Toujours vêtu de noir. Un visage de marbre parmi une foule en désespoir. Toi derrière ton masque. Effrayant de loin comme de près. Certains prennent le temps de te dévisager, mais nombreux de ces inconnus sont trop occupés à pleurer. Un démon parmi ces étrangers. Pourtant, ce démon avait prié comme tous les autres. Avec sincérité. Il avait même espéré qu’à travers ce masque, il pourrait protéger les âmes dans leurs voyages. Mais, maintenant que tu avais prononcé ces mots pour les défunts, tu te permis de retirer ce masque. Tu l’as raccroché à ta ceinture. Balayant du regard le ciel. L’air un peu ailleurs. Présent et pourtant absent. Tu entends soudainement une voix. Calmement, tu reposes tes yeux sur ce visage que tu connaissais sans jamais lui avoir parlé. Il n’était pas difficile de reconnaître l’héritier de Djinn.

Geb Ramses. Tel est son nom.

Tu ne t’attendais pas vraiment à être ainsi abordé. À ce qu’il te fasse une telle demande. Tu ne savais guère pourquoi il était venu vers toi. Tu levais la tête pour croiser son regard. Plonger tes yeux dans les siens, ne te posaient aucun problème, malgré son statut de prince. Mais voilà, le problème est qu’il te paraissait bien grand. Trop grand. Heureusement que tu n’étais pas du genre à ressentir une pression face à ce genre de personne. Mais tu éprouvais un profond respect. Tu baisses la tête, t’inclines avec élégance avant de te redresser pour lui faire face :

« Bonjour sir… Je- »

Tu n’eus guère le temps pour continuer ta phrase que la foule vous a soudainement emporté. Une vague humaine par laquelle tu te laisses porter. Car tu suis toujours le courant. Tu as pour habitude de le laisser te prendre. Néanmoins, tu voyais le prince héritier lui aussi être emmené. Par simple devoir en tant que soldat, tu ne pus te permettre de le laisser dans cette situation. Et puis… Tu n’avais pas pu lui offrir une réponse appropriée. Tu ne pouvais ainsi, laissé ses questions en suspens. Tu te rapproches de lui, poussant quelques inconnus pour finalement saisir son poignet délicatement :

« Veuillez excusez mon comportement qui pourrait paraître impromptu, mais, essayons de sortir de toute cette foule. »

Tu savais prendre soin des nobles. Même si tu l’étais toi-même, tu étais avant tout une arme de guerre, tu avais appris à protéger et à servir de bouclier. Même si Djinn et Kanagawa ne s’entendaient pas spécialement… Cela ne te regardait pas actuellement. Ils n’étaient pas non plus en guerre. Ils n’étaient pas des ennemis. Tu n’avais aucun ressentiment à leur égard. En fait, tu ne ressentais rien. Cela ne te préoccupait pas plus que cela. Car tu es toujours à part. Tu te mets toujours à l’écart. Tu restes indifférent, même sur ce genre de choses. Et de toute façon, même si tu avais un véritable avis politique, ce n’était ni le jour, ni le moment pour cela. Bien au contraire. En tant que soldat, tu avais aussi la responsabilité de maintenir une bonne image. Tu ne voulais pas qu’on prenne les gens de Kanagawa pour des êtres indignes et sans respects.

Tu poussais quelques gêneurs, sans trop les offenser. Le problème était qu’avec ta petite taille, c’était un peu un calvaire. Tu ne voyais pas la fin de cette foule. Tu ne cherchais pas à déranger ces gens en deuil. Pourtant, tu n’éprouvais pas de remords à leur demander pardon pour te laisser un peu passer. Tu tenais toujours la main du futur souverain. Tu essayais de le guider tant bien que mal. Tu faisais attention à ne pas renforcer ta poigne par mégarde. Tu faisais preuve de délicatesse. Tu continuais d’avancer, te retournant quelques fois, pour voir si tout allait bien derrière. Cependant… Au bout d’un moment, tu parviens enfin à vous faire sortir de cette marée humaine. Tu ne pus retenir un long soupir. Tu fais quelques pas de plus et relâches finalement l’héritier :

