» Je suis certaine de mon choix.

Prononçais-tu sans sourciller. Alors qu'une légère fumée s'échappait du bol en face de toi. La femme de Jorunn avait cuisiné son fameux kalops malgré les températures qui ne baissaient pas forcément. Sans doute qu'elle savait qu'il fallait un peu de réconfort en ces temps troubles. En en parlant de temps troubles, tes idées elles-même étaient troublées par diverses songes qui partent dans tous les sens. Tu ne sais pas si c'est à cause de ton amnésie, ou à cause de la guerre actuellement, mais tu sentais que ton style de combat n'était plus adapté à qui tu voulais être. Même si tu ne connaissais rien de ta véritable identité, ni même quels genres d'armes tu utilisais avant - si tu te battais avant -, tu ne voulais pas rester accrochée au passé pour autant. Tu sens que ta pertuisane ne sert à rien dans tes mains, et qu'il était temps de maitriser une autre arme.

Jorunn croyait en tes capacités, mais ce changement soudain éveillait en lui certaines craintes. Même si il ne te connaissait pas depuis longtemps, il t'avait dit qu'il voyait en toi comme une enfant à protéger. Alors te laisser aller à Kanagawa avec un maître d'arme inconnu... Ce n'était pas une idée qui lui plaisait.

» Tu n'as pas à t'en faire pour moi, Jorunn. Je reviendrais vivante. Enfin, après, je n'ai toujours pas reçu de missive officielle... Mais j'ai besoin de changer. Il faut que je me batte avec une arme qui me convient. Comment est-ce que je pourrais vous défendre avec une arme qui... Rouille dans mes mains ?

Tu voyais dans les yeux de ton sauveur une légère lueur. Comme si tu avais réussi à le convaincre et le rassurer. Tu te doutais qu'il essayait de t'instaurer des doutes dans la tête pour que tu sois sure de ton choix, que tu ne regrettes pas après ça, et après mûre réflexion, tu savais ce que tu voulais faire. T'entraîner à maîtriser une autre arme, apprendre à te battre autrement, pour le bien de tes proches.

Et puis, le nordhalois sortait de sous la table une lettre signée, fermée par un sceau kanagawais. Un sourire satisfait dessinait tes lèvres quand tu comprenais de quoi il était question. Tu délaissais ton délicieux repas pour ouvrir la missive que tu attendais tant. Tu avais une date, et un nom. Il était l'heure pour toi de partir.


Kanagawa n'était bien sûr pas la porte à côté. Il fallait quelques jours pour arriver à bon port. Heureusement pour toi, tu n'avais aucune obligation dans les prochains jours, alors tu pouvais prendre le temps qu'il te fallait pour t'entraîner correctement. Tu espérais pouvoir réussir à maîtriser la nouvelle arme qui te faisait de l'oeil.

Tu t'étais accoudée au bord du bateau, le regard dans le vide. Tu réfléchissais à énormément de choses, te demandant comment cela allait se passer avec le maître d'arme. Tu avais fait tes propres recherches avant de recevoir la réponse positive à ton entraînement : ce maître d'arme a entraîné bon nombre de combattants, qui sont devenus puissants et célèbres au travers de leurs combats. Tu te demandais si tu allais finir par avoir une telle réputation à Cheldis.

Une femme qui manie le fouet, capable de tenir tête au plus puissant des monstres, ou au plus fort des combattants...

Qu'est-ce que l'apprentissage de cette arme te réservait ?



Sokcho. Tu étais déjà passée par ici il y a quelques temps, quand tu cherchais des traces de ton passé. Tu avais rapidement compris que tu ne venais pas de Kanagawa, mais tu trouvais tout de même les environs assez beaux. Prenant une grande inspiration, tu tentais de garder ton calme tout en cherchant ton chemin, jusqu'à ce que tu voyais au loin une personne qui ressemblait à la description de ton maître d'arme. Tu ne pensais pas faire d'erreur sur la personne, alors tu t'approchais d'elle d'un pas posé et doux. Tu avais hâte de commencer ton entraînement, mais il valait mieux garder la tête froide pour ne pas faire d'erreurs bêtes.

