Bordel, s'n'est pourtant pas si compl'qué qu'ça que d'rejoindre l'campement. S'droit', gauch', trois fois droit', tout droit, puis r'-gauche dans l’aile sud'ouest à l’int'rsection d'grand arbre. Tout l'monde sait ça, TOUT L'MONDE !

Si le voleur aux doigts collants fulmine et marmonne des grognements sourds, il ne laisse à aucun moment échapper ses paroles de son esprit. Son bâtonnet tourbillonne entre ses dents tandis qu’il traîne des pieds à la capitale d’Akielos. Ils auraient pu grouper les recherches, la Mama et Puppy auraient été très certainement partant pour aller fouiller la capitale, mais Gaius ne sait que trop bien que ce genre de plan serait inutiles et peu productif. Alors quand on s’est posé la question sur l’absence de Hound, Gaius s’est rapidement porté volontaire pour aller le chercher, seul.

De toute manière, ce n’est pas comme s’il pouvait arriver quoi que ce soit à Hound, non : ça serait plutôt à n’importe qui d’autre de s’inquiéter de croiser sa route. Et ce n’est pas comme s’ils devaient au moins se montrer un minimum discret. Les trois pièces maîtresses des Beasts étaient loin d’être au meilleur de leur forme avec ce qu’il s’était passé à Ios, pas que cela soit réellement le cadet des soucis de Gaius, il ne connaissait pas ces membres-là, souvent absents ou en mission, il ne ressentira bientôt qu’un pincement au coeur à la vue des chaises vides, ou du nombres de tentes soustraites de un.

Mais il sait ce que c’est, de perdre un membre de son groupe.

Alors à quoi peut donc penser Hound, en cet instant ? Il préfère s’imaginer que ça lui soit passé ou qu’un chien enragé comme lui ne se soit pas plus attardé sur le sujet que cela. Rien n’est sûr.

Dans sa réflexion rythmée par les sons de la nuit, il soudainement redresse la tête ; son cœur tambourine dans sa poitrine alors que la vive image qu’il voit passer éveille ses sens avant de rejoindre un mur juxtaposé à lui. Hound est là. Même de dos il le reconnaîtrait entre mille. Cette étrange aura qui émane de son être dont il ne saurait expliquer la nature, lui donne toujours des frissons.

Face à lui, l’œil hagard d’un sabreur ne fait aucun doute sur la querelle qui semble s’amorcer. Bientôt, le choc des armes et des sorts donnera lieu à un véritable bain de sang. Il ne s’en fait pas tellement pour Hound, mais il ignore si entreprendre une série de meurtres en pleine rue serait des plus appropriés - les tâches qu’il semble entrevoir d’où il est ne semble pas être des éclaboussures de flaque d’eau, cette simple pensée le fait claquer sa langue contre son palais, légèrement agacé.

Gaius aurait pu laisser couler, vraiment. Rebrousser chemin et simplement attendre qu’il se calme pendant qu’il suçote ses bonbons. Il ne connaît même pas le contexte, mais de ce qu’il sait, Hound n’a actuellement pas de contrat sur la tête de qui que ce soit.

Mais Hound est sans limite, et avec les récents événements il est à se demander si ce ne sera pas encore pire.

Son attitude ne ressemble pas à celle d’une simple menace.
Il ira jusqu’au bout si on ne l’arrête pas.
Jusqu’au bout.

Alors, d'une grande inspiration, un pas hors de sa cachette lui donne l’impulsion d'entrer en scène. Si la pression de cet instant lui donne une envie irrépressible de venir mordre dans un morceau de sucre, il se retient et laisse sa voix claire interrompre la tension évidente.

“Ah ! T’voilà enfin ! S’fait des heur’ que j’te cherch’ !” fit-il avec un air ahuri. Il s’approche d’eux, s’assurant d’être bien vu d’Hound.

Le passage d’une lame sous sa gorge est vite arrivé, voyez-vous ?

Un long soupire forcé, il vient poser son coude sur l’épaule de son chef. Les yeux plissés, ignorant à moitié le guerrier face à eux. Gaius n’a jamais été du genre à prendre les choses trop au sérieux, ou du moins c’est ce qu’il laisse croire alors qu’il suçote son bâtonnet entre ses dents.

“Les autr’ t’cherchaient, en fait. Y manqu’ plus qu’toi… Mais j’t’apprends rien, Hound.”

Comment le raisonner ? Il faut dire qu’après quelques mois dans leur bande, il lui semble presque impossible de savoir ce qui pouvait permettre à Hound de se détendre. Est-ce qu’il sait seulement quelque chose de lui ? À part la couleur de ses caleçons étendus dans un coin isolé du quartier général, pas grand-chose.

Ah, si.
Son mauvais sens de l’orientation et sa tête de quinze mètres de long montrant à chaque instant qu’il manque de sommeil.

Il tourne finalement la tête vers Felix, un sourcil haussé feignant de l’avoir tout juste remarqué avant que sa main ne vienne lentement au plus près de sa dague.

Il était certain d’avoir caché non loin une sucette. Peut-être que cela suffirait à Hound pour se calmer.

Il s’en était fallu de peu avant le cataclysme.

Gaius n’a pas d’attrait pour cet endroit où les règles qui y règne. Il est ce qu’on lui a mis comme étiquette depuis longtemps déjà : un étranger, un “autre” qui n’a rien à faire là.

Alors si tel est le cas, pourquoi s’embêter à jouer les sauveteurs ? C’est ce qu’il se dit parfois.