« Nous sommes enfin sortis… Pardonnez mon comportement, mais j’ai pensé qu’il serait mieux de sortir de cette foule pour vous répondre. J’espère ne pas vous avoir manqué de respect. »

Tu inclinais légèrement la tête. Comme pour t’excuser alors que tu n’avais rien fait :

« Pour enfin donner une réponse claire. Sachez que je ne sais guère où se trouve son Altesse, l’Impératrice. Je sais néanmoins qu’elle est présente en ces lieux tout comme ses enfants. Je ne pourrais vous dire où elle se situe actuellement. Il est possible qu’elle soit déjà partie ou qu’elle ait engagé quelques conversations avec différentes figures politiques ou non. Veuillez m’excuser, je ne suis pas d’une très grande aide. »

Ton regard posé sur lui, tu te rends compte qu’il manque quelque chose. Un poids en moins. Un objet disparu. Tu poses tes yeux sur ta ceinture alors que ton masque avait disparu. Instinctivement, tu te tournes vers la foule. L’aurais-tu perdu en essayant de traverser ? Tu avais eu quelques bousculades, ce n’était pas impossible. Mais ce n’était pas un objet si important. Tu n’avais pas besoin d’aller le chercher. Pas vrai ?

Mensonges.

Un semblant d’émotions sur ce visage. Tu devais aller le récupérer, mais pas maintenant. Tu devais poursuivre ta conversation avec cette figure importante. Après quelques secondes à regarder ces étrangers rassemblés, tu reposes ton attention sur le seigneur. Même si tu avais encore un peu l'esprit ailleurs. Tu espérais que ton masque ne s’était pas cassé. Que quelqu’un ne l’avait pas écrasé. Qu’il n’avait pas été emporté. Car tu ne savais que trop bien détruire. Mais l'on ne t'avait jamais appris à réparer.

Une tête baissée. Voilà que sous tes yeux, un prince, prochain souverain, daigne faire ce geste. Un geste que tu ne pensais pas mériter. Étais-tu digne d’un tel honneur ? Tout ce que tu avais fait, c’était le guider hors de la foule. C’était éloigner les gêneurs. L’aider à traverser la vague pour qu’il puisse enfin souffler. Tu ne demandais pas une telle action, de tels mots de la part du seigneur. Un petit sourire se dessine sur son visage alors que tu es incapable d’y répondre. C’était pareil avec tout le monde. Avec tes soldats. Avec Iseko. Tu ne pouvais même pas les imiter. Tu te contentais de les regarder. De les observer. Tu restais de l’autre côté du fossé. En écoutant le prince, tu repensais à la princesse impériale de ton pays. À ce qu’elle t’avait dit. Tu t’étais encore excusé par réflexe… Mais avais-tu réellement besoin de changer cette habitude ? Tu plonges ton regard dans le sien, sans réelle réaction de ta part :

« Je vois. Tant mieux si vous ne vous êtes pas sentis offusqué. »

Tu aurais voulu lui dire que tu n’avais pas besoin de son remerciement. Cependant, tu n ‘étais pas sûr que ce soient des paroles appropriées. Tu as préféré te taire. Revenir à sa question pour lui répondre. Mais tu avais été incapable de vraiment l’aider et alors qu’il semblait chercher si ton impératrice était toujours présente. Toi, tu avais remarqué cet objet manquant. Ce masque. Ce cadeau offert. Celui qui devait te protéger de tes démons. Tu entendais le Djinn expiré, alors que tes yeux, eux, étaient toujours portés sur la foule. Tu entends la voix du prince qui te surprend un peu. Cette simple question te fige. Tu le regardes quelques instants. Silencieux. Tes lèvres entrouvertes alors qu’aucun son ne sortait.

Si quelque chose ne va pas ?

Tout allait bien. C’est ce que tu te disais. C’est ce que tu voulais croire. T’étais-tu réellement attaché à ce masque ? Ou bien, était-ce par respect pour le créateur ? Des choses s’emmêlaient. Une incompréhension sur ce que tu ressentais. Tout était flou. Toi qui avais tant l’habitude de te sentir vide, pourquoi cette étrange impression. Ce n’était qu’un objet. Un cadeau certes. Mais cela ne devrait pas plus te faire réagir. Pas vrai ? Tu détournes ton regard de celui du prince :

« Tout va bien…. »

Vraiment ?