Après les échanges de courtoisies normaux, tu attachais tes cheveux en une queue-de-cheval tandis que Ferry te demandait directement la raison qui te poussait à maitriser le fouet. Tu avais doucement posé tes mains sur tes hanches, ton cerveau en pleine réflexion. Même si tu connaissais déjà toutes les raisons qui t'avaient poussées à faire les démarches pour cet entraînement, il fallait que tu réussisses à aligner des phrases compréhensibles, pour que Ferry comprenne bien ta réflexion.

» Pour être totalement franche ; je suis amnésique. J'ai complètement oublié qui j'étais avant la guerre, j'ai oublié mon enfance, ma potentielle famille... Je dois avancer en devenant une "nouvelle personne", sans souvenirs de mon passé. Quand j'ai été recueillie par un Nordhalois, il m'a enseigné l'art de la pertuisane, car il maitrisait cette arme également. Mais au fur et à mesure des jours, je sentais que cette arme n'était pas faîtes pour moi. Elle n'est pas en adéquation avec qui je suis vraiment, ou du moins, qui j'ai envie d'être malgré mon amnésie.

Je me suis renseignée un peu sur l'art du fouet, sur vos exploits et les exploits de ceux que vous avez entraîné. Leur façon de se battre et de se défendre me semble beaucoup plus adaptée à ce que je veux. Tant pis si je m'éloigne de celle que j'étais avant de perdre la mémoire. Je pense qu'il est temps de laisser la nouvelle "moi" naître.

Tu laissais un petit silence prendre place. Peut être que tes explications paraissaient trop floues, voir archaïques... Mais c'était la façon dont tu voyais les choses. Tu croisais tes bras tout en baissant la tête, attendant la réponse de Ferry.

» Avoir un passé difficile ou un passé inexistant est bien souvent un facteur qui permet de se lancer dans de nouvelles choses, que ce soit de nouveaux apprentissages, de nouveaux voyages, de nouveaux liens... A voir si cela sera suffisant pour toi, pour mener à bien un entraînement d'une arme aussi originale que le fouet. Tu dois bien te douter que ce n'est pas à la portée de tout le monde, et que l'entraînement ne sera pas simple. Je ne te le demanderais qu'une seule fois : Es-tu sûre de vouloir t'entraîner avec moi pour maitriser cette arme ?

Sur ces mots, tu t'avançais vers elle, un léger sourire sur les lèvres, prête à en découdre.

» Je suis sûre et certaine. Quitte à saigner, à ne plus dormir, ou que sais-je, je ferais tout pour être à votre niveau.

Ferry ne répondait pas et se contentait de te tourner le dos, saisissant deux fouets, dont un qu'elle te tendait d'un geste vif.

» Eh bien ne perdons pas de temps, et commençons.

Ferry semblait avoir un fort caractère. Tu ne la connaissais pas personnellement, mais selon sa réputation et les dires de ses subalternes, il ne fallait pas la sous estimer, ses paroles peuvent faire aussi mal que ses coups de fouet. Heureusement pour toi, tu étais du genre à vouloir avoir ton propre avis sur les nouvelles personnes que tu rencontres, qu'importe ce qu'on peut dire sur elle. C'est pour cela que tu étais attentive aux paroles de Ferry, aux aguets vis à vis de ses mouvements, de sa façon de parler. Parfois, on peut remarquer des démarches particulières ou des tics précis chez une personne qui manipule telle ou telle arme. C'était souvent minime, mais tu aimes observer ces détails, car tu étais prête à tout pour maîtriser le fouet.

» Bien, avant toute chose, il faut échauffer les poignets. Certes, on a parfois pas le temps de faire ce genre d'exercice sur le champ de bataille, mais à force de s'entraîner, ces échauffements deviennent inutiles. Mais, même si moi j'ai dépassé ce stade dû à mes expériences, autant éviter que vous vous fassiez  une entorse au poignet en voulant imiter mes prouesses.

Tu ne répondais pas, te contentant de suivre ses mouvements au niveau des poignets. Tu aimerais, en effet, éviter de te blesser de manière idiote durant ta première journée, cela donnerait une mauvaise image de toi, ce que tu n'apprécierais pas. Simplement par fierté il faut dire. Car l'erreur est humaine, et tu vas faire des erreurs aujourd'hui... Mais tu ne veux pas faire la seule erreur qui t'empêchera de continuer l'entraînement.

