Le vent puissant d'un soir d'automne malmène la bastingage, fait vibrer les planches et pousse l'imposant bâtiment qu'est le Camélia à naviguer à voilure réduite. Bien heureusement, il s'agit là d'un simple trajet local et quand bien même il aurait fallu aller en pleine mère, la reine Amirale ne nourrir aucune inquiétude, car après tout, les dieux veillent sur elle. Derrière son gouvernail, exposée à la pluie gelée, couverte d'une épaisse cape en fourrure elle entonne quelques chants de bateliers et de marins fort répandus sur l'archipel pour peut qu'on tende un peu l'oreille. Des champs reprit par son équipage qui comme elle est face aux éléments. Ils s'affairent sur le pont et les mats pour faire garder son cap à l'imposant navire.

Des trajets comme celui-ci, il en faudrait plus. Chaque vague qui vient percuter la coque lui arrache un rictus. Il y avait un moment qu'elle n'avait pas été aussi peu clémente. Et c'est son âme d'enfant qui est touchée quand elle aboie quelques ordres pour que son second vienne reprendre les commandes, un air dérouté sur le visage alors que son capitaine s'élance vers l'avant du bateau, abandonnant sa cape et tout ce qui pouvait lui rester de raison à cet instant. Ses bottes claquent contre les planches alors qu'elle remonte l'entièreté du bâtiment avant d'aller grimper sur la flèche qui surplombe la proue du navire. Les joues rougies par le froid, les cheveux trempés et dégoulinants, il n'en faudrait que peu pour l'envoyer à la baille et la congeler. Mais elle est sans crainte, en équilibre, les bras écartés, elle accueille la tempête comme on accueille un vieil ami. Une accolade et un sourire aux lèvres.

Sa petite escapade ne dure cependant pas bien longtemps car la pluie finit par diminuer en intensité et la vigie signale que la terre est à portée. Un sourire malicieux au bord des lèvres, elle jette un oeil à l'horizon. Il n'en avaient plus que pour quelques minutes. Le temps de se préparer, au moins de se changer pour ne pas arriver devant son hôte complètement détrempée et salir sa belle demeure avec des bottes qui émettent un lourd bruit de succion à chaque pas. Alors elle retourne dans sa cabine et se déleste de ses vêtements devenus lourds d'humidités avant d'ouvrir le grand coffre qui trône au bas de sa couche pour en extirper des vêtements secs qu'elle enfile sans perdre de temps devant le miroir rectangulaire. Elle ne pouvait cependant rien pour ses cheveux si ce n'est les essorer sur le plancher; Elle passe une nouvelle cape autour de ses épaules, prenant garde à couvrir sa nouvelle chemise, blanche.

Le Camélia entre au port et le voyage jusqu'à la demeure de son seigneur se fait sans encombres et elle a même le plaisir de constater qu'en chemin les nuages gris ont décidé de complètement les abandonner au profit d'un ciel crépusculaire dont les méandres colorés sont si beaux qu'ils seraient capables de la faire rêver pendant des heures. Cependant, elle n'avait guère le temps. Elle avait une visite de courtoisie à assurer, surtout que de ce qu'elle savait, la dame habitant ces lieux avait perdu son mari il y a peu - la chanceuse - S'assurer de son état semblait donc plus que nécessaire à la Reine Amirale qui se veut si proche de son peuple et de ceux qui l'entourent, ses seigneurs inclus.

Elle salue les gardes sur son passage manquant de réprimander ceux qui s'inclinent un peu trop bas. Elle l'avait toujours dit, c'est le peuple d'Althéa qui fait sa force. Ce n'est pas eux de s'incliner. Passé les grandes portes de l'imposante demeure, elle constate que sa missive de la veille pour annoncer sa visite a bien été reçue puisque son hôte si distinguée l'attendait. Une femme aussi magnifique que distingué, une friandise s'il en est, tant pour les yeux que pour l'esprit. Elle ouvre les bras en la rejoignant à grand pas, elle lui offre une accolade franche en tâchant de ne pas faire un usage démesuré de la machinerie musculaire cachée sous les pans de son ample chemise.

Elle la relâche ensuite doucement, prenant le temps d'observer son visage de son oeil valide gardant ses mains sur ses épaules.

"Vittoria, comme d'habitude vous êtes splendide ! Je vais commencer à me dire que vous faites ça parce que je viens !"

