta peur des émotions. C’était accepter un sentiment.

Vivre finalement.

Tu avais été capable d’arracher les mots de ta gorge, de lui dire ce qui se passait dans ta tête. Mais tu ne savais guère comme,t'il allait réagir. Il était resté silencieux. Il t’avait laissé le temps de parler. Il t’avait accordé ces minutes à toi et seulement à toi. Et maintenant ? Allait-il refuser cette danse pour ne plus subir tes erreurs stupides ? Allait-il décider de retourner à cette valse plus conventionnelle ? Tu as beau le connaître, tu es incapable d’arrêter toutes ces questions. De mettre de côté ces possibilités. Pourtant, tu le sais… Ce n’est pas vraiment son genre d’abandonner.

Il n’est pas comme toi.
Pas aussi fuyard.

Puis délicatement, tu sens sa main qui se retire de ton dos. Qui vient relever ta tête, te forçant à le regarder. Sans que tu ne te débattes un seul instant.
Et c’est une douce braise qu’il vient déposer sur tes lèvres.

Ce n’était pas la première fois. Sûrement pas la dernière. Mais tu restais toujours surpris par ce geste. Par l’effet que ça te faisait. Par ce tambour qui résonnait à tes oreilles jusqu’à masquer le rythme de la musique. A ne laisser qu’un brouhaha ambiant. Ah… Tu as chaud. Tu sens que ton visage se réchauffe. Que ton masque n’était pas capable de cacher cette teinte rougeâtre. Qu’il ne te cachait pas assez.

Tu n’as pas à réfléchir.

C’est ce qu’il te disait. Tu as beau le savoir, c’est compliqué pour toi.

« Je… Je vais essayer... »

C’est tout ce que tu pouvais promettre.

Puis un sourire dans lequel tu te perds. Une demande qui laisse une douce note à tes oreilles. Tu ne bougeais pas. Tu te perdais dans sa voix.

Laisse-toi aller.
Laisse-toi aller à lui.

Ah...
Ton cœur bat si fort.

Se laisser à lui… Pourquoi serait-ce difficile ? N’était-ce pas toi qui te contentais de suivre le mouvement le plus souvent ? De te laisser emporter par le courant. Était-ce réellement cette peur d’être vivant qui te paralysait autant ? Tu dois arrêter ça… Arrêter de réfléchir autant. Arrêter de te poser des questions inutilement. Tu dois le suivre. Non pas la musique. Pas les gens. Seulement Ryoji.

« O-Oui… »

Tu ne voyais personne d’autre être capable de te libérer dans ta danse.
Personne d’autre à qui tu pouvais dire ce genre de choses.

« M-Mais… Je ne garantis pas de résultats... »

Une inspiration. Tu tentes d’oublier toutes ces pensées envahissantes. Tu essayes de détendre ton corps. De t’habituer à cette proximité.

Tu t’abandonnais à lui.

Qui est Ryoji à tes yeux ?

Une simple connaissance ? Un ami ? Un peu plus ? Oh, il y a entre vous cette ambiguïté. Tu le laissais ainsi se rapprocher. Tu le laissais t’embrasser… Parfois, tu le rejettes, parfois tu le laisses juste faire. Rien n’était vraiment dit entre vous et tu laissais toujours planer un doute. Est-ce que tu prenais goût ? À cette proximité ? À ces émotions intenses ? Tu as peur Oz… Trop peur. Et c’est pour cela que tu préférais ne pas savoir ce qu’il représentait. Ce que tu ressentais. Si tu écoutais toute ta raison, tu le fuirais. Tu partirais. Loin, là où il ne t’atteindra jamais. Là où il ne pourra plus te perturber.

Mais tu en es incapable.
Tu t’es attaché à cette douceur qu’il t’offrait.
À cette agréable chaleur.
À cette présence qui faisait chavirer ton cœur.

Sa main se posait délicatement sur ta joue, et sans jamais le quitter du regard, tu l’écoutais. Il ne demandait aucune garantie. Rien. Qu’attendait-il réellement de toi ? Tu n’étais pas sûr… Peut-être seulement que tu profites. Que tu abandonnes un peu ton côté strict. Tu sentais sa main quitter ta joue pour se repositionner alors que son sourire n’était que plus grand. Plus sincère. Essayait-il d’être réconfortant ?