» Pendant que l'on s'échauffe, développez pourquoi vous avez choisi cette arme. Je suis curieuse. Et je ne vous demande pas de développer votre passé, non. Juste... Qu'est-ce qui vous attire dans cette arme ?

Tu avais un doute sur le côté "curieux" de la question. Tu te demandes si l'hybride ne demandait pas ça simplement pour meubler un peu la conversation... Mais qu'importe.

» Comme je vous ai expliqué, je sentais que la pertuisane n'était plus en adéquation avec ce que je veux être. Si je veux décrire un peu plus ce qui m'attire dans le maniement du fouet... Hm... Je dirais que c'est ce côté sournois qui émane du fouet. Une personne qui ne connait pas le fouet peut sous estimer cette arme, ou ne pas connaître les attaques qui sont possibles avec ça. Ce qui donne un effet de surprise au combat, et peut être une probable supériorité de mon côté. Je pense que c'est ce côté de l'arme qui m'attire.

Après avoir fini ton échauffement, tu fixais la demoiselle sans aucune émotion sur le visage. Tu ne sais pas si tu l'avais convaincu dans ton explication, ou si tu avais su t'exprimer clairement. Il faut dire que c'est un changement radical dans ta façon de te battre et tu avais mûrement réfléchi à cette décision. C'est juste que, parfois, tes réflexions paraissent archaïques et illogiques pour les autres. Peut être que cette difficulté à t'exprimer venait de ton amnésie, qui sait.

» .. Je vois. Permettez-moi de vous expliquer la base, même si cela pourrait bien être au-delà de vos compétences. Le fouet n’est pas simplement un outil pour frapper à distance. Il nécessite une maîtrise absolue du timing, de la précision, et de la force. Ce n’est pas comme une simple épée ou un bouclier où vous frappez bêtement et espérez que cela suffise. Non, ici, chaque mouvement doit être calculé.

Comprendre l’arc du fouet est crucial, mais je ne suis pas sûr que vous soyez prêt pour cela. Vous devez contrôler la direction, anticiper les contre-attaques, et surtout, ne pas vous emmêler dans votre propre arme. Mais bon, essayons, peut-être qu'avec beaucoup d'efforts, vous arriverez à quelque chose qui ressemble à une technique. Si vous avez de la chance.

Maintenant que vous avez une vague idée du fouet, parlons des méthodes d'apprentissage. Je dois vous avertir, ce n’est pas un jouet. Votre progression sera... laborieuse, dirons-nous. Vous devrez d’abord comprendre l'importance de la posture, ce qui, j’imagine, sera déjà un défi pour vous. Le moindre faux mouvement et vous finirez par vous fouetter vous-même. Amusant, non ?

Ensuite, il y a l'apprentissage du rythme. Oui, parce que, contrairement à ce que vous pourriez croire, vous ne pouvez pas simplement balancer le fouet au hasard. Vous devrez apprendre à anticiper chaque mouvement, chaque impact. Mais ne vous inquiétez pas, il est courant pour les débutants d’échouer encore et encore. Peut-être finirez-vous par en maîtriser les bases après des heures d’effort acharné. Si vous parvenez à rester concentré, ce qui, bien sûr, reste à voir.

Et enfin, la technique avancée... oh, mais c’est beaucoup trop ambitieux pour l’instant. Restons sur les bases. Qui sait, peut-être que vous n’aurez même pas besoin d’aller jusque-là.

Tu penchais doucement la tête, fronçant un peu les sourcils. Cette tendance à te rabaisser, cette fâcheuse manie à être condescendante dans ses mots... Cela te frustrait un peu. Tu détestais entendre que l'on te pense incapable de réussir quelque chose. Même si Ferry ne le pensait peut être pas, le fait qu'elle ait dit tout ça sans sourciller te faisait doucement grincer les dents, mais tu préférais ne pas rétorquer sur ses remarques, autant se concentrer sur les informations importantes.