Et c'était peu dire car la dame au cheveux courts semblait mettre un point d'honneur à toujours paraître impeccable là où la Reine Amirale avait déjà débarquée couverte de boue de la tête aux pieds suite à une houleuse confrontation quant au droit de propriété d'un trésor perdu en pleine mère. Mais aujourd'hui elle était présentable. Quand bien même le temps rends difficile le séchage de sa crinière brune. Elle relâche son vis-à-vis et lui adresse un sourire étincelant alors que ses poings viennent se poser contre ses hanches.

"Navré d'arriver aussi peu de temps après vous avoir prévenue. Allez savoir pourquoi, j'ai ressenti le besoin urgent de profiter de votre bonne compagnie !"

Il suffit d'un simple demi sourire, venant étirer la commissure de ses lèvres pour que l'esprit de la reine lui échappe un instant. Pour que son regard devienne l'espace de quelques secondes, contemplatif et bien incapable de se détourner du délicat visage de son vis-à-vis. Elle ne s'était donc rien imaginé de son propre état, cette constatation aussi élémentaire soit-elle venait de le lui confirmer à l'instar de son coeur qui lui semblait avoir raté quelque battements lorsqu'elle l'avait prise dans ses bras. Elle se reprend cependant bien vite, ramenée à la réalité par une voix qui pourtant, elle en était sûre aurait aussi vite fait de l'emporter au large qu'une vague traitresse. Son propre sourire s'étire d'avantage.

"La mer est une amante bien capricieuse et il semblerait qu'elle vous considère comme une menace. Il y a bien longtemps que je n'avait pas été malmenée de la sorte !"

Un rire spontané lui échappe alors qu'elle repense aux lourdes vagues venues s'écraser sur l'imposante coque du Camélia, allant jusqu'à le faire tanguer comme si elle se trouvait en plein milieu de l'océan. D'un geste, la seigneuresse lui ouvre le chemin, indiquant l'intérieur de sa luxueuse demeure, un geste auquel la reine répond d'un léger mouvement du chef en guise de remerciement.

Les mots qu'elle prononce sont comme une douce mélodie à ses oreilles, elle se demande même si elle a bien entendue, prête à lui faire répéter que cela lui fait plaisir de la voir. Des mots qu'elle aurait accusé sans broncher venant d'une autre personne, cependant, sortant de la bouche de la noble, ils semblent forcer son sourire éclatant à s'adoucir. Sans compter sur ce nouveau sourire qui lui est adressé.

"Ma dame, j'aurais pu me trouver à l'autre bout du continent, j'aurais scié la mer en deux pour venir et ne perdre aucune des précieuses secondes que je vais passer à vos côtés."

Iris a beau être une femme, elle est une femme spéciale, une femme qui se soucie de la galanterie, aussi elle dégage sa cape de ses épaules pour pouvoir offrir son bras à sa comparse avant d'entrer dans l'imposante bâtisse en sa compagnie. L'idée d'un bain lui semble extrêmement plaisante, surtout après s'être amusée à se tenir contre le vent durant une bonne partie de la traversée. Un sourire malicieux se dessine sur ses lippes alors que son oeil vermillon se pose de nouveau sur la belle qui l'accompagne.

"Comme je vous l'ai dit, chaque seconde compte, si vous comptez me faire prendre un bain, il faudra m'y accompagner."

Elle s'esclaffe, plus discrètement cette fois, ravie de sa propre boutade. Boutade qui n'en est pas vraiment une tant la perspective de partager un tel moment avec la noble est attrayante. Peut-être un peu trop. Sans doute est-ce parce que depuis tout ce temps, elle s'était interdite de lui faire entendre d'une quelconque manière ce qu'elle pouvait ressentir. Après tout, toutes deux étaient mariés et ce genre d'affaire aurait bien tôt fait de mettre la noblesse d'Althéa sans dessus dessous. Mais maintenant que la pauvre se trouve veuve et qu'elle voit ce qui lui reste d'affection pour Alexander mourir un peu plus chaque jour que les dieux font, il est temps de lever le masque et de ne plus se cacher. Sans pour autant trop en faire. Les approches directes étaient bonnes pour les ribaudes avec qui passer du bon temps. Hors ce n'est guère ce qu'elle attend ici.

"Ne vous en faites pas, mes hommes ont sûrement déjà envahit quelques unes de vos auberges pour se régaler de votre cuisine et de vos bon vins, ils ne causeront aucun ennui, soyez en assurée."