Mais ce n’est pas suffisant pour triompher d’un combat entre lui et sa conscience.
Les dernières années en Ylisse l’ont changé. Et sans doute que quelques brides de son passage chez les Veilleurs lui ont permi de voir une porte de sortie dans ce long couloir de fange humaine. Rien qu’un instant, un espoir de rédemption.

Qui s’est rapidement refermé ensuite, et marcher tout droit n’a servi à rien. S’accrocher à un Noble, faire le malin et les chiens de garde ? Très peu pour lui. Il aime sa liberté et sa tranquillité, ne pas avoir de barrière et pourtant toujours un endroit où aller même quelques heures.

Comme dans sa jeunesse, comme chez les Veilleurs.
Comme chez les Beasts dans le fond.

Mais tout y est différent, pourtant, il le préssent. Est-ce la tension actuelle qui lui fait comprendre que Hound n’est pas en confiance avec lui ? Sa tronche grognon et ses bras croisés ne lui inspire rien de particulièrement bon en tout cas.

Qui prendrait un air aussi morne pour vous dire quelque chose de gentil ? Un étirement des lèvres ne lui ferait pas de mal, par moment.

Il soupire. Même du sucre ne suffirait pas à le rendre plus aimable en cet instant, ça serait du gâchis.

“Hound, pardon d’voir ruiné ta prom’nade au clair de lune avec l’autr’ tête de fennec mais-”

Qu’est-ce qu’il pourrait seulement dire pour s’éviter ses foudres ? Sans doute aurait-il dû se contenter de rebrousser chemin et de le laisser dans sa mouise.

“Une de perdu, dix d’retrouvés. Et pis, faut qu’on r’tourne au camp, ça commence à grouiller d’gardes aux alentours, j’pas sûr qu’ils s’diront que tu t’es renversé du vin sur l’manteau.”

Ils ont beaux être mercenaire, avoir des droits et tout le taratata, il doute que ça soit le genre de choses qu’on pourrait ne pas leur reprocher. Et puis l’autre a très bien pu aller chercher des gardes pour les chercher.

Mais il va s’abstenir d’en parler, il ne manquerait plus qu’il lui rejette la faute sur lui.

Les tentatives maladroites de calmer la colère d’Hound ne portrait pas ses fruits. Avait-il seulement espéré qu’il en serait autrement ? Probablement, qu’il avait presque prié les dieux de cet autre monde pour que son sens de l’humour saurât détendre l’atmosphère, mais il semble être tout autre en cet instant.

Hound ne parle pas, il semble perdu dans de longues réflexions qui échappent au rouquin, mais l’ambiance nocturne et les pas lents et mesurés du chef des mercenaires semblent ne pas apaiser cette aura sordide qu’il imagine émaner de lui.

Il a toujours été comme ça, tente-t-il de se rassurer pour ne pas voir en cela une menace potentielle à son égard.

“Erm… Hound ?” La gorge nouée, il s’efforce de garder une posture nonchalante bien que son regard brille d’appréhension et que les mouvements de bâtonnet entre ses dents trahit une nervosité soudaine.

Il a besoin de sucre pour compenser cela.

Une de ses mains descend dans une de ses poches secrètes cachées dans son pantalon. Il attrape une poignée de petits bonbons fermement coincés entre ses doigts quand, tout à coup, la voix cinglante de son chef le met en éveil.

Une main se porte à son épaule, sa poigne se resserre sur son vêtement et les bonbons tombent au sol dans un hoquet bref de surprise. Le regard perdu dans l’effervescence dans le regard glacial d’Hound.

“Estime-toi heureux d’être encore en vie” qu’il lui souffle dans un grondement sourd. La menace à l’allure d’une lame glissant, le long de sa gorge, il déglutit, la voix peu assurée.

“Ouais hein… La chance…” Marmonne-t-il avec un léger trémolo dans la voix.

Gaius n’est pas un froussard, il a jusqu’ici déjà rencontré la Mort, ou bien y a déjà pensé.
Mais lorsque son attitude de petit comique a déjà eu l’occasion de taquiner les nerfs de ses camarades plus d’une fois.

Jamais il ne s’est senti aussi près de la Mort d’un simple regard.
Ses frères d’armes ne seraient pas allés jusqu’à l’attaquer pour répondre de ses boutades.

Isaac, le chef des Mercenaires de Beasts, n’aurait pas hésité à lui trancher la gorge s’il l’avait voulu.
Il le pressent, il en est même sûr.

Sa main se porte à son cœur, s’assurant qu’il ne frôle pas la crise cardiaque quand le mercenaire s’éloigne de lui et qu’il quitte son champ de vision. Sa position, aussi peu favorable puisse-t-il croire, au contraire, l’a au moins sauvé la mise d’après ses dires.

Même s’il ignore encore ce qu’il pouvait bien lui apporter de plus. Ce que ce statut pouvait seulement donner à ce sujet.

L’a-t-il choisi uniquement pour cela ?
Est-ce tout ce que le rouquin a à offrir aux Beasts et à leur chef ?

Sa gorge se serre alors qu’il récupère un à un les bonbons tombés au sol.
Sans doute, devra-t-il réfléchir à deux fois ces prochains jours sur ce qui le pousse à rester chez les Beasts.

Si même sa “sécurité” qu’il pensait pourtant acquis même de moitié, ne tient qu’à un fil entre les mains d’un mercenaire qui n’a que faire de lui.

Mais quoi faire ?
Et où aller ?

Gaius se racle la gorge, quelque peu incertains à l’idée d’ennuyer encore Hound. Mais cette fois-ci, il lui semble nécessaire de le faire à nouveau. Puisqu’après tout…

“Hound… Le campement, il est de l’autre côté.”