De te dire ne pas avoir peur.
Peur de tes sentiments.
De ce que tu ressens.

Et voilà qu’il te propose de fermer les yeux. Pour que tu ne te concentres que sur la musique. Que sur lui. Que tu oublies les autres, le monde qui t’entoure. Il te rassurait en te disant qu’il était là pour guider tes pas. Qu’il ne souhaitait guère te mettre dans l’embarras… Tu prenais quelques secondes pour y réfléchir. Tu ne te souciais pas du regard des autres, c’était surtout l’idée de les gêner sans faire exprès parce que tu serais aveugle dans tes mouvements. C’était surtout le fait que tu risquais grandement de lui marcher sur les pieds plus d’une fois… Les talons peuvent faire mal et ce n’était pas ton souhait de l’embarrasser de cette manière…

Mais ce n’était pas le moment de réfléchir pas vrai ?

« Je… J’ai dit que je me laisserais aller à toi alors… Je vais tenir parole et te faire confiance. »

Oui.
Tu lui offrais toute ta confiance.

Délicatement, tu fermais tes yeux, te plongeant dans le noir, ne sentant que les lumières dorés sur tes paupières. Tes autres sens n’en étaient qu’un peu plus éveillé. La musique dans tes oreilles. Les battements de ton cœur qui te paraissaient bien trop forts. Sa main qui touchait ton dos y déposant une douce chaleur. La proximité de vos corps. De son souffle. Tu serrais un peu plus fort sa main. Tu t’accrochais un peu plus à lui pour être sûr et certain de ne pas le lâcher.

Pour mieux le suivre.

« C-C’est… Un peu étrange ? Mais bon… On peut reprendre...»

Une inspiration.

« Je te laisse me guider... »

Si c’était lui, tout allait bien se passer.
C’est ce que tu te disais.

« A-Ah par contre, je m’excuse d’avance si je t’écrase de nouveau le pied. »

Tu espérais que tu n’allais pas tout faire foirer.
Encore une fois.

Tu entends le son des violons. La délicatesse de la harpe. Cette douce mélodie qui accompagnait cette valse. Tu ne peux qu’entendre, car tu as décidé d’être aveugle le temps d’un instant. D’oublier le monde, les gens… Tu ignorais toutes les conversations. Le bruit des pas de chaque couple sur la piste de danse. Tu mettais de côté tout ça. Il n’y avait que les battements de ton cœur. La musique.

Sa voix à lui.

Il n’y a rien d’étrange ? Vraiment ? Tu n’y crois pas. Tout l’était. Tout était perturbant. Ses mots à ton oreille semblaient plus sensible. Plus intenses. Oui… Il y avait une tension encore plus forte. Une chaleur plus grande. Et c’était dans ce drôle de sentiment que tu reprenais la danse. Un premier pas que tu faisais presque tremblant. Deux mots qui résonnent dans ta tête. Comme une demande. Comme une lumière que tu suivais aveuglément. Un rythme qui concorde peu à peu à l’orchestre de cette fête. Mille pensées qui te prennent la tête.

Une émotion fleurissant à chaque pas de danse.

« Je n’ai pas peur. »

Oh, si tu as peur. Tu as peur de lui faire mal. Peur qu’il te rejette si tu fais ça plus d’une fois. Ca se sent. Ca se voit. Malheureusement, ton talon n’avait pas pu esquiver son pied. Terrible erreur comme si on cherchait à te donner tort. À te faire avouer ta crainte… Tu te retiens de t’excuser. Tu l’avais déjà fait en avance, te répéter était futile. Non, il te fallait te concentrer sur tes prochains pas. Pour éviter une nouvelle fois de lui faire mal.

N’y pense pas.
Ne réfléchis pas.

C’est difficile pour toi. Pourtant, petit à petit, tu arrives à un peu mieux le suivre. Petit à petit, tu parviens à te laisser aller. Lentement, mais sûrement.

Tu le laissais te guider. Tu n’essayais pas de te retenir. Même lorsque le rythme changeait. Même si ton cœur ne cessait de chavirer. Une pression sur ton dos qui te fait palpiter. Qui te crispe le temps d’une petite seconde alors que ses doigts réchauffaient ta peau. Un souffle rassuré, alors que sa main semblait chercher à te calmer. Il te fait tourner et si tu crus plusieurs fois être à deux doigts de tomber, à chaque fois, il était là. À chaque fois, il t’en empêchait, il balayait tes doutes.