De nouveau, elle opine, manifeste son contentement face à la proposition de la noble dame. Une proposition qu'elle n'aura pas à se faire répéter deux fois car chaque instant lui semble inestimable. Rien que la simple accolade qu'elle lui a offerte quelques instants auparavant, le fait de pouvoir sentir les délicates effluves de son parfum. Chaque instant mériterait d'être encapsulé et conservé comme un véritable trésor. Chaque instant, la faisait glisser un peu plus irrémédiablement vers les profondeurs d'un océan qu'elle ne s'était jamais donné la chance d'explorer.

"Il en va de soit ! Aussi confortable soit ma couche, je n'y retournerais pas ce soir. A moins qu'une soudaine envie de me jeter dehors vous prenne, mais je vous préviens, je sais me montrer tenace !"

De nouveau son rire résonne, franc et solaire. Plus elles avancent et plus elle se sent bien. De manière incroyable, elle jouit de la douce impression d'être libéré de ses chaînes, de n'avoir rien d'autre à penser qu'à son hôte délicate et à la nébuleuse de sentiments qu'elle a depuis si longtemps ignoré.

"Dîtes moi, qu'allons nous manger de bon ? J'espère que vous n'avez pas pressé vos sujets pour moi."

Qu'il est doux, de constater que la seigneuresse accompagne son geste galant, de voir son bras s'enrouler ainsi autour du sien, d'observer sa main venir s'y poser, contempler un instant fugace, son sourire qui elle est certaine vaut bien une vie d'aventure. S'égarer une seconde de plus au plus profond de ses yeux, un océan qu'elle aimerait pouvoir traverser de bout en bout sans jamais s'en détourner. Reine-Amirale, capable de galvaniser les foules, de rallier un peuple à sa cause malgré son caractère flamboyant et ses rêves d'épopées légendaire, face à la noble elle aurait bien voulu n'être qu'une simple femme, que rien ne la retienne jamais. Car le temps, bien loin de rendre les choses plus aisées, alourdit le coeur. Un fardeau que de simples mots ont le pouvoir de venir alléger, lui arrachant au passage un nouveau sourire.

"S'il faut que je sois là pour que vous daignez vous montrer, je vais commencer à venir tous les jours."

Une plaisanterie, certes. Un réel désir, évidemment. Si elle pouvait seulement se le permettre, cependant si être reine lui offre bien des avantages, cela la prive également de beaucoup de libertés qu'elle aimerait s'octroyer.

"Vous avez bien raison, rien de tel qu'un bon bain pour se détendre après une bonne soirée."

Il faut dire que la sensation de se glisser dans un lit confortable tout juste sortie d'un bain chaud est des plus exquises. De plus, si la reine avait prit soin de se changer, elle devait encore sentir quelque peu le souffre et d'autres notes maritimes tant elle avait été éclaboussée dans sa folle tentative de se tenir en équilibre sur la proue de son navire. Elle suit la noble dans l'escalier et ses paroles lui arrachent un rire, bref et amusé.

"Certes, j'aime regarder la mer, j'aime être en mer mais disons que si j'en venais à me perdre ce soir dans vos yeux d'obsidienne, je pourrais l'oublier."

Elle y pourrait y naviguer milles ans et ne pas voir le temps s'écouler. D'autant plus qu'à cet instant précis, elle se trouve juste en face d'elle, séparées par trois petites marches, elle n'aurait qu'un geste à faire. Quelque chose qu'elle ne peut nier désirer ardemment. Pourtant, elle continue de s'en empêcher, régulant avec finesse les flammes du brasier qui brûle en elle et que la noble ne cesse d'alimenter par sa simple présence. Par sa finesse de corps et d'esprit, de part son élégance naturelle qui vient trancher avec la désinvolture et la passion solaire qu'elle même dégage.

"Vraiment, j'en ai déjà l'eau à la bouche, rien qu'en sachant cela !"

Voyages. Une ombre fugace passe sur le visage de la dirigeante, bien vite occultée par un sourire. Voilà bien longtemps qu'elle n'avait plus vraiment voyagé. Le retrait de son époux sur la scène politique l'obligeait à reprendre les rênes alors qu'elle pourrait en effet, être en train de voyager, vivre de nouvelles aventures. Au lieu de ça, elle se retrouve à envoyer seule son soutien à la grande archevêque qui a vu son peuple souffrir d'une catastrophe. Elle se retrouve à organiser et ouvrir le tournoi d'Althéa, initiative du roi pour lequel ce dernier n’avait finalement même pas fait acte de présence. Voyager, elle aurait aimé. Mais voilà des mois qu’elle est coincée à Althéa.