» Si j'arrive à faire des prouesses satisfaisantes à vos yeux, seriez vous d'accord de me faire une démonstration de cette "technique avancée" ? Sans forcément m'entraîner pour une telle maîtrise... Simplement pour que j'observe vos mouvements, pour encore mieux comprendre cette arme.

» Je suppose que je peux accepter, même si je ne suis pas sûre que vous arriviez à avoir une maîtrise qui me satisfait assez pour que je vous offre ce plaisir. Enfin, observez.

Sans attendre, elle plaçait devant elle des mannequins en bois, mais aussi des bouteilles vides alignées sur une souche. Tu observais un peu les objets, ayant du mal à comprendre où elle voulait en venir, mais tu n'avais pas eu le temps de la questionner, que Ferry enchaînait une dizaine de coups sur le mannequins, lui coupant un bras au passage tout en laissant des lacérations puissantes sur tout le mannequin. L'attaque fût rapide, vive, et très précise, et tu fus ramenée à la réalité ; tu avais en face de toi une professionnelle, tu n'auras clairement pas son niveau en peu de jours.

» Impressionnée ? Je sais. Pourtant, je n'ai pas mis cent pourcents de mes capacités dans ces coups, mais je pense que c'est déjà suffisant pour voir à quel point le fouet est une arme qu'il ne faut pas sous estimer.

Tu t'étais approchée du mannequin, passant ton doigt sur les entailles précédemment infligées. Effectivement, les lacérations sont profondes et témoignent d'une puissance énorme.

» Commençons par les bases. Prenez la même posture que moi et essayez de viser les bouteilles. Un professionnel comme moi touche toutes les bouteilles et les brise en deux sans difficultés. Mais à votre niveau... Essayez déjà de toucher les bouteilles sans vous fouetter vous-même.

» Très bien.

Silencieusement, tu analysais sa position, que ce soit des jambes, des mains, des bras. Absolument tout était analysé par tes yeux, avant que tu essayes d'imiter au plus proche sa position. Tu prenais une grande inspiration, avant de faire ton premier lancé, qui était bien sûr un échec cuisant. Le fouet n'était pas parti assez long pour frôler une bouteille, tu t'étais même fouettée en ramenant la corde vers toi, mais tu ne restais pas sur tes échecs, et tu fis alors un autre lancé, plus franc, plus vif, qui avait, encore une fois, raté. Tu essayais de comparer mentalement tes deux coups, qu'est-ce qui n'allait pas dans le premier coup, et qu'est-ce que tu pourrais améliorer dans le second. Légèrement perdue dans tes pensées quelques minutes, tu reprenais ta concentration en lançant de nouveau ton fouet sous le regard acéré de Ferry.

Conclusion : tu avais fait tomber 2 bouteilles sur dix, ce qui n'était déjà pas si mal pour un début.

» Je sens que je m'améliore à chaque coups. Avez-vous des conseils à me prodiguer ?
» La posture est mauvaise et le poignet n'est pas assez souple. Mais il y a un début, c'est sûr. Hm.. Je pense qu'on peut faire quelque chose de toi, mais peut être que je vais trop vite en besogne. Quitte à y passer la nuit, on va rectifier ces erreurs qu'un expert ne fera jamais.

Tu esquissais un sourire, amusée par la situation. Ce n'était que le premier jour, mais tu sentais que tu allais clairement t'améliorer rapidement. Il suffisait que tu écoutes les conseils de Ferry.

Déjà qu'ici, tu sais que ce soir, tu seras capable d'exploser dix bouteilles sans difficultés.

Le second jour de ton entraînement. En quelques heures déjà, tu avais fait des progrès notables. Il y avait encore du chemin à faire pour que tu maîtrises assez bien ton arme, mais tu avais déjà au moins quelques bases, certes, qu'il fallait perfectionner. Pendant que tu te reposais, tu réfléchissais sans cesse à tes mouvements, à l'amélioration que tu pouvais apporter, à ce que tu pouvais faire de mieux encore. Tu sais qu'il fallait que tu observes Ferry quand elle te montre des exercices, et analyser des personnes était l'un de tes domaines de prédilection, il fallait juste que tu mettes en pratique tes observations.