Et il te serrait un peu plus contre lui.
Et finalement, tu arrives à complètement t’abandonner à lui.

Les pas se font plus doux. Plus calme alors que ton cœur lui garde ce rythme effréné. Qu’il s’arrête un instant lorsque tu sens ton corps se pencher. Instinctivement, tu t’accroches plus fort à lui. Malgré la tendresse dans son mouvement. La douceur de ses gestes.

La fin d’un rêve hors du temps.
La fin de ta première véritable danse.

Il te demande ce que tu en as pensé et délicatement, tu rouvres les yeux, les plongeant dans les siens. Tu le contemples quelques secondes. Tu remarques ses légères joues roses. Son charmant sourire.

« C’était… Définitivement étrange. »

Timidement, tu détournes le regard.

« Mais pas déplaisant... »

Comment avais-tu trouvé cette danse ? Ce moment où tu t’étais laissé aller. Où tu t’étais laissé emporter. Emporter par la musique. Par lui. Par ses gestes. Par ses pas. C’était un étrange sentiment qui restait. Tu avais du mal à t’en rendre compte. À savoir si tout cela était vrai ou non. Mais ce cœur, qui jouait du tambour, te murmurait que ce n’était pas un rêve. Que ces sensations étaient réelles. Une douce chaleur qui imprégnait tout ton être. Tu ne sais pas vraiment ce qui se passe. Tu ne sais pas vraiment comment décrire ce que tu ressens. Comment trouver les mots… Si tu veux les chercher surtout. Alors au lieu de dire que tu as aimé, tu préfères dire que ça ne t'a pas déplu.

Mais le message restait le même.

Tu te perds face à ce sourire éternel. Tu as l’impression que le temps, c’est arrêté. Quelques secondes seulement. Jusqu’à ce que sa voix te parvienne. Il t’aidait à te redresser alors que tu sentais son regard persistant. Tu n’osais plus vraiment croiser ses yeux. Et tu voudrais lui dire…

Ne me regarde pas ainsi.

Cependant, tes lèvres sont scellées, comme si le notifier serait plus embarrassant… Ou bien peut-être qu’au final ça ne te dérange pas réellement. Quelle était cette lueur sur son visage ? Celle que tu voyais à travers ce masque… Était-ce de l’affection ? À ton égard ? Tu as un peu de mal à y croire… Tu préfères ne pas y penser. Tu te contentes de silencieusement rester à ses côtés. Le cœur battant. Encore plongé dans l’ivresse de cette danse. De ce moment passé ensemble.

De ce souvenir bien étrange.
Mais terriblement plaisant.

Tu sens ton corps qui se fait soudainement emporter. Ryoji t’entraînant vers les musiciens. Te demandant s’ils le laisseront jouer du violon. Ah… Tu aimerais bien de nouveau entendre sa mélodie. Sa musique. Le voir passionné. Le voir caresser les cordes avec son archet. Le voir contrôlé par son instrument. Par le plaisir que ça lui procurait.

Si c’était possible, tu ne dirais pas non.

« Hmm… Qui sait. »

Ton regard se pose sur sa main qui tenait toujours la sienne.
Comme s’il n’osait pas te lâcher.
Qu’il n’avait plus envie de le faire.

« Mais… Tu m’as bien prêté ton violon alors qu’on se connaissait à peine alors… Ce n’est pas impossible... »

Timidement, ta main se refermait un peu plus contre la sienne.
Comme si toi aussi, tu voulais maintenir se contacte.
Ne pas le perdre.

« Autant essayer. »

Peut-être que tu as peur oui. Peur qu’un jour, il te rejette. Comme d’autres l’ont fait. Pourtant, ça t’arrangerait de ne plus avoir à subir ces battements de cœur. Ces questions insupportables qui te prennent toujours la tête. Pour ne plus avoir à faire face à ces émotions, ces sentiments… Mais la raison ne te guide pas toujours.

Pas cette fois.

Tu ne veux pas qu’il s’éloigne.
Tu ne veux pas qu’il te laisse derrière.