« J’ai simplement perdu mon masque… Probablement dans la foule... »

« Simplement ». Oui, dit comme ça ce n’était rien de très grave. Néanmoins, il n’empêche que cet objet t’accompagnait depuis des années. Si tu n’avais toujours pas compris la réelle signification de celui-ci, il était sans doute semblable à un porte-bonheur. Il avait en réalité à tes yeux de la valeur. Plus que tu ne pourrais l’avouer. Tu décides de rediriger tes yeux vers le futur souverain, pour lui faire face et te montrer un peu plus respectueux :

« Avez-vous besoin d’aide pour autre-chose sir ? »

Tu étais passé à un autre sujet de conversation. Tu iras le récupérer après, ce n’était pas très urgent. Tu préférais d’abord être sûr que le prince n’avait pas besoin de toi. Tu ne savais pas pourquoi il était encore là. Pourquoi il t’avait posé cette question. Il n’avait probablement plus besoin de toi. Il partira, alors que ses gardes le rejoindront. Et peut-être que vous vous recroiserez le jour où il viendra à Kanagawa. Tu étais persuadé que ça allait se finir ainsi. Il n’y avait aucune raison pour que cela se passe autrement. Et pourtant… Qui sait ? Le monde peut t’offrir des surprises.

On ne t’a jamais appris à mentir. Ce ne sont pas tes parents qui t’ont dit que tu devais le faire. Ce n’est pas ton grand-père. Ton ancien maître d’armes. Non… Tu es le seul qui en a pris la décision. Parfois, tu es le seul qui choisit de cacher la vérité. Parfois, c’est ton inconscient… Tu es doué pour mentir à toi-même… Si doué que tu n’y as jamais songé. Tu es aveuglé. Tu as fermé les yeux sur ces sentiments. Sur ce que tu ressens vraiment. Tu t’es bouché les oreilles. Tu as fait le sourd. Et tu continues. Encore et encore. Mais peut-être que le prince avait lu en toi… Plus que tu n’en étais capable… Tu n’étais pas apte à le savoir. Ou même t’en soucier… Tu regardais simplement le futur roi quelque peu surpris. Si des soldats l’avaient rejoint et que tu étais persuadé que cette rencontre s’arrêterait ici… Ce ne fut point le cas. Il demande même à ce qu’on aille chercher ton masque :

« Euh… Vous n’êtes point obligés… Enfin… »

Un soupir.

« C’est un masque de démon, avec des cornes, bleu-vert, noir et avec quelques dorures. Il est assez reconnaissable. »

Recevoir une aide pour quelque chose d’aussi futile de la part du prince d’un pays étranger, c’était… Une expérience étrange… Peut-être était-ce de l’embarras ? Tu ne savais pas où te mettre. Même si le Ramses te disait que ce n’était rien. Quel retournement de situation… C’est exactement ce que tu lui avais dit un peu plus tôt… Mais qu’il parle de ce masque comme d’un objet précieux à tes yeux… Cela te faisait bizarre. Tu avais du mal à te le dire. Trop de mal à l’avouer. Pourtant, lorsque tu pensais au fait qu’il puisse s’être cassé… Tu avais cette sensation de ton coeur qui se serre. Tu avais cette sensation qui t’est étrangère. Tu avais du mal à comprendre et cela te faisait naturellement peur. Tu essayais de contenir ce malaise. De l’ignorer d’un simple battement de cils. Tu inspires et t’inclines vers le prince :

« Je vous remercie pour votre aide... »

En te relevant, tu dois faire face à la question de l’héritier. Cela, l’intéressait-il ? Tu savais que les habitants de Djinn étaient curieux. Ce sont des savants. Des chercheurs. Cela était normal, mais… Tu ne savais pas que c’était aussi le cas pour les traditions et la culture de Kanagawa. Enfin… Peut-être que cela était normal pour quelqu’un de son statut. Tu ne t’intéresses pas réellement à la politique si tu n’as pas à le faire… Mais cela était bien trop trivial alors… Il devait simplement être avide de connaissances ? Tu le regardes, restant silencieux quelques instants.