Tu étais levée dès l'aube, prête à en découdre avec ton entraînement. Ferry t'avait donné rendez vous le matin, mais vu que tu étais présente plus tôt que prévu, tu te disais qu'il fallait que tu utilises ton temps à bon escient. Alors tu faisais un tour de terrain pour bien te réveiller. Rien de mieux que l'effort physique pour se mettre d'aplomb directement, tant que tu ne te fatiguais pas trop, sinon l'entraînement allait en pâtir.

Tu faisais aussi quelques exercices au niveau de tes poignets. Tu les tournais de gauche à droite pour les échauffer, mimant parfois un lancé de fouet pour avoir une bonne agilité. Tu voulais montrer à Ferry que tu étais prête à tout pour maîtriser la nouvelle arme, et que tu étais déterminée pour mener à bien tous les futurs entraînements de la journée.

» Eh bien, eh bien...

C'est une voix familière qui te faisait lever le regard. Tu n'avais pas vu le temps passer, si bien que Ferry te sortait de tes songes. Tu cessais ton échauffement, la regardant d'un air curieux.

» Ce n'est pas en s'entraînant dès l'aube sans le maître d'arme que l'on devient plus fort vous savez...

Tu fronçais légèrement les sourcils. Tu pensais bien faire en passant ton temps libre à t'entraîner plutôt qu'à flâner, mais peut être que ce n'était pas la meilleure façon d'appréhender les choses. Tu restais silencieuse alors que Ferry s'étirait calmement.

» Il n'empêche que j'apprécie l'effort. Ceux qui se lèvent tôt pour perdre leur temps ne servent à rien. Bon, ne perdons pas de temps, nous. Hier, nous avons vu le mouvement du poignet, la façon dont il faut lancer le fouet pour atteindre des cibles, aussi loin et petites qu'elles soient. Je pense qu'on va reprendre ça un peu au début pour commencer, puis après je vais vous apprendre quelques techniques pour faire différents lancés. Je pense que vous vous en doutez que se battre avec le fouet ne consiste pas seulement en des lancés droits ennuyeux. Non non. Un professionnel du fouet sait faire des "effets" avec son arme, pour mieux surprendre l'adversaire.

Tu hochais poliment de la tête tout en prenant un des fouets d'entraînement qui était mis à disposition. Malgré les quelques douleurs que tu ressentais à ton bras à cause d'hier, tu continuais malgré tout à donner le meilleur de toi-même. Ferry avait installé de nouveau dix bouteilles sur une souche d'arbre à quelques mètres de toi. Tu sentais les améliorations que tu avais fait depuis hier, te fouettant un peu moins, même si quelques coups se perdaient sur tes jambes. Tu avais cassé un peu plus de bouteilles qu'hier et cela te faisait sourire. Tu sentais que tu maîtrisais de mieux en mieux la trajectoire du fouet, et que si tu t'entraînais encore davantage, un peu tous les jours, tu deviendrais une professionnelle dans le domaine.

» Quels sont les "effets" dont vous aviez parlé plus tôt ?

De légères lueurs se dessinaient dans tes yeux, tu étais curieuse d'en apprendre davantage sur les "effets" cités plus tôt. Tu te doutais qu'il y avait des techniques un peu plus fourbes dans le maniement du fouet pour réussir à vaincre l'ennemi avec plus de facilités... Et bien que tu ne sois pas certaine d'avoir encore le niveau adéquat pour voir ces techniques, tu demandais quand même à Ferry de quoi il était question. Sans piper mot, l'Amari s'absentait quelques instants pour ensuite revenir avec quelque chose dans les bras. Cela ressemblait à un gros fruit rond, ou un ballon, tu n'es pas certaine... Dans tous les cas, c'était imposant et cela semblait être lourd. Tu remarquais que des personnes apportaient d'autres de ces grands "ballons", sans doute pour le futur entraînement qui approchait.

» Voyez vous, vous êtes encore loin d'avoir le niveau adéquat pour maîtriser ces différents effets, c'est sûr... Mais je peux vous montrer et vous pouvez essayer de les reproduire. Cela diversifiera l'entraînement.

Ferry saisissait son fouet avec une telle poigne que cela te fascinait.

» On peut frapper voir découper une cible de différentes manières. Il y a les coups droits, qui peuvent fendre en deux quelque chose, même quelque chose de solide. Ou alors on peut donner des coups sur les côtés, selon la position de la cible, la situation dans laquelle vous vous trouvez... Il faut savoir s'adapter en conséquence.