Voir la noble de nouveau se saisir de son bras chasse de manière instantanée ces quelques sombres pensées qui en viennent à montrer de plus en plus souvent leur nez, alors que l’homme qu’elle avait épousé plus par intérêt que par amour, n’est plus que l’ombre de lui-même. Tant et si bien que même lui, face à la seigneuresse, elle l’oublie, totalement obnubilée. Elle lève légèrement la tête, l’air de réfléchir.

“J’aurais bien aimé ! Mais ces derniers mois ont été pour le moins éprouvants. Depuis la tornade en Akiélos, j’ai l’impression de ne plus m’arrêter !” Un rire du bout des lèvres lui échappe. “Mais j’ai bien fait un voyage, un jour et il se pourrait bien qu’il m’ait mené à un trésor… C’est même sûr. Cependant, je ne suis pas encore sûr de pouvoir obtenir, ni même posséder. Mais je me dit que pouvoir le regarder c’est déjà pas si mal alors j’y viens de temps en temps !”

Elle riote vaguement avant de prendre une légère inspiration.

“C’était… il y a… Environ huit ans, peut-être neuf. J’avais embarqué pour une traversée somme toute ordinaire. La mer était calme et le soleil nous toisait tout en haut d’un ciel sans nuage. J’avais l’impression que le navire allait brûler sur place. Nous transpirions tous à grosse goûte et nous réfugier dans les cales ou la cabine n’y changeait pas grand-chose. On priait, accrochés au bastingage pour que le vent se lève pour de bon. Heureusement, je pars toujours avec plus d’eau qu’il n’en faut à bord, sinon c’était cuit pour nous et c’est le cas de le dire. On a fini par mettre pied à terre à destination. Là nous avons été accueillis par des gens, vraiment très distingués, d’une grande noblesse il va sans dire !”

De son bras libre, elle image ses propos à l’aide de quelques gestes, elle désigne des points imaginaires ça et là.

“Une très grande demeure, comme la votre avec dans l’entrée des portraits d’illustres membres de la famille. En vérité, cet endroit, j’y avais déjà mis les pieds auparavant, sans jamais vraiment y penser. Et c’est alors que nous discutions avec le chef de famille que j'ai trouvé, mon trésor ! D’une délicatesse rare et d’un prestige sans pareil, il se trouvait là depuis le début. Dès les premiers instants, je me suis mise à le désirer ardemment. Plus que n’importe quoi ou que n’importe qui. Pourtant, je n’ai jamais pu me l’accaparer. Juste, le regarder, en silence.”

Un sourire mystérieux étire ses lippes alors que son oeil vermeil vient de nouveau trouver celui de celle qui l’accompagne.

“Mais les années filent. Et ce n’est que maintenant que je me dis que, peut-être, je devrais tenter ma chance.”

Elle soupire doucement quelque peu accablée par la manière dont cette femme arrive à faire voler en éclat tout ce qu’elle est. Depuis quand Iris Moore, Reine-Amirale, tourne tant autour du pot. Depuis quand, la reine des mers désire-t-elle à ce point se montrer sous son meilleur jour qu’elle en oublie son franc parler.

Inachevé. C'est un peu le goût amer que laisse sa vie sur le bout de sa langue. Elle est pourtant Reine, elle jouit pourtant d'une liberté que beaucoup ne peuvent que lui envier. Et pourtant s'ils savaient ce qui se passe en coulisses. S'ils savaient comme il est difficile de se sentir de plus en plus seule, de voir le seul semblant d'amour qu'on est jamais connu partir en poussière, s'effriter un peu plus, jours après jours. Comme il est difficile de devoir s'interdire ainsi des choses, réprimer ses sentiments. Des problèmes qu'elle n'auraient sûrement pas eu si elle était née simple roturière. S'ils savaient. Si elle savait, Vittoria, peut-être serait-ce également plus simple. Et pourtant, elle était toujours incapable de se résoudre à faire comme à son habitude, tout faire sans attendre, car on ne sait pas de quoi est fait demain. Et pourtant, après toutes ces années, voilà seulement qu'elle osait faire un pas dans sa direction. En prenant pourtant soin de la tenir de cette vérité, aussi belle soit-elle à ses yeux.

Elle vient s'accouder au balcon, aux côtés de la seigneuresse, rivant son iris sur le ciel aux couleurs magnifiques causées par les récents aléas météorologiques. Comme quoi, les tempêtes maritimes ont parfois du bon.

"J'aimerais vous répondre que oui, je vais mettre tout en oeuvre pour obtenir ce trésor. Cependant, ça fait déjà si longtemps, si je m'essaie à le saisir et qu'il vient à se briser entre mes doigts. Je ne sais combien de temps il me faudrait pour m'en remettre."