« Ce n’est point malvenu de votre part. Peut-être juste étonnant.»

Bien que tu ne semblais pas étonné.

« Ce masque… Ce masque a été fabriqué par un artisan d’Akielos, il est donc, unique. »

Artisan était un bon terme pour le décrire ?

« Mais il s’est basé sur la culture de mon pays… Il s’est inspiré de masques artistiques et d’exorcismes de Kanagawa. Par exemple, durant des fêtes traditionnelles, il existe des masques particuliers que certains s’amusent à porter. Tandis qu’il existe des masques qu’on est censés portés pour se protéger des mauvais esprits et chasser les démons. »

Tu portes ton regard vers la foule. Là où il s’est perdu. Peut-être est-il toujours en un seul morceau ? Tu n’arrives ni à être optimiste ni à être pessimiste. Peu importe la réalité, tu devras l’accepter.

« On me l’a offert pour me protéger de mes démons. Pour que je puisse le porter en combat. Malheureusement, je ne sais pas encore ce qu’il voulait dire exactement par là… »

Même après des années, tu étais incapable de réellement comprendre. Tu avais toujours autant de mal à savoir ce que ces mots signifiaient. Pourtant, tu n’avais jamais cessé de le porter. Que ce soit sur ton visage ou à ta ceinture. Depuis 5 longues années, il t’accompagnait. Même lors de simples sorties, tu avais ce réflexe de l’emporter.

Ah, peut-être qu’il t’était vraiment précieux.

Tu te mets droit face au prince, t’inclinant légèrement encore une fois. Tu venais de te souvenir d’une terrible impolitesse de ta part :

« Veuillez m’excuser, mais je ne me suis point présenté. Je me nomme Ozora Yuzhu. Lieutenant et fier serviteur de l’Impératrice. »

Tu n’avais pas vraiment eu l’occasion de donner ton nom. Si lui non plus, tu connaissais déjà son identité… Peut-être qu’il se fichait de connaître la tienne cependant, c’était à tes yeux, importants. Qu’il le retienne ou non, au moins, tu auras fait preuve de courtoisie.

Démons. Ils hantent ton cœur. Te rongent sans que tu ne ressentes leurs crocs. Ils sont voraces. Indiscernables. Se nourrissent de tes sentiments. Créer tes plus grandes peurs. Celles dont tu n’as pas conscience... Tu sombres. Toujours plus. Dans une eau bien trop profonde. Et lorsque tu auras atteint le fond, tu seras détruit complètement. Tu seras brisé mentalement. Peut-être même physiquement. Mais pour toi, ces êtres n’étaient qu’une métaphore dont tu n’arrivais pas à comprendre la signification. Tu savais juste que… Ce masque t’avait été offert dans un but : te protéger. Cela te suffisait pour vouloir le porter. Pour savoir qu’Orion, tenait ne serait-ce qu’un peu à toi. Ses paroles étaient gravées en toi. Elles perduraient dans tes souvenirs. Revenaient en écho lorsque tu regardais le masque. Même si tu ne sais pas ce qu’est être heureux, tu te disais que cet objet pouvait être considéré comme un porte-bonheur… Aussi étrange, cela paraissait. De par ses couleurs et sa forme.

« Étrange, n’est-ce pas ? Je ne sais guère ce qu’il souhaitait me dire… Peut-être, c’était simplement une métaphore pour dire qu’il me protégera de mes ennemis. Ou bien, je suis maudit et je n’en ai guère conscience ? Cela pourrait tout aussi bien être lié à ma façon de me battre ? Je n’en ai aucune idée… Un jour viendra où je pourrais peut-être le comprendre... »

Un jour oui…
Peut-être.

