En réalité, il n’a absolument aucune idée de ce qu’il a pu se passer pour qu’il se retrouve perdu dans cet endroit. Qui plus est en compagnie de son frère.
Ce qu’il sait, en revanche, c’est que cet endroit est maudit. Il l’est forcément. Ça grince de partout, on entend la vermine crapahuter partout sans savoir précisément si c’est à ses pieds ou au-dessus de la tête, ou même encore dans les murs.

« Je t’avais dit de pas ouvrir ce maudit bouquin ! Regarde où ça nous mène ! »

Oui, Tarek est nerveux. Pire encore : il est mort de peur.
Il regarde autour d’eux comme s’il y avait la moindre échappatoire. Mais rien. Absolument rien. Il finit par passer derrière son frère aîné, posant ses mains sur ses épaules et se baissant un peu.

« Passe devant. Si tu crèves, je ferai faire une cérémonie en ton honneur. Promis. »

Peut-être qu’il aurait préféré ne pas l’inviter à entrer.
Peut-être qu’il aurait préféré que son frère le traite en gamin et lui propose de le raccompagner à l’entrée.
Mais ils entrent. Tarek est cramponné à Geb, alerte bien qu’en proie à la panique. Hors de question qu’il reste seul.

Et puis ses yeux se posent sur le nouveau décor.
Glauque. Mais il y a pire.
Y a un truc qui bouge. Et c’est pas une souris.

Il hurle.

Se taire ? Bien sûr que non. Et encore moins en présence d’une créature vraisemblablement vivante sortie d’on ne sait où.
La main de Geb sur sa bouche, il est donc contraint au silence alors qu’il veut dire toutes les injures qui lui passent par la tête pour qualifier la situation. Et son état de peur et d’angoisse qui le saisit à pleine gorge.

Dissimulé là derrière le meuble couché, il écoute Geb qui regarde prudemment que la chose ne cherche pas à les rejoindre. A-t-elle seulement conscience de leur présence ? Non, pire encore, est-ce que c’est seulement suffisamment intelligent pour comprendre quoi que ce soit ?

La main de Geb quitte sa bouche et il prend une grande bouffée d’air, n’ayant même pas réalisé qu’il avait retenu son souffle tout ce temps. Ses mains viennent s’agripper au meuble alors que ses yeux dépassent suffisamment pour guetter la forme coincée dans sa prison de fer. Son regard glisse sur Geb qu’il voit bien s’amuser de la situation.

« C’est ça, fous-toi de moi. Quand t’auras fini, tu me diras ce que tu sais sur la magie au sens large. »

Tarek n’est pas très doué en magie, il n’a aucune affinité avec et ne sait que le strict minimum. Il désigne quelque chose plus loin, traçant un cercle avec son doigt.

« C’est quoi ces gribouillis par terre ? Non, plus important, c’est du sang ? Va voir et reviens. Au nom de la science, tout ça. » Il ramasse un livre qui traîne. « Je te couvre. »

Tarek, une poule mouillée ?
Non. Il ne veut juste pas s’approcher d’une source potentielle de danger de manière inutile.

« Non, Môssieur le futur roi, je ne compte pas lire ce bouquin, j’ai l’intention de le balancer sur ce truc si jamais il vient à bouger. Et si tu continues à faire le guignol, c’est sur toi que je vais le lancer. »

Il lui fait signe de la main de se dépêcher d’avancer, comme on le ferait avec un animal pour le faire fuir en ponctuant d’un « shush shush », histoire de le faire déguerpir rapidement.

Tarek l’observe s’avancer vers la créature qui ne semble plus bouger ou encore moins faire de bruit. Difficile de dire si c’est rassurant ou non.
Dans un coin de sa tête, Tarek espère que ce truc ne bougera pas ni ne touchera Geb. Pas qu’il s’inquiète pour la sécurité de son frère, il est capable de se défendre, mais c’est surtout qu’ils n’ont encore aucune idée de ce que c’est.

Ça n’a clairement pas l’air humain.

« Alors ? Y a du sang ? »

Il l’écoute le charrier et émet un grognement avant de lui balancer le livre qu’il a dans la main.

« Je sais pas, j’y comprends rien à ce charabia magique. Regarde la couverture, y a ton nouveau copain dessus. »

En voyant Geb si proche de la créature -autant qu’on puisse l’être- sans qu’elle réagisse, ça persuade Tarek de sortir de sa planque pour regarder un peu autour d’eux. La pression est un peu redescendue même s’il reste sur ses gardes.
Ses yeux dorés s’arrêtent sur une cage en fer sur le sol. Une cage en mauvais état. Il regarde la créature.

« J’aime pas vraiment ce que cette cage implique. » Il frémit à l’idée que cette créature ait été invoquée puis enfermée et enfin sacrifiée. Ou pire encore. Qu’il s’agissait de quelque chose de totalement banal et que les divers rituels l’ait transformé en ce truc. Quelque chose, ou quelqu’un… « Est-ce qu’on a seulement une magie capable d’invoquer des trucs plus immondes que toi ? »

Il l’écoute d’une oreille distraite alors qu’il s’avance vers la cage pour en inspecter l’état. Il s’accroupit, tournant de ce fait le dos à Geb. Son regard glisse sur les étagères où reposent divers objets. Tous plus glauques les uns que les autres.