A la mention d'une odieuse créature, elle s'imagine sans peine son mari. Son visage s'affiche dans son esprit comme une vilaine marque indélébile qui la pousse à froncer les sourcils. Lui qui se laisse choir dans la médiocrité. Jamais elle n'aurait pensé que la famille Moore puisse tomber si bas. Elle aura tout fait pour tenter de le maintenir à flot. Jusqu'à comprendre qu'il était perdu et qu'il n'y a plus qu'à attendre qu'il coule définitivement, de lui même.

"Il y a bien une créature odieuse. Mais elle est bien trop sale et mes gants sont neufs." Annonce t-elle, un sourire malicieux se peignant à la commissure de ses lippes.

Toujours accoudée à la balustrade, elle croise nonchalamment ses jambes derrière elle alors que son sourire s'étire, que son oeil unique revient se poser sur le visage de la noble. Différente, elle l'était en tout point. Parce qu'elle était celle qui avait fait naître en elle, des sentiments insoupçonnés, elle est celle qui fait battre son coeur plus grand, elle est celle qui fait que l'océan peut être relégué au second plan, elle est celle autour de qui tout semble tourner, celle qui semble briller comme mille soleil à chaque fois qu'elle fait irruption dans son champ de vision.

"Celui-ci est différent, car sa valeur est inestimable. Il ne peut faire partie de tout ceux que j'entasse ou que j'expose. C'est... Quelque chose d'étrange que je ne peux que vous souhaiter de connaître un jour, sans les aléas et les milliers de questions que tout cela implique bien entendu, ça je ne vous le souhaite pas !"

Elle hoche doucement la tête avant de reporter son regard vers le ciel. Bien sûr qu'elle en vaut la peine. Un millier, un million de fois. Si elle le pouvait, elle resterait là, simplement, sans plus se préoccuper de rien. Parce qu'il n'y a pas dans son coeur, dans son esprit, de plus beaux moments que ceux qu'elle peut passer à ses côtés.

"Oh oui, il en vaut la peine et pas seulement. Toutes les peines du monde."

Un tendre sourire prend place sur son faciès.

Au mot de la noble, la reine sent son coeur se serrer de manière inexplicable. Presque au point de lui faire mal. Impression. Une impression fort juste. C'est tout ce dont elle parle, c'est le sujet de sa grande aventure, sa plus grande épopée. Une grimace, fugace face aux étoiles. Elle souhaitait plus que tout que la seigneuresse puisse comprendre et en même temps... Elle voudrait préserver tout ces instants qu'elle peut lui soutirer pour des prétextes plus futiles les un que les autres. Elle ne voudrait pas risquer ce qu'elle a déjà pour ce qui lui semble parfois hors d'atteinte. Et pourtant, c'était bien dans le but de s'en approcher encore d'avantage qu'elle était là aujourd'hui. Un discret soupir lui échappe alors que sa mirette se perd dans le couchant.

S'emparer de son trésor, elle le lui souhaite de tout coeur alors que de manière presque inconsciente son regard dérive de nouveau sur elle comme si plus le temps passait, moins elle était capable de s'en détourner. Elle retient son souffle, une poignée de seconde, détaillant encore chaque parcelle de son délicat faciès avant d'expirer doucement.

"Si vous saviez, Vittoria, cela va bien au delà d'un sourire."

Sa main sur son épaule, sa pupille se pose sur ses doigts fins qu'elle aimerait tant serrer dans les siens. Elle hoche doucement la tête, un fin sourire décorant ses lippes alors qu'à la mention de nourriture son estomac émet un grondement sourd qui répond largement à la question de la noble. Bien sûr qu'elle a faim. S'il y a de la nourriture, elle a faim. C'est comme ça. Elle vient tapoter son ventre d'une main en opinant du chef.

"Je meurs de faim à vrai dire ! Je pourrais manger une baleine à moi seule !"

Un rire de carpe lui échappe alors qu'elle tente de se débarrasser de toutes ces questions qui l'assaillent, de toutes ses envies. Elle s'en arracherait presque les cheveux à se demander pourquoi c'est aussi compliqué quand on aime. Suivant la dame, elle avise la table qui a été dressée pour elles et secoue vaguement la tête.

"Quand bien même crier ne me dérange pas du tout, j'aime autant ! C'est plus intime. Et ce n'est pas comme si je me présentais pour une inspection ou quoi que ce soit. Alors, juste vous et moi sur une petite table, c'est parfait."