Lorsque tu poses ton regard sur le prince, tu remarques bien vite que quelque chose a attiré son attention. Comme s’il s’était perdu quelque part. Peut-être une silhouette familière. Ou une traîtresse illusion. Tu n’avais pas fait la remarque, ne sachant pas si cela valait la peine. Tu t’étais contenté de te présenter. La politesse était une valeur importante. Tu savais son nom sans même qu’il te le donne… Pour un échange, cela était plus courtois. Même si… Ce n’était qu’une rencontre dû au hasard. Tu ne savais pas si un jour vous alliez vous revoir. Tu ne savais pas, si tu allais tirer quoi que ce soit de cet échange. Sans doute des informations ou du moins… Quelques impressions sur le fameux futur souverain de Djinn. Mais tu restais un soldat… Lieutenant oui… Mais un soldat… Et puis… Peu importait son titre, en général, tu n’étais pas vraiment doué pour conserver des relations. Les entretenir… Ou même, prendre conscience qu’elles existent.

Ce n’était qu’un coup de chance.
Ou bien pour t’apporter malheur.

Ses soldats reviennent vers vous. L’objet a été trouvé. Oui… Il avait été trouvé… Cependant, il n’était plus en un seul morceau. Quelques pointes brisées. Tu voyais bien les fissures. Tu te souvenais encore des paroles du jeune artisan. Il t’avait demandé d’en prendre soin… Il t’avait confié cet objet, fabriqué de ses mains. Tu avais réussi à ne jamais le brisé. Mais tu te rappelles soudainement que ce masque était aussi fragile qu’une vie. C’était étrange… Tu avais… Une drôle d’impression au niveau de l’estomac et de la gorge. Derrière ta poitrine. Tu restais muet. Aucun mot ne sortait. Aucune expression. Mais tu semblais encore plus vide. Tu avais ce regard perdu.

C’était l’un des rares présents que l’on t’avait offert.
Probablement, celui qui t’était le plus précieux.
Ah, c’était donc ça….
Ce masque….
Tu y tenais…. Tu y tenais énormément.

Tu te perdais dans tes pensées. Néanmoins, la voix du Ramses fut apte à te ramener à la réalité.

« P-Pardon ? »

Tu semblais complètement déboussolé. Et ce, pour plein de raisons.

« Ah… Euh… Malheureusement, cela fait plusieurs années que je ne l’ai pas revu… Je ne sais guère où il habite, ni même s’il est encore à Ios… »

Un blanc.

« Ou bien en vie. »

Ce que tu pouvais être morbide.

« Pour essayer de trouver son adresse, cela pourrait me prendre du temps, et en soit, je ne sais guère si cela portera de ses fruits alors…. »

Tu ne t’attendais pas à ce que le prince propose de lui-même la réparation du masque.

« Et bien… Je ne doute point de vos compétences. Après tout, Djinn est connu pour ses inventions et j’ai bien conscience que cela demande de la minutie… Cependant, vous n’avez pas besoin de vous donner du travail supplémentaire pour ça… Je ne mérite pas une telle proposition... »

Oui. Tu étais persuadé ne pas le mériter. Ce n’était la faute à personne. Ce n’était qu’un petit incident. Une simple fatalité. Pourtant….

« Mais… Et bien, si vous me le proposez… Si cela ne vous ennuie vraiment pas… Je serais honoré et je vous remercierais grandement de votre précieuse aide. Si vous voulez, je peux vous donner de l’argent bien entendu. Ou bien, si vous avez besoin de quoi que ce soit, un service ou autre, tant que c’est dans mes cordes, j’accepterais volontiers d’y répondre, je vous en donne ma parole. »

Tu baisses légèrement la tête.

« Je… Merci… Merci de vous proposer. »

Si ton visage était sculpté dans le marbre. Il n’y avait pas de doute… Malgré ce ton calme, tes paroles trahissaient, ce que tu ressentais au plus profond de ton cœur.

Un objet n’est rien de plus qu’un objet. Tu n’avais jamais été affecté, lorsque tu avais vu ta lame se briser plusieurs fois. Sous un entraînement qui t’aura fait vomir. Sous un combat qui t’aura coûté des cicatrices. Tu n’avais pas été affecté, lorsqu’un bol offert par un marchand s’était brisé. Tu te disais juste que c’était dommage. Que l’artisan ne méritait pas que son objet finisse comme ça… Le fait est… Tu te fiches de l’argent, tant que tu as le nécessaire pour vivre. Tu te fiches d’avoir un objet d’une grande valeur. De posséder de beaux vêtements. De belles lances. D’un katana finement forgé… Tu n’éprouves aucun désir matériel. Après tout, si tu es apte à ne rien ressentir face à la vie, comment ressentir quelque chose face à un objet ? Face à quelque chose qui n’a pas d’âme ? Qui n’en posséderas jamais.