Sans prévenir, Ferry donnait plusieurs coups parfaitement maîtrisés. Un coup avait tapé pile au centre de la cible, laissant une fente nette et profonde, puis la demoiselle frappait également deux fois sur le côté, à deux endroits distincts. C'était un entraînement plus difficile que simplement faire tomber des bouteilles au sol. Ici, il fallait maîtriser la trajectoire du fouet, la force donnée... Ce n'était pas évident.

» Allez - y , essayez.

Ferry avait installé une autre cible avant de se reculer, les bras croisés, prête à t'analyser pour pointer les erreurs que tu allais faire. Prenant une grande inspiration, tu donnais un premier coup, qui, certes, avait touché, mais clairement pas assez fort pour faire une entaille parfaite. Tu avais juste réussi à faire tomber la cible et la faire rouler plus loin, mais cette dernière n'avait aucune égratignure malgré ton coup. Mais tu ne restais pas sur un échec, et après avoir ramené la corde à toi, tu plissais les yeux, fermant ces derniers tout en te mettant en position. Tu te moquais bien de paraître ridicule dans tes mouvements, tu voulais simplement donner le meilleur de toi-même et réussir cet entraînement par-dessus tout.

Après que l'Amari ait remis en place la cible, elle s'était approchée de toi, saisissant ton poignet pour le mettre en hauteur, dans une certaine position.

» Vos yeux doivent se diriger sur la cible. Vous ne pourrez jamais être professionnelle en jetant votre fouet à l'aveugle et au hasard. Peut être quand vous serez aussi expérimentée que moi, vous pourrez. Mais actuellement, c'est impossible pour vous. Donc, visualisez bien la cible, rendez votre poignet souple, et ça devrait le faire, normalement.

» D'accord, je comprends mieux.

Quand Ferry t'avait lâché, tu lâchais un long soupire pour évacuer la pression, puis tu fis un lancé franc, sans réfléchir. C'était un coup qui avait bel et bien touché la cible, faisant une entaille. Certes, elle n'était pas spécialement profonde ni même très droite, mais au moins, tu avais touché la cible.

Le but de l'entraînement d'aujourd'hui était de t'apprendre à toucher une même cible plusieurs fois en faisant des entailles de plus en plus précises. Tu avais encore du chemin à faire, mais plus tu donnais des coups, plus les entailles devenaient profondes et précises. Certes, tu t'étais donnée quelques coups au passage, dans les jambes ou le dos, mais tu t'améliorais de plus en plus au fur et à mesure que la journée avançait.

Le jour se lève sur Kanagawa. Après avoir passé une très longue journée, la veille, pour maîtriser quelques effets au fouet, te voilà au dernier jour de ton entraînement. Tu n'avais pas vu les jours passés malgré les courbatures que tu avais aux bras et aux poignets ainsi qu'aux épaules. Tu sentais que tu avais bien fait travailler tes muscles et quasiment l'entièreté de ton corps durant ces deux premiers jours. Tu te demandais ce que réservait Ferry pour aujourd'hui, et tu n'avais pas attendu longtemps avant que cette dernière ne pointe le bout de son nez.

» Nous voilà déjà au dernier jour de ton entraînement pour le fois. Je ne peux pas dire que tu frôles ne serait-ce qu'un petit peu la perfection de ma propre maîtrise mais...

Tu la voyais poser ses mains sur ses hanches, bien que son air hautain était toujours présent sur son visage, tu sentais une légère envie de bienveillance, bien qu'elle était minime.

» Vous vous êtes déjà un peu plus améliorée avec les entraînements. Donc c'est bien, mais c'est clairement pas assez.

Sans attendre, elle t'avait balancé un fouet un peu plus amélioré que celui que tu utilisais durant tes entraînements. Tu te permettais de l'analyser un peu, la corde semblait encore plus solide et dangereuse, le manche était un peu plus travaillé et plus facile à tenir... Techniquement, tu n'avais que des avantages avec cette nouvelle arme.

» Bien, pour votre dernier jour, je vous ai préparé une sorte de "parcours du combattant". Je m'explique.