A vrai dire, elles auraient pu manger sur le sol, ça aurait été tout aussi bien. Parce que la seule présence de la noble suffit à faire tourner son monde. La simple perspective de venir la voir la rend insupportable et celle de la quitter lui donne l'impression qu'on jette son coeur du haut d'un ravin. Alors comment pourrait-il en être autrement que parfait, quand Vittoria est à ses yeux, à son coeur, l'incarnation de la perfection.

Nouveau sourire.

"Et... si je vous avais vraiment parlé d'amour ?"

Ce rire qui s'échappe des lippes de la noble. Pendant une seconde, la reine eut l'impression que ce dernier allait le jeter à bas de sa chaise. Comme si par ce simple automatisme du corps, elle avait réussi à faire vibrer tout son être sans omettre une seule particule. Elle resta, une poignée de seconde, figée manquant presque de ne pas réussir à saisir le sens de ses paroles, seulement les mots à la volée qu'elle dû réassembler. Aussi elle devait avoir l'air d'un merlan frit face à sa comparse. Elle n'avait jamais parlé d'inspection ? Si ? Une tenue plus seyante ? Se passait-il quelque chose dont elle n'est pas au courant. Et enfin tout fait sens, elle secoue soudain la tête et une de ses mains également.

"Non ! Restez comme vous êtes, vous êtes parfaite ! Et puis, je vous l'ai dit, je suis venue pour passer du temps avec vous, pas d'histoire d'inspection ou je ne sais quoi."

De plus, la voir ainsi dans une robe somptueuse aurait sans doute été encore plus déstabilisant. Sûrement même. Contenir un regard trop insistant, voir avide, aurait été un défi bien plus corsé qu'il ne l'était déjà en cet instant. Et elle aurait sûrement eu besoin d'un éventail pour des problèmes de chaleur évidents.

Elle dépose son séant sur la chaise dans le même temps que son hôte alors que celle-ci lui fait part de sa surprise concernant cet "amour" qu'elle pourrait éventuellement évoquer dans son histoire. Ah, si une belle assiette ne se trouvait pas juste devant elle, elle aurait sûrement abattu sa tête avec force contre le bois de la table pour se sortir toutes ces pensées de la tête et pouvoir les prononcer de vive voix. Cependant l'assiette est là et elle se remplit. Alors elle se contente de remercier d'un sourire les domestiques de la dame. Elle ne savait pas vraiment quoi répondre. C'est vrai, pourquoi elle, Iris Moore, avait soudainement prit le soin de prendre des pincettes. Elle avait juste à le dire en vérité. Sa bouche s'ouvre, brièvement avant de se refermer.  

Imitant de nouveau la noble, elle se saisit de son verre pour venir humer les arômes délicats qui s'échappent du vin fraîchement servi. Décidément, le vin d'ici n'a guère de pareil ailleurs. Des péchés, pour sûr elle en aurait des tas à confier, mais ce n'est pas comme si c'était important, il s'agissait juste à ce moment là d'un juste retour des choses.

Question fatidique de nouveau la reine se figne et son oeil vermeil soutient encore un instant celui de la dame avant de se poser sur la robe du liquide qui ondule doucement dans son récipient. Depuis longtemps, ça ne va plus. Mariée car elle était enceinte de Duncan, comment pouvait on dire que ça avait vraiment été un jour. Et le fait qu'elle parvienne à aussi aisément tomber amoureuse d'une autre n'avait été que la confirmation de ses doutes.

"Laissez moi vous raconter une autre histoire." Annonce t-elle à demi-ton en reposant sa coupe sur la table. "Et ce n'est pas une histoire d'amour."

"J'ai rencontré Alexander alors que j'étais proche de mes seize ans, durant la première année de mon service militaire. Je ne vais pas vous faire le tableau de ce qui s'est passé mais toujours est-il que je suis tombée enceinte. Par soucis d'influence, les Moore ont décidés qu'il serait fort judicieux de m'intégrer à la famille. Aussi, sans vraiment comprendre comment, je me suis retrouvée mariée à un prince que je ne connaissait pas vraiment."

Elle marque une courte pause avant de reprendre.