Il se redresse donc, se dirigeant vers les étagères pour inspecter plus en détails, mais pas avec gaieté de cœur, les babioles qui y traînent. Il ne prête aucunement attention à ce que fait son frère aîné, même s’il reste vaguement attentif à ce qu’il raconte.

Toujours à se plaindre celui-là.

Tarek prend un dans objets dans sa main, une grimace de dégoût déformant ses traits. Il ne saurait dire en quoi, mais ce qu’il tient dans ses mains lui donne la nausée. A quoi ça peut bien servir au juste ? Il a un haut le cœur et repose l’objet où il l’a trouvé, se contentant de croiser les bras pour observer les autres.

Il écoute la conclusion de Tarek au sujet de la technologie et s’apprête à soupirer mais l’exclamation de Geb et le bruit le font sursauter plus que de raison. Il pousse un cri tout en attrapant une jarre au sol, prêt à s’en servir comme arme tout en se tournant vers le danger.

Mais il n’y a rien.
Juste Geb qui fait le con.

Et il peut le voir sur son visage, dans ses yeux satisfaits.

Le visage de Tarek se décompose alors qu’il devient rouge de colère, ou de honte.

« Bordel mais t’es complètement con ! Ça va pas de beugler comme ça ?! J’ai cru que t’étais en danger, tête de lard ! » Il le rejoint en quelques enjambées, le menaçant avec sa jarre. « Donne-moi une seule raison de pas te la casser sur la tronche ! »

Il n’en ferait rien de toute façon. Il lui referait le portrait quand ils seront sortis de cette sombre merde.
Le poids du récipient le fait baisser un peu les bras alors qu’il grogne. Et maintenant, ses yeux se posent sur le truc au milieu désormais beaucoup plus proche de lui maintenant qu’il s’est avancé.

« Tu mériterais que j’te laisse avec ta conquête, tiens. » Il pose la jarre à ses pieds et regarde le cercle au sol. « Puisque t’as le temps de faire le malin, tu peux me dire à quoi il sert ton dessin par terre ? » Il le fixe. « Invocation ou prison ? »

Il l’écoute chouiner et le fixe après avoir reposé la jarre au sol. C’est qu’elle pèse son poids, la maudite poterie !

« Oh, ça va princesse. Tu vas pas en mourir. »

Et face à son cinéma, Tarek lève les yeux au ciel avant de déchirer dans son propre vêtement un morceau de tissu pour lui entourer le doigt et faire un petit nœud. Le tout sans réaliser que le mal est déjà fait. Que le sang a déjà coulé. Ni ne remarque ce qui commence à les entourer, concentré sur le bandage bancal qu’il effectue à son idiot de frère aîné.
Histoire de ne plus l’entendre chouiner comme une mauviette pour une simple coupure.

Et puis tout se précipite.
Le hurlement venu d’on ne sait où, suivi par celui de Geb, et enfin par le sien qui suit le mouvement sans même comprendre. Enfin, si, il comprend qu’il a peur. Il devient livide devant ce spectacle et se serait probablement figé de peur si Geb ne l’avait pas empoigné pour l’entraîner avec lui.

Le livre jeté sur cet ectoplasme a le don de le faire disparaître vraisemblablement.
Pire encore, il atterrit sur ce truc immonde. Le dos plaqué contre le mur le plus proche, Tarek fixe la créature avec des yeux exorbités, craignant que ce soit au tour de ce truc de prendre vie. Mais rien.

Quand Geb prononce son observation, quand il nomme ce qu’ils ont vu, Tarek secoue la tête. Il a beau avoir peur de ce qu’il se passe actuellement, mais il ne veut pas croire que les fantômes puissent exister. Il y a forcément une explication rationnelle.
Il se décolle du mur, venant poser sa main sur l’épaule de Geb, un peu trop fermement. Ce qui trahit sa peur malgré ses traits sérieux.

« Geb, c’est pas un fantôme. C’est pas possible. Rien de ce qui est ici n’a de sens. On a été drogué et on nage en plein délire. » Il désigne le bouquin d’un geste de tête. « Et s’il s’agit de magie noire, on a qu’à brûler ce truc et se tirer. Faisons ça. Comme ça, il y a aucun risque que ce machin sorte d’ici. Allez, écoute moi. »

Il n’attend pas sa réponse, se dirigeant vers le livre. Il tend la jambe pour récupérer l’ouvrage sans avoir à trop s’approcher de la créature, puis le ramasse en le tenant bien fermé. Il redresse la tête vers Geb.

« E-Et puis si c’est un fantôme, autant soulager cet esprit en brûlant ce bouquin, hein ? Apaiser les esprits, tout ça. »