Elle te montrait le terrain d'entraînement, qu'elle avait aménagé après que vous ayez fini l'entraînement d'hier. Tu reconnaissais quelques exercices que tu avais fait durant ton séjour, bien que tu voyais que certains des exercices avaient quelques différences notables. Tu suivais Ferry, intriguée par ce que tu voyais, bien que tu restais silencieuse pour écouter ses explications.

» Bien. Ici, vous devez faire tomber des bouteilles, comme on a déjà fait. Ensuite, ici, vous devez trancher ce fruit, et à la fin...

Elle se positionnait dans une zone sans objets ni quoi que ce soit qui pouvait bloquer vos mouvements.

» La dernière étape, c'est moi. Vous ne partirez pas tant que vous ne m'avez pas touché une fois. Quitte à y rester toute la nuit, je ne validerais pas votre maitrise du fouet tant que je me serais pas pris un coup. Compris ?

» Compris.

Tu échauffais tes poignets comme tu l'avais appris. Tu sais qu'à force, tu n'aurais plus besoin de faire ça, mais tu restais une débutante, tu ne veux pas te déclencher une tendinite en ne faisant pas attention à tes articulations. Après t'être échauffée, tu te positionnais sur le premier exercice. Normalement, tu t'étais améliorée, donc tu allais moins galérer qu'au début.

Tu attendais le départ de Ferry avant de saisir ton fouet. Ton premier coup, sans doute la chance du débutant, avait fait tomber la première bouteille sur les trois en face de toi. Tu sentais que ton coup n'était pas incroyable, tu étais allée un peu trop vite, sans doute à cause de l'excitation de l'entraînement, alors tu prenais quelques secondes pour te reconcentrer, te détendre. Tu n'avais pas à être autant pressé, tu avais toute la journée pour réussir ce parcours, alors autant prendre son temps pour le réussir à la quasi-perfection.

Tu avais réussi à éclater les trois bouteilles, non sans rater deux trois coups qui étaient partis trop loin, ou qui étaient trop mous pour faire le quelconque dégât à une bouteille.

Rapidement, tu passais au second exercice, l'un de tes préféré : tu devais exploser un fruit avec ton fouet. Un coup cash, avec force et rapidité. Tu lâchais un long soupire, pour faire le vide dans ta tête, éclaircissant tes pensées. Tu sentais le regard accru de Ferry sur toi, tu savais qu'elle te surveillait et t'analysait, voir si tu étais vraiment apte à repartir avec la maîtrise du fouet. Tu te doutes que ses attentes sont élevées, et tu allais faire de ton mieux pour combler ses attentes.

Il y a un fruit face à toi. Tu analysais un peu, réfléchissant à ce que tu pouvais faire. Et puis d'un coup, tu lançais un coup franc sur le premier fruit, mais tu l'avais raté complètement. Si tu avais un goût amer dans la bouche à cause de l'échec, il ne faut pas que tu commences à dériver, tu dois te concentrer. Tu ne restais pas sur un échec, recommençant directement avec plus de rage, plus de volonté.

Tu veux réussir.
Tu veux réussir.
Tu vas réussir.

Et plusieurs lancés un peu hasardeux, tu reprenais ta concentration. Tu commençais à frapper sans réfléchir, alors tu reprenais ton calme. Tu inspires profondément, prenant le temps qu'il fallait pour reprendre tes esprits. Et puis, tu lançais ton fouet de nouveau et...

Tu avais explosé le fruit avec vivacité. Tu sentais que tu avais forcé sur ton bras vu qu'il te picotait légèrement, mais ce n'était rien comparé à la satisfaction que tu ressentais à cet instant. Tu avais accompli la chose que tu attendais d'accomplir au moment où tu avais posé le pied sur le sol Kanagawais.

La satisfaction de réussir.
Tu as réussi.

» Bien, bien. Vous avez réussi tout ça en trois heures. Je fais mieux niveau temps, mais j'ai remarqué que vous avez pris votre temps à chaque exercices... C'est normal en tant que débutant, mais retenez simplement que sur un champ de bataille, le temps, ce n'est pas forcément ce que vous avez... Néanmoins, il est l'heure de passer au dernier exercice.