"Comme vous le savez, nous avons trois enfants. Duncan, Kamélia et Damian. Sans nul doute les plus belles choses qui me soient arrivées quand bien même Damian n'est pas de moi. Damian est arrivée au château de Varennes quelques jours après notre couronnement. J'étais ivre de rage, j'ai complètement ravagé l'un de nos salons. Ivre de rage, pas parce que je l'aimais mais parce que jamais personne n'avait ainsi osé me manquer de respect. Je m'était faite à tout ça, au fait d'être une Reine, au fait de devoir être là à ses côtés quand c'état nécessaire... Qu'il aille voir ses putains, je m'en moquais. Mais qu'il le dévoile de cette façon et avec autant de désinvolture... Et puis ces derniers temps, je ne sais pas. C'est comme s'il n'existait plus."

Il n'avait jamais eu la plus grande des places dans son coeur mais au début il était là. Puis tout était parti en fumée au fil des jours et des années. Le bateau avait sombrés et la mer avait emporté les débris au loin. Elle relève la tête pour observer le visage de la noble; et cette simple vision lui remet déjà un peu de baume au coeur. Elle la persuade d'avoir enfin trouvé quelque chose de beau, qui lui convient. Aussi ses lippes se fendent de nouveau en un sourire léger alors qu'elle balaie ses propres paroles d'un geste de la main.

"Ah, désolée. Je ne devrais pas vous raconter tout ça, vous devez avoir bien d'autres choses à penser !"

Apaiser son coeur, elle n'a guère besoin de mots pour y parvenir. En effet, c'est sa simple présence qui permet à Iris de se sentir si bien. Et si elle ne s'était pas décidé à lui faire part de ses déboires alors elle n'aurait jamais eu l'air aussi abattu face à elle. Elle apprécie cependant les efforts qu'elle fournit, peut-être trop. Au point de lutter pour ne pas simplement s'emparer de cette main sur la sienne qui lui arrache un mince sourire malgré les quelques nuages gris qui flottent dans son esprit. Un sourire qui s'accentue alors que ses paroles sont pareil à un souffle chaud qui viendrait donner à son coeur un nouvel élan. Et si elle avait été un peu plus prude, sans doute le rouge serait-il venu s'emparer de ses joues à l'instar d'une jouvencelle à qui l'on vient compter fleurette.

"Et vous pouvez être assurée que vous me trouverez toujours tôt ou tard sur le pas de votre porte, avec ou sans histoires. Votre hospitalité est de celle dont je ne saurais me passer. Et dont je ne voudrais me passer pour rien au monde."

Lorsque la main de la dame quitte la sienne, elle s'empare à son tour de son verre, désireuse d'achever de chasser la grisaille de son être elle en prélève une grande lampée sans vraiment s'occuper de l'image qu'elle pouvait renvoyer. Après tout, la seigneuresse avait déjà pu à plusieurs reprises assez chargée pour aller hurler dans le derrière d'un poney et espérer se faire entendre par les dieux. Un léger soupir lui échappe alors que le liquide délicieux et fruité lui réchauffe légèrement l'œsophage.

"Je pense en effet qu'il faut s'en inquiéter. Bien qu'il soit connu pour être un roi quelque peu brutal et sans scrupules, le peuple avait pour lui une place particulière et il nourrissait pour nos enfants de grands projets. Cependant, maintenant je ne saurais dire à quoi il se destine. Il n'est plus là pour personne, il passe ses journées sur son trône et lui faire décrocher un mot relève de l'exploit. Aucune méthode ne semble fonctionner et personne ne semble parvenir à le faire réagir. C'est comme essayer de pousser une montagne à la force des bras."

Elle hausse vaguement les épaules. Elle qui d'ordinaire a la tête remplie de rêve, elle ne peut plus que se demander de quoi sera fait demain. Elle aimerait que ce ne soit qu'une conséquence du temps qui passe. Qu'Alexander se soit simplement lassé de ses fonctions et qu'il se soit découvert un intérêt nouveau. Que plutôt que de se murer dans le silence, il lui ai tout dit. Même si c'est pour lui dire que c'est terminé, simplement qu'il lui dise quelque chose. Nouveau soupir, plus lourd.

"J'ignore ce qui va se passer. Mais je ne nourris aucun bon présentiment quant à l'avenir incertains qui tend à se dessiner sous nos pas."

Ses couverts à la main, la reine semble perplexe son attention est cependant entièrement consacrée au flot de parole qui s'échappe des lèvres de la noble. Ah, comme elle aimerait se dresser, écarter cette table de sa route pour les faire siennes. Mais elle ne peut que les regarder ainsi remuer, lui expliquer toute la teneur et les saveurs de ce délicieux repas qui se trouve face à elle. Contrariée cependant, elle commence à manger avec un appétit pour le moins déroutant. Autant pour se remplir l'estomac que pour calmer la frustration qui continue de s'accumuler à force d'en avoir un peu trop sur les épaules et un peu trop sur les épaules. Elle mâche avec énérgie et avec une certaine hargne en prenant tout de même le temps d'apprécier la tendresse de la viande qu'elle déguste et la volupté de ses accompagnements. Les cuisiniers de Castellammare savent définitivement y faire lorsqu'il s'agît de préparer de succulents mets.