Mais alors quelle était cette étrange sensation ?
Pourquoi cette impression que ta gorge se nouait ?
Pourquoi cette impression d’étouffement ?
Pourquoi ?

Ce n’était qu’un masque… Ce n’était qu’un cadeau offert. Pourtant, lorsque tu le tenais ainsi entre tes mains, brisées… Tu avais juste l’impression d’être perdu… Tu n’arrivais pas à comprendre. Qu’est-ce qui t’arrivait ? Était-ce un semblant d’émotion ? Non… Non, ça ne le pouvait pas. Tu t’en persuadais. Tu ne pouvais que désirer que c’était faux. Tu ne pouvais que nier. Refuser. Fuir cette possible réalité. Heureusement, le prince t’avait tiré de ces terribles pensées. Ton visage restait imperturbable pourtant, ton regard trahissait un vide considérable. On y voyait une âme perdue. Qui parvenait à se retrouver, seulement parce que des voix la guidaient. Et tu suivras ces voix à l’aveugle sans problème, si cela peut te protéger de ces émotions. Si cela peut t’en éloigner le plus possible… Oui… Tu le feras sans hésiter.

« Je vois…. »

Tu ne pensais pas que l’héritier était une telle personne. Enfin… En réalité, tu n’avais jamais eu de pré-avis sur lui, cependant, n’importe qui serait étonné que quelqu’un de son statut se donne une telle peine pour simple curiosité. Qu’avait-il vraiment à gagner s’il en apprenait plus sur les traditions autour de ce masque ? Il en tirera peut-être certaines choses… Des choses qui lui serviront. De la politique en gros… Tu ne voyais pas comment, mais peut-être était-ce là une de ses perspectives. Il est un prince. Tu n’es qu’un soldat. Un soldat qui ne s’intéresse pas à tout ça. Tu te demandais juste s’il cherchait à améliorer les relations entre vos deux nations. Tu savais qu’il y avait des tensions. Tu savais que, Djinn et Kanagawa, sont deux nations qui ont beaucoup de différences. Ils se regardent d’un mauvais œil. Mais tu n’en avais pas l’impression avec le Ramses.

Est-ce que ta rencontre avec lui allait jouer pour l’avenir de vos deux pays ?
Non.
Mais, au moins, désormais, tu pouvais te dire que le prochain souverain de Djinn méritait ton respect. Qu’il y aura peut-être une évolution positive entre vos pays.

« Je ne sais guère si vous apprendrez des choses très intéressantes… Alors… Je ne peux que vous remercier humblement… Je ne crois pas que ce soit équitable, mais si c’est ce que vous désirez, je n’ai guère mon mot à dire... »

Cependant, un soldat vint mettre fin à votre échange. Des mots murmurés au creux de l’oreille, le prince qui acquiesce à plusieurs reprises… Tu restais silencieux, attendant calmement. Au moins, sa proposition avait permis de te remettre un peu les idées. Tu pouvais un peu mieux respirer. Souffler un bon coup avant de reposer toute ton attention sur le jeune homme.

« Je comprends parfaitement ne vous en inquiétez pas. »

Un de ses hommes vint récupérer les morceaux du masque. En lui remettant, tu te sentais étrange encore une fois. C’était comme si tu ressentais déjà son absence. Mais tu allais devoir faire avec. Tu en étais capable. Il te fallait surtout… Mettre de côté toutes ces questions.

« J’attendrais sans problème, vous pouvez prendre votre temps…. Sur ce… C’était un honneur de vous rencontrer. Je vous souhaite de vous reposer et de rentrer en sécurité.»

Un dernier regard avant que tu ne t’occupes des formalités avec son soldat. Si tu te mettais à bouger, tu pourrais compliquer les choses… Tu allais donc rester encore un peu à Ios. Le temps nécessaire…. Oui… Tu attendras des semaines s’il le faut. C’était arrangeant. Cela te permettait de retarder un peu ton départ. De retarder un peu, le moment où tu feras face à la Tour.