Tu te redressais. Cette fois-ci, tu n'étais pas face à des bouteilles ou des fruits inanimés. Tu étais face à Ferry. Si tu avais pu observer son talent quand elle t'expliquait les exercices, tu ne l'avais jamais vu en pleine action, face à quelqu'un. Tu savais qu'elle n'allait pas retenir ses coups, et que tu allais ressortir de là avec de nombreux bleus... Mais qu'importe, c'est le prix à payer pour réussir à maîtriser cette arme qui te faisait de l'oeil depuis que tu en avais entendu parler.

» Un seul coup, et je vous considère comme une nouvelle combatte armée d'un fouet.

» Très bien, je vais faire de mon mieux.

L'Amari n'avait pas entendu un quelconque départ ou un quelconque signe pour commencer avant de lancer son arme en ta direction, te fouettant les jambes avec une certaine force. Bien que tes vêtements étaient relativement épais (car à force de te frapper avec ton propre fouet, tu avais mis plus de couches de tissus sur toi pour éviter d'avoir mal), tu sentais la force de ses coups, le professionnalisme dont elle faisait part était bluffant.

La première partie du combat n'était pas intéressant, car tu essayais simplement d'esquiver ses coups tout en lançant ton fouet de manière maladroite. Ferry était rapide et maitrisait son arme à la perfection, elle est clairement à un niveau bien trop loin de toi, et tu commençais à douter de tes capacités à l'atteindre ne serait-ce qu'une fois.

Tu n'es pas capable ?
Tu doutes de toi ?
Tu doutes de toi ?

L'échange s'éternisait, une heure, deux heures... Ferry n'avait pas l'air de ressentir la moindre fatigue alors que toi, tes jambes commençaient à faiblir ; mais tu ne lâchais pas prise. Tu allais réussir. A force que les minutes s'écoulent, tu avais analysé les mouvements de Ferry, ses techniques... Bien qu'elle te surprenait toujours à chacun de ses mouvements.

Puisant dans tes forces affaiblies, tu balançais ton fouet au niveau de l'épaule de Ferry... Mais tu n'y arrivais pas. Tu étais à bout de force.

» Bon, ça suffit.

Ferry te regardait, elle te regardait de haut en bas avant d'attacher son fouet à sa hanche, levant une main pour signer la fin de l'entraînement. Tu n'avais pas réussi à la toucher et cela te frustrait. Ah.. Le goût de l'échec n'était pas agréable.

» De toute façon, je ne m'attendais pas à ce que vous arriviez à me toucher. Mais j'ai remarqué les efforts que vous avez fait. Vous avez encore énormément de chemin à faire avant de maîtriser à la perfection cette arme... Mais vous avez quelques bases, c'est déjà ça.

» ... Je continuerais de m'entraîner. J'espère ne pas vous avoir déçu...

» Je ne peux pas être déçue : je ne m'attendais à rien. En trois jours, si vous aviez réussi à me toucher... Je me serais posée des questions. Néanmoins, il est nécessaire de continuer de s'entraîner oui. Vous avez les bases, mais elles ne sont pas assez développées pour être efficace au combat, j'espère que vous avez conscience de ça. Je ne peux pas faire des miracles non plus.

Elle venait hausser les épaules.

» Oui c'est sûr, et j'en ai parfaitement conscience, c'est pour ça que je continuerais à m'entraîner tous les jours.

Et puis elle s'étirait.

» M'enfin. L'échec fait mal, même si je ne peux pas comprendre ce sentiment... Mais passons. Sinon, je connais une taverne non loin d'ici. Ce n'est pas dans mes habitudes, mais je pense que je mérite de boire quelque chose après ce combat qui a biennnn trop duré. Si vous voulez venir...

Esquissant un léger sourire, tu reposais le fouet d'entraînement à sa place. Tu hochais la tête, tu penses que tu mérites aussi de boire quelque chose après cette journée intense. Même si tu n'avais pas réussi le dernier entraînement, dès que tu seras rentrée à Althéa, tu reprendras tes entraînements. Tous les jours, tout le temps.

Et tu reviendras voir Ferry pour lui proposer un combat.
Et cette fois-ci, tu réussiras.