Elle remercie son hôte d'un signe de tête alors que son verre de vin se remplit à nouveau. Un verre qu'elle vide de moitié dans l'instant et dont la douce chaleur vient s'ajouter au réconfort gustatif que lui procurent les différents plats. Elle s'arrpete cependant, comme figée lorsque la seigneuresse reprend la parole. Alors qu'elle lui assure qu'elle n'est pas seule. Elle le sait et pourtant il semblerait que ce soit des mots qu'elle eu besoin d'entendre ces derniers temps; alors qu'elle lui assure qu'elle est prête à la rejoindre pour l'épauler face à un Alexander qui n'est plus que l'ombre de lui même. L'ombre du roi qu'il a toujours voulu être.

D'un geste, elle attrape sa serviette de table pour s'essuyer la commissures des lèvres. Lèvres qui se fendent d'un nouveau sourire. Comment pouvait-il en être autrement. Comment aurait elle pu ne pas tomber pour quelqu'un d'aussi dévoué. Pour quelqu'un qui comme elle est prête à donner de sa personne pour son pays et son peuple. Si seulement, elle pouvait comprendre que son havre de paix, ce n'est pas Castellammare, mais elle.

"Vittoria, je ne peux que me réjouir de vous avoir à mes côtés... Votre aide sera la bienvenue. Cependant je ne voudrais pas vous soustraire à vos propres obligations. Et puis..."

Un peu de malice vient teindre son sourire.

"Je suis une grande fille vous savez."

Comme toujours la seigneuresse de Callariate fait preuve d'une organisation qui semble presque hors-norme à la souveraine et qui ne manque pas de lui arracher un nouveau sourire. En effet il lui était tout à fait concevable que la noble puisse confier la gérance à quelques un de ses subalternes sans que cela ne vienne à lui porter préjudice. Elle pense là notamment à Segreto qui lui ferait peur par moment tant il semble pouvoir apparaître et disparaître comme par magie sur un seule mot de sa maîtresse.

"Il est en effet important de savoir s'entourer de gens de confiance. Je ne sais pas cependant si je serais capable de déléguer autant que vous. Ne serait-ce que parce que j'aime faire les choses moi-même."

La Reine Amirale arque un sourcil au tintement de la clochette. En effet cette alternative aux cris ne lui était pour ainsi dire jamais venue à l'esprit quand elle avait besoin de quelqu'un. Attentivement elle écoute la dame. Une récompense ? Et bien qu'avait-elle fait pour mériter cela. Qu'importe cela la ravissait de recevoir un cadeau, un ravissement visible puisque lorsqu'elle se redresse en trépignant comme une enfant. Elle s'approche de la seigneuresse, les yeux pétillants comme si elle venait d'extraire une gemme inconnue des fonds marins. Prenant soin de s'essuyer les mains sur une serviette de table elle vient poser ses mains sur la tenue, sentir les étoffes. Notamment celle du manteau qui attire l'oeil plus que tout le reste.

"C'est magnifique ! Une fois de plus votre savoir faire me laisse sans voix."

Elle s'attarde sur les finitions de la tenue qui sont étonnantes autant d'extravagance que de simplicité. Cependant elle relève la tête lorsqu'elle entend la voix de la dame et son oeil s'écarquille face au spectacle qui se déroule dans les cieux. Son teint blêmit face à la traînée ardente qui poursuit une descente vertigineuse à l'horizon. Elle reste figée, interdite jusqu'à ce que le faisceau de lumière dégagé par un impact qui devait être dantesque la fasse regagner ses esprits.

"Milles milliards de milles sabords ! Est-ce que j'ai bien vu ce que je viens de voir !?"

Prenant tout de même le soin de disposer de la tenue sur le dossier d'une chaise, elle se précipite vers le balcon penchée en avant, les doigts serrés sur la rambarde. D'abord la tornade et maintenant ça. De quoi se poser un milliards de questions sur les plans des dieux. Essayaient ils de les mettre à l'épreuve.

Elle garde les yeux rivés sur l'horizon un instant avant de se tourner vers la noble.

"Qu'avons nous fait pour mériter ces catastrophes ?"